X - Chapitre 5

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L’été approchant, le palais était affairé à la préparation du mariage princier. Tous ses occupants, du serviteur le moins gradé à la reine en personne veillaient à la réussite totale de cet évènement. Il fallait pouvoir montre au royaume tout enter que la famille des Vaugessants perdurerait encore pour de nombreuses générations. Il fallait également montrer aux peuples voisins que les alliances menaient à la prospérité. L’enjeu d’un tel mariage dépassait la simple union entre deux êtres. Personne ne l’avait mieux compris que les fiancés, en particulier depuis que les circonstances les avaient éloignés l’un de l’autre.

Depuis que Fiona avait dénoncé Ludwill à la reine Mathilde, Théandre refusait sa compagnie. A dire vrai, il s’isolait systématiquement de tous ses semblables, une fois ses cours terminés. Le jeune homme ne prenait plus ses repas dans la salle a manger, préférant se les faire apporter par Antoine, qui ne voyait de son nouveau maître qu’une main et un visage morose dans l’entrebâillement d’une porte. A la connaissance des serviteurs, le prince ne sortait même plus se promener dans les jardins. La perte de son ami lui avait manifestement fait perdre le goût des plaisirs simples. Un tel comportement était en dissonance avec l’évènement joyeux qu’était une cérémonie de mariage.

Sa fiancée était la première à s’en mordre les doigts. Elle avait espéré pouvoir justifier sa trahison par un réflexe de survie contre la menace du valet, mais Théandre avait refusé de l’écouter. Sa colère était glaciale et silencieuse, ce qui lui rappelait désagréablement l’attitude de son père à son égard. Ignorer l’autre, sans même lui permettre de présenter ses excuses, était une humiliation bien plus sournoise et douloureuse que les pires insultes. Vivre une telle chose à nouveau était extrêmement douloureux. Fiona se prenait souvent à pleurer à l’heure du coucher, parfois même au beau milieu de la journée.

L’avenir qui lui avait paru si radieux était désormais terni par la haine que semblait lui vouer le prince. Comment pourrait-elle apprendre a aimer un homme qui n’avait que mépris pour elle ? Seule et honteuse, la future princesse consort n’aurait aucune consolation, et la tentation de retrouver les paroles et le toucher réconfortant de Valrand de Falcourt serait beaucoup trop forte… Dans les moments où le désespoir lui faisait perdre pied, Fiona ne désirait plus qu’une chose : fuir loin du palais pour retrouver ses montagnes pour se construire une vie anonyme parmi le peuple, quitte à devoir affronter les dangers de la pauvreté pour le restant de ses jours. Tout semblait préférable à une existence luxueuse empoisonnée par une incessante humiliation.

Ces fantasmes d’exil volontaire étaient néanmoins de courte durée. La jeune duchesse comptait encore la reine Mathilde parmi ses alliés, même si cette amitié menaçait de s’éteindre au moindre faux pas. Son entrevue avec le Haut Prêtre avait été percée à jour, et même si la reine avair décidé de ne pas réagir face à cette trahison, Fiona savait qu’elle n’aurait pas droit à une deuxième chance. L’avertissement glaçant de Mathilde résonnait encore dans son esprit : « Il détruit tout ce qu’il touche. Vous ne ferez pas exception. ». Etait-il possible que son attirance pour Valrand ait été si facilement remarquée ? La jeune femme se sentait comme au bord d’un précipice, où la seule personne capable de la garder en sécurité se trouvait être sa future belle mère. Refuser de suivre ses conseils serait faire preuve d’une affligeante stupidité, or, Fiona en avait plus qu’assez de prendre sans cesse les mauvaises décisions. Il était grand temps d’œuvrer à réparer les erreurs passée, du moins, celles qui pouvaient encore l’être…

La jeune duchesse se mit alors à chercher une solution pour regagner l’affection du prince. Ce dernier lui avait bien fait comprendre que de simples excuses ne suffiraient pas. Hélas, lui rendre l’ami qu’il venait de perdre était impossible, la sentence de la reine ne pouvait pas être remise en question. Cependant, Fiona pouvait toujours lui assurer que son ancien valet était bien vivant et en sécurité quelque part. Elle n’était pas certaine de ses dires, mais la manière la plus sure de confirmer ses hypothèses était une enquête. Si j’y parviens, Théandre verra que j’ai tout mis en œuvre pour réparer mon erreur.

Ses recherches débutèrent auprès de la reine, qui lui répondit que Ludwill avait été simplement exilé, tout en ayant le choix quant à son nouveau lieu de vie. Fiona se sentit instantanément découragé. Hormis sa fourberie et sa visible passion pour les plaisirs de la chair, elle ne savait rien sur ce garçon. Les domestiques du palais en savaient sans doute davantage, mais il serait difficile de leur poser des questions sans éveiller des soupçons.

Néanmoins, la jeune femme parvint à obtenir les informations tant désirées auprès du majordome. Il lui apprit que l’ancien valet du prince avait travaillé au théâtre avant d’être engagé au palais. A ce qu’il savait, Ludwill s’y rendait régulièrement, car sa mère y vivait toujours. Cette compagnie théâtrale était la seule à posséder des locaux dans le quartier noble de Sénonges.

Fiona chercha alors à entrer en contact avec cette compagnie le plus tôt possible. Rencontrer la mère du garçon qu’elle avait fait condamner ne l’enchantait guère, mais il s’agissait de la seule personne capable de lui dire ce qu’il était advenu de l’ancien valet.

La jeune duchesse se rendit à la caserne du palais, espérant y trouver Ullrich. Hélas, le capitaine de la garde lui annonça qu’il n’était pas disponible.

- Sa Majesté la reine m’a demandé de le mettre en poste dans la ville basse, pour protéger l’accès aux murailles. Il ne pourra pas remplir de missions d’escorte avant longtemps.

Fiona n’insista pas. Non seulement elle n’en avait pas le pouvoir, mais elle se doutait également que la reine avait écarté Ullrich du palais pour la dissuader de rendre visite au Haut Prêtre. L’air méfiant du capitaine ne faisait que confirmer ses soupçons.

Se rendre seule au théâtre n’était pas une option envisageable. Les gens de son pays connaissaient très peu de choses sur les acteurs, qu’ils considéraient comme des menteurs et des voleurs qui n’avaient rien de mieux à faire que de tromper les honnêtes travailleurs avec de la poudre aux yeux. Fiona nourrissait donc la même méfiance à leur égard, un sentiment qui se révélerait réciproque, à n’en pas douter.

Ullrich étant le seul garde auquel la jeune femme faisait confiance, lui trouver un remplaçant serait délicat. Elle remarqua pourtant un visage familier dans la cour de la caserne : celui du jeune garde brun qui l’avait accueillie avec si peu d’assurance lors de son arrivée à Sénonges. Occupé à aiguiser son épée, il avait une expression bienveillante et paisible que Fiona trouvait rassurante.

La jeune duchesse s’approcha de lui pour le saluer. Surpris, le jeune homme se releva brusquement, laissant tomber son épée au sol.

- Bien le bonjour, Madame, la salua-t-il, feignant d’ignorer sa maladresse. Vous… vous êtes bien la duchesse Fiona ?

La jeune femme inclina la tète, agréablement surprise de ne pas être la seule à être physionomiste.

- C’est bien moi. J’aurai besoin de vos services, si vous êtes disponible.

Le garde hésita avant de répondre. Son expression avait changé, comme s’il redoutait de travailler pour elle.
- Je le suis, Madame. S’agit-il d’une mission d’escorte ?

- Précisément. Je souhaiterai me rendre au théâtre.

Le sourire poli du jeune homme s’effaça brutalement. Il baissa la tète, évitant soigneusement le regard inquisiteur de Fiona, qui commençait à s’inquiéter que certaines rumeurs se soient répandues sur son compte.

- Qu’il y a t’il ? Insista-t-elle.

- Rien, Madame. Simplement… Ullrich et moi nous y sommes rendus récemment pour arrêter un valet. Il s’agissait de ma première arrestation et, pour être franc, ce n’était pas un bon souvenir.

Fiona serra nerveusement les mâchoires. N’ayant pas assisté à la capture de Ludwill, elle avait pu se contenter de se réjouir de son absence, mais de toute évidence, cela ne s’était pas produit dans la douceur.

- Pardonnez-moi, Madame, se reprit le garde. Je… je serai honoré de vous rendre ce service.

La jeune duchesse lui offrit un faible sourire. Sa maladresse lui donnait une allure enfantine amusante. Elle espéra cependant qu’il sache manier convenablement son arme, au cas où la mauvaise réputation des acteurs soit fondée.

- Parfait. Quel est votre nom ?

- Constantin, Madame.

- Très bien, Constantin. Allons-y.


***


La jeune duchesse et son garde mirent peu de temps à trouver le théâtre. Le bâtiment avait été conçu de façon à pouvoir être identifié au premier coup d’œil, sa façade richement décorée aux couleurs chatoyantes ne laissait aucun doute sur le fait qu’il s’agissait d’un lieu de divertissement. Si elle n’avait pas été rongée par l’appréhension d’une confrontation désagréable avec la mère de l’ancien valet, Fiona aurait pu admirer cet endroit de tout son saoul. Son existence était purement impensable dans le duché de son père.

La crainte de la jeune femme redoubla lorsqu’elle remarqua que Constantin semblait aussi peu assuré qu’elle ne l’était.

- Ces gens là sont-ils agressifs à ce point ? Lui demanda-t-elle.

- Eux ? s’étonna Constantin. Non, Madame. Ils n’ont pas tenté de s’opposer à Ullrich lorsqu’il s’est saisi du valet.

- Dans ce cas, pardonnez ma curiosité, mais pourquoi avez-vous peur ?

- Je n’ai pas peur, Madame. Pour être franc, j’ai eu peu honte… Mais ça ne change rien. Je vous défendrai au moindre signe de violence.

Constantin s’était redressé, serrant fermement la poignée de son épée. Fiona n’insista pas. Une explication de la part du garde n’était pas nécessaire, tant qu’il était capable de remplir son rôle.

La duchesse frappa alors aux portes du théâtre. Elle dut attendre longtemps avant qu’une femme âgée aux joues constellées de taches de rousseur lui ouvre avec un manque d’énergie flagrant.

- Z’êtes qui ? C’est pas ouvert avant c’soir.

- Je suis la duchesse Fiona Von Trotha, fiancée du prince Théandre.

La jeune femme avait jugé bon d’énumérer ses titres rapidement et fermement, car l’ouvreuse semblait déterminée à se débarrasser d’elle le plus vite possible. Au lieu de cela, cette dernière écarquilla les yeux, impressionnée.

- Ah… s’cusez moi, M’dame. ‘Voulez parler au directeur ? L’est pas là, aujourd’hui.

- Non, je souhaiterai m’entretenir avec la mère d’un dénommé Ludwill. Travaille-t-elle toujours ici ?

A la mention du nom du valet, l’ouvreuse changea radicalement d’expression, passant d’une lassitude difficilement contenue à un air accablé.

- Z’êtes sure, M’dame ? L’est vraiment pas en forme…

Fiona s’en doutait bien… malgré tout, elle ne pourrait pas se priver bien longtemps de cette rencontre : « Ce ne sera pas long. Je dois juste lui demander quelque chose. »

L’ouvreuse pinça les lèvres, mais céda finalement à la demande de la jeune duchesse. Elle lui ouvrit la porte pour la laisser accéder au grand couloir menant à la salle de spectacle, où elle lui demanda d’attendre. Fiona eut alors tout le loisir d’observer la magnificence d’un théâtre sous mécénat royal. Un tel endroit plongeait immédiatement son public dans un monde de rêve, et ce avant même que le spectacle n’ait débuté. Les gens de son peuple auraient beau dire que tout cela n’était qu’un subterfuge pour détrousser d’honnêtes travailleurs, la jeune femme n’en aurait pas été moins impressionnée. Même Constantin était transporté par la beauté du lieu. Son air angoissé avait cédé sa place au ravissement.

Sur la scène, deux acteurs répétaient leur pièce, texte en main. Leur prestation n’était pas trépidante, mais la jeune duchesse s’y intéressa pourtant, curieuse d’observer comment se préparait un spectacle. Alors qu’elle s’asseyait au premier rang, la jeune actrice d’une grande beauté qui donnait la réplique à son partenaire croisa son regard. Aussitôt, elle perdit toute concentration, puis se replongea dans son texte, prétextant un simple oubli.

Peu de temps après, Fiona aperçut l’ouvreuse qui accompagnait une femme aux longs cheveux noirs, la mère de Ludwill. Dire qu’elle n’était pas en forme était un euphémisme de taille : à mesure qu’elle avançait, on pouvait remarquer à quel point il lui était difficile de préserver ce qui restait de sa dignité. Arrivée à une distance respectable, elle s’inclina.
- Bienvenue, Madame. Je suis Nélima, costumière de la compagnie. Que puis-je faire pour vous ?

Cette présentation prononcée d’une voix monocorde, absente de toute chaleur, aggrava le malaise de Fiona. Cette Nélima était d’une pâleur cadavérique et de grosses cernes entouraient ses yeux. Le départ de son fils avait visiblement manqué de la détruire. Le fait qu’elle se tienne encore debout prouvait sa résilience.

- J’aurai souhaité m’entretenir avec vous au sujet de votre fils, Ludwill, expliqua Fiona. Seriez vous disposée à m’en parler ?

- C’est une plaisanterie ?

L’attitude de la costumière avait changé du tout au tout. Son masque de bienséance déjà craquelé s’était détruit pour laisser apparaître une haine pure. Malgré sa petite taille et son rang négligeable, Nélima était parvenue à terrifier la jeune duchesse. Cette dernière s’attendait à un sursaut de violence de sa part à tout moment.

Comme Fiona n’osait rien répondre, Nélima poursuivit : « Je sais très bien que c’est vous qui l’avez accusé. Il m’a tout dit avant d’être jeté hors de Sénonges. Qu’est ce qu’il vous faut de plus ? »

- Je voulais simplement savoir où il se trouve… Le prince a beaucoup d’amitié pour lui. Il s’inquiète de son sort.

- Si son Altesse tenait réellement à Ludwill, pourquoi n’est il pas venu lui même ? Pourquoi n’a t’il pas parlé en sa faveur.

Fiona resta muette à nouveau. Expliquer que Théandre n’avait pas eu son mot à dire aggraverait la situation. Elle n’eut cependant pas le temps d’enrober la vérité.

- De toutes façons, je n’ai aucune raison de vous faire confiance, poursuivit la costumière. Les accusations contre mon fils sont infondées et vous le savez aussi bien que moi. Vous me l’avez enlevé, sans la moindre considération pour les vies que vous avez détruites !

Nélima pleurait à chaudes larmes, incapable de camoufler plus longtemps l’amertume qui la rongeait. Constantin fit légèrement glisser son épée hors du fourreau dans un réflexe de protection, les deux acteurs avaient interrompu leur répétition pour observer la dispute tandis que l’ouvreuse tentait de calmer la costumière en lui disant tout bas : « Arrête ! Tu vas avoir des ennuis. »

En effet, manquer de courtoisie envers une personne noble était une grave offense, nécessitant réparation. Toutefois, Fiona n’avait pas le cœur à le rappeler à quiconque. La colère de cette mère était certes blessante, mais légitime.

Suivant les conseils de l’ouvreuse, Nélima tourna les talons pour quitter précipitamment la salle de spectacle. La duchesse partit également, la tète basse. Elle s’adossa contre un mur une fois arrivée dans la rue. Au bord des larmes, elle tentait de calmer les battements de son cœur et sa respiration défaillante. Constantin se trouvait toujours à ses cotés, mais son rôle se limitait à la protection des nobles. Il n’était pas prévu qu’il les réconforte.

La jeune femme regretta amèrement sa décision. Elle avait espéré pouvoir convaincre Nélima de ses bonnes intentions mais cela s’était révélé impossible. Songeant à sa propre méfia,ce vis à vis des membres de la cour royale ; Fiona n’avait pas pu reprocher à la costumière sont refus de l’informer sur l’endroit où se trouvait son fils. Elle n’avait même pas pu lui en vouloir de l’avoir accusée indirectement de menteuse et d’égoïste. Ces dernières semaines n’avaient fait que l’en convaincre : c’était bien ce qu’elle était.

Fiona aurait tant aimé pouvoir insister, chercher des réponses auprès d’autres membes de la compagnie, mais cela aurait été une perte de temps. Peut être valait-il mieux faire comme si rien ne s’était passé ? La reine parvenait bien à le faire. Il était sans doute plus sage de suivre son exemple. Cependant, elle n’était pas certaine de pouvoir supporter le regard chargé de mépris et de rancoeur de Théandre jusqu’à ce que la mort les sépare…

- Madame !

Fiona tourna vivement la tète. La jeune actrice qu’elle avait aperçue sur scène venait à sa rencontre, visiblement essoufflée.
- Je vous prie de pardonner mon indiscrétion, mais j’ai entendu votre conversation avec Madame Nélima. Si vous le souhaitez, je pourrai vous aider.

La jeune duchesse fut surprise par les bonnes manières de cette roturière. Elle avait certainement l’habitude de s’adresser à des nobles. Revenant sur sa décision défaitiste, elle accepta la proposition de l’actrice.

- Je vous écoute.

- Merci, Madame… soupira la jeune fille, soulagée. Je sais où Ludwill est parti. Du moins, je sais où Madame Nélima l’a envoyé : elle lui a dit de rejoindre son oncle, au village de Courselieuvre, à deux jours de bateau d’ici.

Fiona ne put s’empêcher de sourire, ravie d’avoir enfin pu obtenir le renseignement qui lui manquait. Cependant, les motivations de la jeune femmes étaient obscures. Rien ne lui garantissait que ces informations ne soient pas des mensonges.

- Pardonnez moi, Mademoiselle, demanda Fiona. Mais pourquoi me dites-vous tout cela ?

La jeune fille baissa les yeux, puis répondit : « Je me suis figurée que son Altesse le prince aurait souhaité pouvoir communiquer avec Ludwill à défaut de pouvoir le reprendre à son service. Je le connais bien. Il m’a dit que son Altesse et lui étaient comme des frères. »

Fiona hocha la tète. Cette explication avait subitement réveillé toute la culpabilité qu’elle avait refusé de ressentir vis à vis de l’ancien valet. C’était bien par sa faute qu’une mère avait été séparée d’un fils, un prince de son plus cher ami et un jeune homme de sa vie d’antan. La jeune duchesse reconnut tardivement qu’elle ignorait tout des véritables intentions de Ludwill, et qu’elle l’avait accusée sans preuves, simplement parce qu’il l’avait effrayée.

- Je vois… Je vous remercie, Mademoiselle.

- Madame ? Demanda précipitamment la jeune actrice. Pourrais-je vous demander une faveur ?

Fiona acquiesça : « Faites donc. »

- Si jamais… Ludwill entre en contact avec son Altesse. Pourriez vous m’en tenir informée ? J’aimerai savoir s’il va bien.

La jeune duchesse lui offrit un sourire compatissant et accepta sans hésitation. C’était bien la moindre des choses.


***


De retour au palais, Fiona attendit le bon moment pour parler à Théandre. Comme ce dernier faisait de son mieux pour éviter tout contact avec elle, la jeune duchesse dut s’armer de patience. Heureusement, les enseignements qu’ils recevaient toujours en commun lui donnaient de nombreuses occasions d’espérer éveiller l’attention du prince.

Lors du dernier cours de la journée, alors que le précepteur avait quitté la salle et que Théande se préparait hativement à partir, Fiona se lança :

- Monsieur, puis-je vous parler ?

Le prince pinça les lèvres, mais ne l’ignora pas. La jeune femme ne lui avait pas dit le moindre mot depuis qu’elle avait compris à quel point il lui en voulait pour avoir manqué à sa parole. Il la fixa et hocha la tète.

Rassurée de ne pas faire l’objet d’un mépris total, Fiona entra directement dans le vif du sujet, sans perdre de temps avec des excuses qui ne seraient probablement pas acceptées : « J’ai appris que votre ancien valet se trouvait auprès d’un membre de sa famille, dans le village de Courselieuvre. Il devrait y être en sécurité. »

L’air sévère du prince s’effaça. La jeune duchesse ne parvenait pas à lire ses émotions, car tant d’entre elles se disputaient la première place dans son regard. Parmi elles, on pouvait toutesfois reconnaître un intense soulagement. Comme il restait muet, Fiona poursuivit.

- J’ai pensé que vous seriez heureux de l’apprendre. Peut être vous sera t-il possible de le retrouver hors des murs, un jour.

Théandre ne réagit toujours pas. Déçue de lui inspirer toujours autant d’indifférence, Fiona rassembla ses notes et s’avança vers la sortie.

- Madame…

A l’appel du prince, l’intéressée tourna vivement la tète. Un faible sourire se dessina sur son visage. Comme il était bon d’entendre de nouveau le son de sa voix…

- Je vous remercie, répondit-il enfin.

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