15 – Grégoire : Conséquences

4 minutes de lecture

Dans son bureau, le secrétaire général ressasse ses dernières conférences de presse. L’hostilité croissante de l’opinion publique accusant sans cesse l’organisation de son impuissance. En un sens c’est à la fois un espoir et une malédiction. La Terre semble désormais considérer que l’Organisation des Nations Unies est responsable de sa protection. Un pas de plus vers ce qui pourrait, peut-être, devenir un gouvernement planétaire. Dans un siècle ou deux.

En attendant, pour assurer cette mission implicite, il lui faut plus de moyen. Aujourd’hui le Conseil de sécurité se réunit et Grégoire compte bien leur en parler. Beaucoup vont grincer des dents, mais l’Attentat du Meerk a démontré que, sans réaction, l’humanité devient de plus en plus dépendante des corporations et de leurs colonies. Et cette situation irrite bien plus l’égo des nations que de voir l’ONU en charge.

Par l’interphone, Samuel le prévient : « Il est l’heure, monsieur.

– Très bien, je me mets en route. », lui répond Grégoire, en enfilant sa veste. Regroupant ses notes sur son link, il sort de son impressionnant bureau. Dehors, son assistant l’attend avec son maintien habituel.

La salle du conseil n’a pas changé, malgré les nombreuses rénovations passées, les fauteuils bleus y montent la garde depuis aussi longtemps que ses souvenirs le lui permettent. La grande fresque, encadrés par les grands rideaux, n’a pas non plus changé et le mobilier en cercle lui rappelle encore de très vieilles photographies des écoles du vingtième siècle.

La salle est particulièrement remplie aujourd’hui : avec la récente crise, les différents gouvernements se sont assurés que les représentants ainsi que leurs remplaçants soient présents. Les observateurs remplissent les estrades. Tout le monde s’attend à une annonce importante.

S’installant à sa place, à droite du président du conseil, monsieur Franck Bagwish du Royaume-Uni, Grégoire note l’effervescence ambiante. Le président lui adresse la bienvenue et quelques mots courtois, lui rappelant que son travail lorsqu’il dirigeait la section Europe de l’organisation avait été très apprécié. De l’autre côté, la sous-secrétaire générale, bien au courant de son plan, lui adresse un hochement de tête et quelques encouragements.

Une fois tout le monde installé, le président ouvre la séance avec un discours convenu et prudent. Il rappelle ainsi les faits récents, en les dramatisant un peu toutefois. Il exhorte les autres nations à ne pas se voiler la face : cet attentat n’est probablement que le premier et la Terre ne peut se permettre d’en laisser passer un seul. Il rappelle enfin que si la situation n‘est pas une urgence complète, c’est du fait de la pitié d’un ancien ennemi.

Grégoire se serait attendu à recevoir la parole en fin de session, après les discours des différentes nations représentés, mais visiblement, Franck préfère crever l’abcès le plus tôt possible. Après quelques instants de silence, le temps de regrouper ses notes, Grégoire commence. Usant de sa langue maternelle, le français, il ouvre son discours classiquement : « Merci Monsieur le Président, merci à tous d’être là. »

Reprenant une grande inspiration, il reprend : « L’attentat, déjoué conjointement avec l’aide d’Aesir, démontre notre vulnérabilité. Jamais nous ne pourrons trop insister sur le fait que ces dernières heures auraient pu être les derniers instants de nos nations et peut être même de l’humanité. Il est difficile d’admettre notre dépendance vis-à-vis des colonies. D’admettre que nous avons été dépassés. C’est un nouveau coup qui s’ajoute à cette défaite, il y a quatre ans. À l’époque nous avions été surpris. Nous avions sous-estimé ce qu’impliquait l’espace et ces colonies. Pour nous, les corporations ne représentaient presque rien et l’espace avait toujours été une affaire apolitique. ».

Marquant une courte pause pour jouer un effet de contraste, le secrétaire général reprend : « Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons être pleinement conscients des enjeux qui se jouent au-dessus de nos têtes. Nous ne parlons pas seulement de la paix, mais de la survie de l’humanité entière. »

Laissant à tous le temps de réaliser cette dernière phrase, Grégoire boit une gorgée d’eau, avant de continuer : « Ce n’est pas la première crise que nous traversons collectivement, et ce ne sera pas la dernière. C’est pourquoi les nations doivent rester unies sur ce front. Tant que nous le sommes nous pouvons réaliser de grandes choses : n’est-ce pas l’association de nos nations qui a permis de placer ces hommes sur une nouvelle planète il y a quarante-trois ans ? Mais aujourd’hui, nous avons besoin de plus. »

Une autre pause, ce coup-ci pour palier à un défaut de transition que n’avait pas prévu le secrétaire général. C’est le moment de l’annonce : « Ce conseil est déjà fort occupé par sa tâche, ô combien importante, de la préservation de la paix et comme la lutte contre les corporations l’a démontré, il nous faut une meilleure coordination. Je propose donc la création d’un nouveau conseil : Le conseil de défense planétaire. Sa mission sera, sans interférence aucune avec les activités au sol, la protection de notre planète contre toute menace spatiale. »

Un silence se fait, rapidement brisé par quelques applaudissements, puis ceux de la salle toute entière. À sa connaissance, jamais le conseil de sécurité n’avait encore vu de manifestation pareille. Grégoire le prend comme un signe du changement. De l’effacement des nations individuelles, vers une humanité unie.

Redonnant la parole, il se demande, amusé, comment les représentants des nations vont pouvoir rebondir là-dessus.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Sylvain "Greewi" Dumazet ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0