Titanic Avril 1912 1ère partie

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Avril 1912, RMC Titanic, Cherbourg


"Though like the wanderer, the sun gone down

Darkness be over me, my rest a stone

Yet in my dreams I'd be nearer, my God, to Thee"


Alice était émerveillée et assez apeurée face à ce gigantesque bateau. C'était bien la première fois qu'elle en voyait un aussi grand, en fait, c'était même la première fois qu'elle en voyait tout court de sa courte existence. Ses parents avaient décidé de partir vivre la grande aventure de l'autre côté de l'Atlantique. Ils ne partaient quand même pas à l'aveugle car son oncle était déjà installé à New York avec toute sa famille et leur avait même payé les places pour les rejoindre. Sans cela, ce voyage aurait été impossible. En plus, elle savait qu'ils seraient en deuxième classe, donc bien installés.


Ils étaient partis tôt ce matin là de l'hôtel où ils logeaient depuis qu'ils avaient vendu leur maison. Sa mère avait pleuré, c'était sa maison d'enfance, elle y était née, y avait vécu ses plus belles années, puis à la mort de ses parents, l'avait récupéré.


Lorsqu'elle avait donné les clés aux nouveaux arrivants, elle avait vu une larme silencieuse couler sur son visage, le sourire crispé, malgré tous ses efforts pour faire bonne figure. Elle était partie sans se retourner, elle n'en avait certainement pas la force. C'était son père qui avait pris la décision de partir rejoindre son frère à New York. Celui-ci avait réussi à intégrer une banque et gagnait très bien sa vie, bien mieux qu'en France et il proposait un poste intéressant à son jeune frère. Ainsi, toute la famille était réunie.


Alice traînait sa petite valise derrière elle, essayant de ne pas perdre de vue son petit frère, affolé et peu habitué à voir tant de monde, et ses parents. Elle ne quittait pas des yeux ce bateau si merveilleux pour elle, qui allait l'emmener à l'autre bout du monde... Un garçon la bouscula, sans même s'excuser, accompagné de deux autres garçons approximativement du même âge qu'elle, c'est à dire douze ans. Ils riaient et se coursaient tandis que ceux qu'elle supposa être leur parent, leur hurlait de s'arrêter et de se calmer. Le garçon qui l'avait poussé lui fit alors un clin d’œil et elle ne put s'empêcher de glousser, sous le regard amusé mais aussi réprobateur de sa mère.


A présent, c'était à leur tour d'embarquer. Son père présenta ses billets, tout était en règle. La grande aventure allait enfin commencer. Elle fit un dernier signe d'adieu à la France, regardant une dernière cette terre où elle était née, se demandant si un jour elle y reviendrait. Son frère lui donna alors un coup pour la faire avancer, ayant peur de perdre leurs parents de vue. Il était vrai qu'avec tout ce monde, il état très facile de se perdre.


Traversant la foule dans les couloirs du mieux qu'ils pouvaient, malgré leur chargement, ils purent enfin rejoindre leur cabine de seconde classe, juste quatre lits superposés et un espace plus que réduit mais elle avait entendu que c'était quand même mieux que ceux qui se trouvaient en troisième classe, tout au fond du bateau. Elle déposa sa poupée favorite sur le lit d'en haut, son frère étant trop petit,, qui ne la quittait jamais, même si elle avait très certainement dépassé l'âge de jouer à la poupée. La plupart de ses amies, anciennes amies d'ailleurs maintenant, même si elle garderait contact avec Eleanore par courrier, se pomponnait, commençait à se comporter presque comme des jeunes femmes prêtes à marier.Toujours être bien coiffée, bien vêtue, à la dernière mode s'il vous plait, parler correctement et toujours rester polie et tout sourire quelques soient les circonstances. Ce n'était pas vraiment pour elle toutes ces simagrées. Aussi elle était vraiment heureuse de partir dans ce nouveau pays, plus cool d'après son oncle.


Ses parents l'autorisèrent à aller sur la plateforme et elle ne pouvait s'empêcher d'envier un peu ces grandes dames, ces gens si riches mais peut-être feraient-ils un jour partis de l'élite ?


Les premiers jours se passèrent dans le calme et elle commençait à trouver le temps long jusqu'à ce qu'elle rencontre à nouveau le mystérieux garçon qui l'avait bousculé sur le quai. Il venait juste de grimper sur le pont supérieur, à ses risques et périls. Il fit mine au départ de l'ignorer mais il ne cessait de la fixer intensément.


Ils firent rapidement connaissance, il était vraiment amusant. Sa famille avait aussi décidé de tenter sa chance aux États Unis même si lui était dubitatif sur cette décision. Il n'était pas sûr qu'il soit si facile de recommencer dans un pays que l'on ne connaissait pas, surtout avec la barrière de la langue. Eux n'avaient pas la chance de surcroit d'avoir quelqu'un qui les attendait, d'être assuré d'être logé, nourri, de trouver un emploi. Pour eux, on pourrait vraiment dire que c'était la grande aventure de toute une vie. Il était avec ses deux frères, des triplés, au grand désespoir de ses parents, qui du coup avait décidé de ne surtout pas retenter l'expérience. Ils étaient tous les trois différents, tant physiquement qu'au niveau caractère.


Le soir du 14 avril, leurs parents les avaient autorisés à se coucher un peu plus tard que d'habitude. C'était une magnifique nuit étoilée et ils n'étaient pas les seuls à se promener ainsi au clair de lune. Ils firent ainsi connaissance, sachant pertinemment qu'à l'arrivée, ils ne se reverraient jamais. Pour Paul et sa famille, le rêve ne s'arrêtait pas à New York. Ce n'était qu'une étape avant le grand voyage à travers les Etats-Unis pour la Californie où ils comptaient s'installer définitivement.


Un bref coup les firent sursauter. Ils suivirent les autres personnes qui regardaient à l'avant du bateau mais il n'y avait rien, rien de visible en tout cas. Quand même un peu inquiet, Paul préféra redescendre vérifier que sa famille allait bien. Alice resta un moment seule au dehors, profitant de l'instant présent. Des cris retentirent alors, des personnes d"équipage se rapprochèrent des canots de sauvetage, chuchotant et jetant des regards inquiets tout autour. Ce fut le regard de pitié que lui lança un des hommes qui plongea dans une terreur sans nom. Il se passait quelque chose et c'était grave, très grave pour les membres d'équipage préparent les canots. Affolée à présent, elle rejoignit sa famille, qui se trouvait avec d'autres dans le couloir, inquiet de la secousse ressentie quelques minutes auparavant.


Les membres d'équipage justement venaient de descendre et leur demandèrent de prendre des vêtements chauds et de mettre les gilets de sauvetage pour qu'ensuite les femmes et les enfants rejoignent les canots.


Alice attrapa sa poupée pendant que sa mère lui enfilait plusieurs couches de vêtements ainsi qu'à son frère, qui à trois ans, ne pouvait pas comprendre à quel point la situation était critique. Mais elle le voyait dans les yeux de ses parents, des regards angoissés et résignés.


La mère d'Alice l'attrapa par la main et pris son frère dans ses bras, lui demandant de ne la lâcher sous aucun prétexte. Son père les aidait à avancer, dans une foule de plus en plus dense et de plus en plus paniquée.


Arrivés au canot, une secousse ébranla de nouveau le paquebot, faisant vibrer le canot, manquant de faire tomber une femme et son enfant. Elles furent rattrapées de justesse, la chute aurait été mortelle pour toutes les deux. Alice sentit la main de sa mère lâcher et elle fut happée par la foule. Sa mère cria son prénom, tandis que les membres d'équipage la forçait à monter dans le canot. Elle entendit son père lui crier qu'il allait la trouver et la ramener.


Elle tomba à terre, manquant de se faire piétiner plusieurs fois avant que son son père ne la retrouve enfin. Il la serra fort contre son cœur affolé. Il la souleva, cherchant des yeux un autre canot. C'est alors que Paul arriva, suivi par un de ses frères, qui avaient réussi à atteindre le niveau. Il lui indiqua qu'un autre canot allait être mis à l'eau à quelques mètres d'ici. Ils coururent parmi la foule et son père, dans un dernier regard éperdu d'amour et de douleur, la laissa tomber dans le canot en train de descendre. Elle demanda à Paul de la rejoindre mais celui-ci refusa, arguant qu'il fallait qu'il retrouve son autre frère.


Elle les regarda, l'un et l'autre tandis que le canot était mis à l'eau. Elle n'avait que douze ans mais elle avait bien compris que son père, et très certainement Paul et ses frères, allaiet mourir. Elle les regarda jusqu'à ce que la foule les prenne, voulant à jamais garder leurs visages en tête.


Elle entendait des pleurs, des hurlements, des cris de douleur. Tant de vies perdues...


"Nearer my God, to Thee, nearer to Thee,

Even though it be a cross that raisth me

Still all my song shall be nearer, my God, to Thee"


Elle observa le paquebot se couper en deux en un bruit terrifiant, puis la deuxième partie se soulever. Elle entendait le choc des corps entrant en contact avec l'eau si glaciale. Quand bien même ils réussissaient à survivre à la chute vertigineuse, combien de temps leur restait-il avant de tomber en hypothermie, dans une eau à moins un degré ?


Lorsque le bateau fut finalement entièrement coulé, tout cela avait pris si peu de temps... Les autres canots, dont le sien, s'approchèrent délicatement pour récupérer des survivants. Plusieurs hommes d'équipage, muni de sifflets, retournaient les corps, espérant trouver quelqu'un de vivant. Mais ce n'était qu'une mer de morts et il n'y avait pas que des hommes, il y avait aussi des femmes, des enfants, qui n'avaient pas pu monter dans les canots.


Malgré son jeune âge, elle se rendait compte qu'il y aurait du y avoir plus de canots, bien plus, pour réussir à sauver tout le monde. Et le bateau qui avait coulé si vite... Elle avait entendu dire qu'ils avaient heurté un iceberg.


Le paquebot était pourtant réputé insubmersible...


Une fois sur le Carpathia, elle réussit à retrouver sa mère et son petit frère. Elles sanglotèrent toutes les deux pendant un long moment de peur et de douleur sachant que leur père était perdu, qu'il n'y avait que si peu d'espoir de retrouver des survivants...


Elle assista sur le pont à leur arrivée à New York, leur terre promise... Sa mère était trop bouleversée et restait allongée avec son petit frère dans le lit de camp, attendant que son oncle vienne les récupérer.


C'est alors qu'elle le vit, un des frères de Paul, celui qui manquait à l'appel. Elle s'approcha de lui, lui posant la main sur l'épaule tandis qu'ils passaient la statue de la liberté. Il la regarda les larmes aux yeux et elle comprit.

- J'ai été séparé de ma famille lors d'un mouvement de foule, lui raconta-t-il, les yeux fixés sur le rivage. Une femme m'a attrapé et mis de force avec elle dans un canot. Je savais que mes parents, mes frères allaient me rechercher mais j'étais coincé sur ce foutu canot, sans pouvoir rien faire. J'aurai leurs morts sur la conscience toute ma vie.

- Ils ne l'auraient pas voulu, je t'assure. Justement rend leur justice et vis, recommence tout à zéro. Je suis sûre que les autorités pourraient te trouver une bonne famille d'accueil. Ne te laisse pas ronger par le remord. J'espère qu'on pourra se revoir, cela me ferait très plaisir. Je te laisse mon adresse au cas où.


Elle le laissa tandis que le bateau accostait. Son oncle était là, le visage blafard, avec le reste de la famille. Elle aida sa mère et son frère à descendre et à les rejoindre. Le calvaire était terminé, ils étaient à nouveau sur la terre ferme. Elle ferma un instant les yeux, se remémorant le Titanic, comme la première fois qu'elle l'avait aperçu et le visage de Paul. Elle ne voulait jamais oublier.

Puis, elle suivit le mouvement vers son nouveau destin.


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