Il faut sauver Alicia et Peter

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Nouvelle Angleterre, 21 avril 1888

Peter allait commencer sa journée de pêche traditionnelle malgré le fait que les anciens prédisaient une tempête. Pourtant le ciel paraissait clément en ce matin tranquille d'Avril. Ils avaient justement exceptionnellement un magnifique mois d'avril au soleil. C'était si paisible. Pas comme le sommeil de sa douce fiancée qui avait sangloté toute la nuit, prise dans un cauchemar terrible. Elle avait refusé d'en parler avec lui mais il se doutait que quelqu'un avait du lui dire pour la tempête et elle angoissait de le voir partir.

Ils s'étaient connus sur la plage. Elle s'amusait avec son chien, à courir dans les vagues lorsqu'une, plus puissante que les autres, les avait pris par surprise. Son chien avait alors été entraîné par les courants. Il était venu à leur aide, aidant la jeune demoiselle à se relever et à rattraper le pauvre chien qui commençait à être entraîné de plus en plus loin. Il connaissait le danger de ces courants.

C'est ainsi qu'ils étaient devenus amis, la rejoignant après avoir passé la journée sur le bateau de pêche de son père, le soir sur la plage pour de longues balades au clair de lune. Il lui avait demandé sa main, près des rochers où elle aimait tant lire. Il n'avait pas grand chose à lui offrir et surtout pas de bague. Sa grand-mère, ayant pitié de lui, lui offrit alors le médaillon où entreposer leurs deux photos qu'un des amis d'Alicia leur avaient offerts. Ils devaient se marier dans une semaine à présent, la dernière semaine d'avril, devant leurs familles et leurs amis

Mais ce matin là, son visage était si grave qu'il en eut le cœur brisé.

-"Promets moi de revenir. Tu dois me le promettre, lui demanda-t-elle d'une voix brisée par l'émotion."

Jamais il ne l'avait vu dans un tel état et cela lui fit peur.

"- Je te promets de revenir. Je te signale que nous avons un mariage à préparer et notre future maison à construire. Crois-tu que j'ai oublié ? Je rentre vite, je te le promets. Prépare le repas de ce soir, si tu veux conjurer le sort, lui dit-il en riant, essayant de détendre un peu l'atmosphère.

- C'est une bonne idée. Je veux que tu prennes le médaillon que tu m'as offert car je sais que tu me le ramèneras, quoiqu'il advienne."

Il lui fit un baiser sur le front, tendrement, gardant son visage dans ses mains, rituel qu'il affectionnait chaque fois qu'il devait prendre la mer. Il avait toujours vu son père le faire à sa mère et malgré de nombreuses tempêtes et s'être fait peur à de nombreuses reprises, il était toujours là auprès de son épouse chérie.

Il lui fit un dernier signe de la main avant de prendre le chemin descendant au port. Elle paraissait si fragile, en haut de la colline, dans sa si jolie robe rouge et son châle noir sur les épaules. Il lui montra le médaillon puis l'enfila autour de son cou.

Son père et les autres pêcheurs l'attendaient déjà devant le vieux bateau qui aurait bien besoin d'un bon rafraichissement. Mais malheureusement ils n'avaient pas assez d'argent pour cela.

Ils commencèrent avant même de monter sur le vieux bateau leur prière quotidienne:

"Nous te demandons grâce Seigneur en ce jour de pêche. Protège nous , nos familles restées sur le continent et permets nous de faire une bonne pêche. Merci Seigneur de tes multiples bontés . Amen."

Une fois en mer, le travail reprit le dessus et il ne pensa plus au cauchemar de sa femme.

Pourtant Alicia, elle, ne pouvait pas oublier ce qu'elle avait vu et ne lui avait pas dit qu'elle faisait ce cauchemar depuis plus d'une semaine. Elle savait qu'il allait mourir aujourd'hui, qu'une terrible tempête allait se lever et tous les anéantir. Et malgré tout, elle n'avait pas réussi à le lui dire. Il ne savait pas pour ses parents. En véritable gentleman, il n'avait jamais demandé comment ils étaient morts.

Elle avait six ans. Son père était pêcheur. Il arriva qu'un jour, son oncle se blessa et fut dans l'incapacité de prendre la mer. Son père ne pouvait pas partir seule et n'avait pas d'autre équipage. Aussi, il décida de prendre sa femme, ce n'était pas la première fois mais ce fut la dernière. Alicia avait rêvé de l'accident et avait aussitôt averti ses parents, qui ne l'avaient pas cru. Ce n'était après tout que des cauchemars d'enfants légitimes, lorsqu'on faisait ce métier, où on savait que l'on pouvait ne jamais rentrer chez soi à la fin de la journée.

Malheureusement, le cauchemar devint réalité. Malmené par une houle menaçante, le bateau alla se briser contre des rochers. Les corps de ses parents furent retrouvés sur une plage à des kilomètres du lieu de l'accident. Son oncle l'avait alors élevé.

Mais elle ne pouvait oublier ce qu'elle avait vu et qu'elle n'avait pu empêcher, telle Cassandre dans la mythologie. Connaître l'avenir mais sans que personne jamais ne vous croie. Quelle terrible malédiction !

Aussi espérait-elle du fond du cœur se tromper.

Pourtant la tempête se leva, comme prédit par les anciens. Qui l'aurait cru en se levant ce matin sous ce magnifique ciel bleu ?


Ils étaient déjà au large lorsque le vent se leva dans toute sa splendeur, accompagné par sa moitié la pluie et la grêle. Ils rentrèrent le plus rapidement possible les filets de pêche, essayant de ne pas valser par dessus bord, s’accrochant à tout ce qu'ils pouvaient. Ils étaient six sur le bateau, six marins aguerris et pères de famille. Ils se devaient de revenir, tous et un seul morceau si possible. Peter se rappela le cauchemar de sa femme puis décida de ne pas en tenir compte. Il avait promis de revenir, il reviendrait, avec tout son équipage.

Malgré tout, la bataille fut rude, difficile. Les éléments déchainés faisaient chavirer le bateau jusqu'à l'extrême limite mais à chaque fois, il se relevait, jusqu'à la prochaine vague, toutes plus monstrueuses les unes que les autres. Peter avait confiance en son père, c'était le meilleur, ils avaient toute leur chance.

Une vague plus importante que les autres le fit tomber au sol, sans réussir à se relever. Il allait droit à la mort s'il n'arrivait pas à s'accrocher à quelque chose. Un main bienfaitrice apparut alors, qui le retint à bout de bras, l'empêchant ainsi de passer par dessus bord. Ils restèrent accrochés ainsi ensemble le temps que la vague passe. Il remercia son bienfaiteur, son meilleur ami en fait Lucien, une vraie force de la nature celui là ! Il était sauf pour le moment, mais déjà la tempête se calmait.

Le vent diminua, la pluie mélangée de grêle se parsema, le plus gros était passé.

Un merveilleux rayon de soleil éclaira alors le bateau, comme un signe de Dieu. Ils étaient saufs, une fois de plus. Ils firent alors une prière pour remercier le Seigneur de leur avoir accordé d'avoir la vie sauve.

Les femmes pendant ce temps dans le village, dès le début de la tempête, s'étaient réfugiées dans l'église, priant éperdument le retour de leurs époux.

Mais Alicia n'en pouvait plus de rester ainsi, sans savoir, sans rien faire. Elle sortit malgré les avertissements de ses aînées, pour rejoindre le port. Elle resta néanmoins prudente, ne s'approchant pas du port où les vagues étaient monstrueuses. Elle se mit alors à guetter le rivage, se protégeant de la pluie et du vent du mieux qu'elle pouvait. Une jeune fille, la fille de leur meilleur ami, vint alors la rejoindre et en silence, elles attendirent.

Lorsqu'Alicia aperçut au loin le rayon de soleil percer la masse de nuages noirs, elle sut que Dieu avait exaucé ses prières.

Tous les bateaux furent sauvés ce jour là, ce qui était exceptionnel et dû à la Grâce de Dieu.

Peter en descendant du bateau fut accueillie par sa femme, riant de joie et de bonheur, le serrant si fort qu'il crut qu'elle allait l'étouffer.

Il se mit alors à genoux et ressortit le médaillon.

"Je te rends ton médaillon comme promis. Notre union est béni, sois en assurée. "

Le mariage eut lieu quelques jours après. Elle était si rayonnante dans sa si belle robe blanche, tout en dentelle, que sa grand-mère lui avait confectionné avec tant d'amour. Peter eut les larmes aux yeux de la voir s'avancer sur cette plage. Après l'église, ils avaient convenu de faire une autre cérémonie devant cet océan qui avait permis que l'union eut lieu. Ils devaient remercier la mer de toutes ses bontés. Tous les deux, puis suivis par leurs invités, ils lancèrent sur les vagues de petits bateaux de bois avec une bougie, pour ne pas oublier ceux qui n'étaient plus là.

Ils voguèrent longtemps, partant vers l'horizon, porter l'espoir d'un monde meilleur.

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