Chapitre 5 - Le Blackout

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Babylone est éteinte.

L’impossible se produit ici, sous nos yeux. Devant la pyramide B.P.D., Thompson, la myriade d’agents, et moi-même, nous sommes témoins avec effroi de la catastrophe : la grande Babylone est éteinte. Plus aucune lumière, plus aucune lueur, plus rien. Un blackout total plonge la cité des Anges dans le noir abyssal.

“Bordel…”

Thompson dit vrai. Pour une fois. L’abysse dans lequel est plongé la cité est effrayant. Même la Tour, habituellement scintillante, semble invisible.

“QU’EST-CE QUE C’EST QUE CE BORDEL !”

Thompson explose alors que nous sommes rentrés au dernier étage du QG B.P.D. Du haut de la pyramide, la scène est encore plus apocalyptique : une ombre à la place de Babylone. Assis au bureau, Thompson nous fait le topo, nous l’écoutons avec attention : “Bon...plus rien ne fonctionne. RIEN. Les ordinateurs, les caméras, les tablettes, les GPA, GPS, mais aussi les projecteurs Ambre, Nano, Apple, Samsung, Ambre 100, 200, 3000 et 3001, même Hal est déconnecté. Les communications sont coupées. Nous n’avons plus rien. Nous sommes complètement isolés de...de nous-mêmes. J’ai besoin d’un maximum d’agents pour descendre en ville, constater les dégâts. J’irai moi-même en tête de peloton. On ne sait pas ce qu’on trouvera là-bas, les gens seront peut-être violent à cause du blackout, ou peut-être seront-ils conciliant. Pour le moment c’est tout ce que l’on peut faire.

  • Le Nectar fonctionne encore ?
  • Bordel, rien à foutre du Nectar, c’est le dernier de nos soucis, on doit d’abord constater les dégâts et ensuite comprendre comment c’est arrivé ! Plus important, est-ce que Babylone se rallumera ! Allez dépêchez-vous de vous équiper !”

Je décide de bouger comme tout le monde. Sauf que je profite de la cohue pour m’éclipser. Je n’irai pas en ville. Je suis persuadé que le gamin a quelque chose à voir dans toute cette histoire. Il savait. Dans la panique, Thompson ne s’en est même pas rendu compte. Je descends les escaliers un à un. Les ascenseurs et monte-charges sont HS. Ma lampe torche à pile m’éclaire les escaliers. A mesure que je descends, je me demande comment est-ce possible que la grande Babylone se retrouve soudainement si… ridicule ? Notre grande patrie, le dernier fief de la planète, dernier refuge de l’humanité, Paradis artificiel si parfait, désormais hors d’usage ? Et le Nectar..? Je me pose un millier de questions, tandis que là-bas, le milliard de Babylonien se retrouve dans l’ombre…

Une fois dans les souterrains, au coeur de la prison, je cherche la cellule du garçon. Je suis si euphorique que je ne remarque pas tout de suite le silence. Pas un seul gardien dans les environs. La prison forme un cylindre, un puits s’enfonçant profondément dans le sol. Il fait sombre mais là-haut, tout en haut, une lueur étincelante éclaire les environs. Comment est-ce possible ? Je me mets à courir, gravir les premiers escaliers vers le haut de la prison, faisant instinctivement le lien entre cette lueur scintillante et la mise en cause du gamin...Puis, j’arrive enfin à destination : tous les gardiens sont là, toutes les “boîtes” sont collées à leurs barreaux, tous attirés vers la lumière, la seule lumière au coeur de ce blackout, là, au bout du corridor. Je me dirige vers la lueur, me faufilant entre tous, la main déjà sur la crosse de mon Sig 49. Sauf que ce que je vois lorsque je passe enfin la foule, est plus somptueux que tout ce que jamais je n’aurais imaginé.

Un projecteur diffusait un hologramme, au-dessus du vide du puits que formait la prison.

Un hologramme merveilleux.

Une petite fille, dans les bras d’un homme plus grand, visiblement son père. Les deux semblaient se retrouver après un long moment d’absence. Le père portait un uniforme de militaire.

“Mon Dieu, c’est moi !”

Une voix, émanant d’une des innombrables cellules.

Puis après cette scène de retrouvailles, d’autres hologrammes : un petit garçon, des tâches de chocolat sur le visage et les vêtements, une mère bienveillante derrière lui, préparant un second gâteau. Les deux semblent heureux, comblés.

“Maman ! C’est ma mère !”

Une seconde voix parvint jusqu’à moi.

Un troisième, un quatrième, un dixième film projeté en hologrammes. Et à chaque film, une voix s’élève pour manifester sa propre vie, oublié, projeté à la vue de tous.

Mais le projecteur n’en n’était pas un.

Le petit garçon. Tom. Sans lunettes, sans bandages autour des yeux. Il se tient là, dans sa cellule, aux côtés d’une femme que je comprends être la petite fille du premier hologramme. En émois face à ce qu’elle a vu. Tom, quant à lui, se tient debout, les yeux tellement brillant que j’ai du mal à le regarder. Tout ce que je vois, ce sont ses yeux, illuminés, qui projettent ces films de l’enfance de chacun, tel un projecteur Ambre 3000. Impossible… Je détourne alors le regard vers la façade pour m’apercevoir qu’un visage familier est projeté en ce moment même. Papa ?.. Mon père. Il se tient là. Déambulant au-dessus du vide du cylindre que forme la prison. Il entre dans la chambre que...ma chambre...celle que j’occupais étant enfant...huit ans à peine...tout me revient alors...comme si des années, des siècles, des millénaires avaient effacés ma mémoire...telle une caméra suivant mon père, au-dessus de son épaule, je me vois tourner mon visage enfantin vers lui...des cheveux longs à cette époque...devant une bibliothèque enrichies de livres divers...mes livres comme disait papa...20 000 lieues sous les mers, le Petit Prince, mais aussi ceux de mon père tels que Fondation, Les Robots, Ubik, les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?,...des oeuvres que je n’ai jamais vraiment comprises... mais je détourne les yeux de mon père car je reste focalisé sur un livre de la bibliothèque mais je ne vois pas le titre d’ici… mon regard reste fixe...mon père regarde et à cet instant, le ton de son visage change...il me pose à terre, fixe les livres et...les hologrammes disparaissent, laissant couler le long de mes joues deux fines larmes.

Je ne comprends pas. Pas encore.

La lumière réapparaît à nouveau. Un dernier hologramme flottant dans le vide.

Babylone était représentée. La Tour, les buildings, les Murs, l’océan. Tout y est. Une représentation parfaite de notre cité à tous mais qui, lentement, tombe en ruine...tout commence par les lumières s’évanouissants les unes après les autres. Comme ce soir… Puis les hommes, les femmes et même les enfants se jetant les uns sur les autres. Les hologrammes de babyloniens se frappant, se tabassant sans raisons apparentes, au milieu de l’ombre qui pesait désormais sur la ville. Du sang sur les trottoirs de Elm Street, de l’ultraviolence sur Wall Street, jusqu’à ce qu’un feu embrase la rue Japonaise, puis la Elm Street et rapidement la cité entière. Le chaos. Chacun, au sol, fuit, tente de survivre. Après un long moment, le feu s’éteint mais Babylone n’a plus rien de grand. Elle semble diminuée, affaiblie, un nuage de fumée enveloppant sa structure. Les Hommes se mettent à chercher leur dose de Nectar. Peu à peu, plus personne ne défile dans les rues. Jusqu’à ce que la cité, noire de suie et rattrapée par une Nature reprenant ses droits, se retrouve vide de toute vie.

Puis, tout recommence. Jusqu’à devenir à nouveau ce que les ruines avaient été : la grande Babylone. Tout ceci recommençant en une boucle sans fin.

Et soudain,tout disparaît.

Seul les yeux scintillant en deux veilleuses d’un blanc étincelant, éclairent la cellule dans laquelle le gamin se trouve.

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