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   Chers fans,


Je vais sûrement vous décevoir, mais ceci n'est pas une lettre annonçant un scandale. 


Vous comprendrez sûrement de quoi je veux parler en continuant votre lecture. Vous comprendrez pourquoi il m'est trop difficile de continuer. 


Mais pour cela, il faut que je remonte à mes débuts. Quand la presse à scandales ne me connaissait pas, et la plupart d'entre vous non plus.


J'aimerais dire qu'à cette époque tout était rose, pour grossir le trait et marquer le changement entre "avant" et "après". Mais je préfère être honnête, pour la dernière fois de ma vie. 


Donc, la vie ne m'offrait pas de cadeaux, mais j'étais heureux. Je me remettais enfin de la mort de mon père, je commençais à penser à voyager, et mon propre groupe devenait peu à peu connu dans ma région. 


Personne ne croyait en nous. Ma mère m'a avoué plus tard qu'elle écoutait aux portes de ma salle de bains pour vérifier ma voix, et espérait que je ferais des études de droit au lieu de devenir artiste comme mon père. 


Je crois que sans la mort de mon père, je ne m'y serais pas mis. J'aurais continué de chanter " Résiste " de France Gall sous la douche, au milieu des gouttelettes d'eau, avec pour seuls spectateurs mon chat Muffin et ma mère derrière la porte. 


Mais justement, la mort de mon père m'a fait prendre conscience de ce pour quoi je voulais me battre. Alors je me suis lancé. Je me suis lancé à fond dans la musique, prévoyant des concerts dans des bars miteux de ma région, m'entraînant encore et encore dès que j'en avais l'occasion. 


Et tout d'un coup, après des mois de travail, cela a marché. Nous avons pu entrer dans de vraies salles de concert, et une dizaine de fans commençaient à nous reconnaitre dans la rue. 


C'est également à cette époque que je suis sorti avec William. Il était beau, drôle, et jouait de la batterie dans le groupe. Bien sûr, aujourd'hui, vous savez ce qui s'est passé. Peut-être aurais-je dû rester célibataire, rester discret. Mais je n'ai pas voulu me cacher. 


Alors nous avons trouvé un agent. Qui nous a aussitôt conseillé, à William et à moi, de nous cacher. Je me rappelle exactement ses mots : 

"Croyez-moi, la dernière chose dont nous voulons, c'est un couple gay qui détruira le sex-appeal de la bande."


Nous avons desserré nos mains, et acquiescé. Nous allions nous cacher. 


Vous connaissez la suite. Vous savez tout le bonheur que vous nous avez donné en concert. Mais vous savez aussi tout le malheur que vous nous avez jeté. 


Avec des vieilles photos de William et moi. Avec des secrets enfouis. Avec des douleurs passées. 


Vous avez pris plaisir à nous détruire mentalement. Nous ne demandions pas à être connus, seulement à être heureux. Mais vous n'avez pas compris. Vous avez pris notre douleur pour de l'indifférence, et vous avez continué. Exagéré. Inventé.


Il y a un an, vous avez reçu votre cadeau de Noël. Les journaux ne parlaient que de ça : "Le célèbre batteur William Grys se sépare du groupe". 


Vous avez tout imaginé : qu'il était mort, qu'il était malade, qu'il m'avait quitté, qu'il avait voulu lancer une carrière solo...


Vous aviez faux. Encore et encore. Parce que la vérité était devant vos yeux. Il me quittait, il quittait le groupe, parce qu'il m'aimait. Parce qu'il m'aimait et que c'était trop difficile vos rumeurs et vos horreurs. 


Un soir, un pauvre soir de veille de Noël, le jour de mon anniversaire, il est venu me voir avec des larmes dans les yeux. En regardant ses yeux, j'ai eu l'impression de voir l'enfant brisé au fond de lui et j'ai pleuré avec lui. 


Sans rien dire, je l'ai pris dans mes bras parce que je savais que c'était la dernière fois. Je l'ai embrassé tout doucement, puis je me suis détaché de lui tant que je le pouvais encore. 


Voilà. J'avais tout perdu. 


Peu à peu, j'ai perdu le goût de la musique. Puis j'ai perdu le goût de la vie. C'était aussi bête que ça.


Demain, vous pourrez mettre de gros titres dans vos journaux : " Révélations d'Ed. MacAvoid : il avoue tout ". Et si vous voulez, vous pourrez pleurer hypocritement ma mort. 


Puisque William est parti si loin, en Australie, je voudrais aussi lui envoyer un dernier message d'amour, que lui seul comprendra : "..".


Voilà. Je n'ai plus rien à ajouter. Je crois que je suis heureux de quitter ce monde finalement.


Bien à vous, 


Ed.

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