Sur le départ !

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Les vacances touchent bientôt à leur fin, demain, nous reprenons l’avion pour rentrer chez nous. Nous avons découvert des paysages magnifiques et fait le plein de repos. Au programme d’aujourd’hui, farniente au bord de la piscine en buvant des cocktails et en vidant les restes du frigo.

J’ai beaucoup apprécié ces quinze derniers jours, mais je suis ravie de rentrer chez moi pour retrouver mon quotidien, mes habitudes mais surtout, la fraîcheur de mes montagnes. Soit, la journée il fait chaud, mais au moins les nuits y sont fraîches, ici j’ai eu beaucoup de mal à trouver le sommeil.

Un coup donné à la porte de ma chambre me ramène sur terre, je me retourne.

— Oui !

Raphaël passe sa tête par l’embrasure de la porte et me sourit.

— Je ne te réveille pas au moins ?

— Pas du tout, rentre.

Il sait aussi bien que moi quel jour nous sommes et je sais très bien ce qu’il s’apprête à faire. Il se glisse dans le lit avec moi et me prend tout contre lui. Je pose ma tête sur son torse et savoure le réconfort des bras de mon ami. En ce jour du vendredi vingt septembre deux mille dix-neuf, il y a exactement seize ans que j’ai perdu mes parents et je m’en souviens comme si c’était hier. Les images seront à tout jamais gravées dans ma mémoire.

Il m’a fallu du temps, mais je m’en suis remise, j’ai accepté et j’ai continué de vivre, parce que c’est exactement ce qu’ils auraient souhaité. Mais je sais aussi que sans le soutien et l’amitié inconditionnel de Raphaël, je n’en serai certainement pas là. Il m’a aidé dans toutes les démarches, il a vidé la maison de mon enfance à ma place et s’est occupé de la vente. Il m’a écouté, consoler, protéger.

Je suis bien consciente que notre relation est souvent incomprise, que beaucoup se demandent pourquoi nous ne sommes pas ensemble, mais il n’y a jamais rien eu entre nous. Il n’a jamais eu un seul geste qui puisse m’amener à penser qu’il avait d’autres sentiments pour moi, qu’une profonde amitié.

J’ai toujours considéré Raph comme un grand frère protecteur, mais je sais très bien au fond de moi que j’ai de profond sentiments pour lui et c’est certainement l’une des raisons pour lesquelles, je n’ai jamais réussi à réellement me plonger dans une relation amoureuse avec un homme. Mais je ne l’avouerai jamais, ni à lui, ni à personne d’autre, c’est le plus grand secret de mon existence. De toute façon, je ne prendrais jamais le risque de le perdre, je me suis depuis longtemps fait une raison. Il est beaucoup trop important pour mon équilibre pour que je mette un jour en danger notre relation.

Je suis le parfait cliché de la fille banal, amoureuse de son meilleur ami, sauf qu’il n’y a aucune chance pour qu’un jour, il frappe à ma porte et me fasse une déclaration d’amour.

Je le sais, je me suis faite une raison et j’en ai pris mon parti !

Je fais partie de ces personnes qui ont un amour inavoué et qui l’emporteront avec eux.

Mais cela ne fait pas de moi quelqu’un de malheureux, bien au contraire. J’aime la sensation que j’ai quand je l’aperçois, j’aime ses petits picotements sur ma peau quand il me prend dans ses bras et je préfère mille fois ne jamais connaître son amour, plutôt que de le voir un jour s’éloigner si cela ne collait pas entre nous.

Peut-être qu’un jour je rencontrerai quelqu’un qui me le fera oublier ou peut-être que je l’aimerai toute ma vie, mais dans tous les cas, jamais je ne regretterai ce que nous partageons.

— Ça va ? Me dit-il

— Oui très bien.

— Sûr ?

— Parfaitement !

Le même rituel, les mêmes questions et les mêmes réponses depuis seize ans. Je crois qu’en fait, c’est devenu un jeu entre nous, une habitude et certainement un truc qui me rassure en me disant que rien ne change et que tout est à sa place.

Je suis quelqu’un qui déteste le changement, l’imprévu, l’inattendu et le déroutant. J’ai besoin de savoir de quoi demain sera fait et ce que l’avenir me réserve. Quand quelque chose me tombe dessus sans que j’y soit préparé, j’ai tendance à me renfermer sur moi-même et c’est là que Raphaël entre en action. Il m’aide, me soutient et arrive à me faire voir les choses sous un angle nouveau, différent.

— Qu’est-ce qui est jaune et qui attend ?

Je sourie avant de répondre.

— Jonathan !

— Qu’est-ce qui est vert, qui monte et qui descend ?

— Un petit pois dans un ascenseur !

— Qu’est-ce qui est orange et porte une cape ?

— Super carotte !

Il soupire et je me marre. Tous les ans, il me sort des blagues plus débiles les unes que les autres, mais depuis le temps, je les connais toutes par cœur. Je me souviens encore la première fois qu’il a fait ça, j’ai dû le regarder vraiment bizarrement, parce qu’il n’a pas pu s’empêcher d’éclater de rire.

— Tu n’es pas drôle !

Je relève la tête et lui donne un baiser sur la joue.

— Je sais !

Et c’est à ce moment précis que Popo fait irruption dans la pièce.

— Ah, vous êtes là, je vous cherche depuis une plombe.

— Une plombe, lui dis-je, je ne sais pas trop quelle heure il est, mais une chose est sûre, cela ne doit pas faire longtemps que tu es debout. Il y a encore écrit Epéda sur ta joue.

— Très drôle ! Je peux participer au câlin moi aussi ?

Mais qu’est-ce que je deviendrai sans eux ? Parfois je me le demande. Raphaël se décale sur le bord du lit en m’entrainant avec lui et Apolline vient se mettre à côté de moi et se cale dans mon dos en m’entourant de ses bras.

— Vous en étiez où ? Demande-t-elle.

— Aux blagues débiles, lui répond Raph.

— Ah, alors voyons voir, laissez-moi réfléchir deux minutes. On ne dit pas potager mais ?

Alors celle-ci je ne la connais pas, je réfléchis en regardant Raph qui rigole, je suis sûr qu’il connaît la réponse. C’est incroyable, il est une source inépuisable en matière de blague débile.

— Aucune idée, dis-je.

— Raph ?

— Vieux copain !

— Sans rire ? Répondis-je.

— Oui c’est bien ça. Tu cherches beaucoup trop loin ma poule. Bon une autre. Quel est le plat préféré des opticiens ?

— Les lentilles, répond Raph.

— Que disent deux petits pois un samedi soir ?

— Celle-ci je sais ! On va en boite, répondis-je.

— Que fait une salade avec un révolver ?

Nous nous retournons tous les deux en regardant Apolline.

— Personnes ? Elle laitue !

Et elle éclate de rire et nous aussi par la même occasion.

— Dites, j’ai une question. Pourquoi vos blagues ont toujours un rapport avec les légumes, dis-je ?

— Certainement parce que ce sont les plus stupides, me répond Raph.

— Mouais, mais avoue quand même que celles sur les blondes ne sont pas mal non plus dans le genre, dit Popo.

— Ouais, sauf qu’elles sont complètement péjoratives et par conséquent moins drôles, lui dit-il.

— Ok, elles sont souvent méchantes, mais tu ne peux pas dire qu’elles ne sont pas drôles. Attends j’en ai une. Quelle est la différence entre une pomme de terre et une blonde ?

— Elles attendent toutes les deux de se faire sauter, répond Raph.

— Et non raté, mais j’avoue que ça marche aussi. Sam, une idée ?

— Pas du tout !

— La pomme de terre est cultivée !

— Elle est pas mal, mais tu remarqueras quand même qu’il est encore question de légumes, répondis-je.

Et nous nous mettons tous les trois à rire.

— Bon les filles, sur ces bonnes paroles, moi je vais faire le café. Je vous attend en bas.

Il m’embrasse sur le front et se lève, nous laissant toutes les deux derrière lui.

— pousse toi un peu, me dit Apolline.

Je roule de l’autre côté du lit et quand je veux me mettre sur le dos, je reçois un oreiller en pleine poire. Popo est à genoux et me sourit.

— Bataille de polochon ?

Misère, il y a une éternité que je n’ai pas fait ça, mais comment refuser ? Je me redresse en attrapant mon propre oreiller et le lui balance dessus. Grâce à eux, cette journée qui devrait être signe de tristesse, ne l’ai absolument pas, bien au contraire. J’ai décidément beaucoup de chance d’être aussi bien entouré.

Nous sommes au milieu de l’après-midi et je baille comme ce n’est pas possible. Apolline m’a tuée avec ces cocktails et je crois que je suis un peu pompette. Je ne bois que très rarement de l’alcool, mise à part de la bière, mais généralement, les vacances sont l’occasion de se lâcher un peu. Ils savent tous les deux que je ne tiens absolument pas l’alcool fort et je les soupçonne d’en profiter.

Mais j’avoue que parfois, je suis bien contente qu’il ne m’en faille pas beaucoup, comme lors de la séance d’épilation, il y a quelques jours. Sans ça, jamais je n’aurais pu aller au bout de cette torture !

Oui, torture, il n’y a pas d’autre mots pour qualifier ce supplice !

Finalement les plaques et les boutons ont mis deux jours à disparaître, mais j’en suis enfin débarrassé et j’ai toujours la peau douce, ce qui à mon avis est à marquer d’une pierre blanche.

Bref, je suis complètement avachie sur mon transat et j’oscille entre somnolence et moment de conscience, mais j’avoue que ce n’est pas vraiment désagréable, c’est même plutôt grisant pour être tout à fait franche. Mais il va quand même falloir que je bouge à un moment ou à un autre parce que je n’ai toujours pas bouclé ma valise. Moi qui suis habituellement quelqu’un d’ordonné, pendant les vacances, c’est toujours le total laisser aller. Il y a des fringues éparpillées un peu partout dans ma chambre et il va falloir ranger tout ça.

Ce qui m’amène à pensé, que j’ai complètement oublié d’acheter des biscuits typiques du coin pour la caserne. C’est mon petit rituel à chaque vacances et croyez bien que si je fais l’impasse cette année, ils ne manqueront pas de me le faire remarquer. Le tout c’est de savoir s’il existe une spécialité locale et surtout, où je vais trouver ça, sachant que la journée est plutôt bien entamée.

Je me retourne pour me mettre sur le dos et m’assois.

— Dites, j’ai zappé un truc !

Raphaël ouvre un œil.

— Quoi donc ?

— Les biscuits.

— On s’en fou laisse tomber, me répond Popo.

— Ben non, il faut au moins que je cherche.

— Je vous préviens, il n’est pas question que je bouge un orteil aujourd’hui, me dit-elle !

Je souris en attrapant mon téléphone pour lancer une recherche google. Résultat le Biscotin d’Aix et apparemment, on le trouve dans n’importe quelle grande surface. C’est un petit biscuit composé de pâte sablé et parfumé à la fleur d’oranger. Il est de forme ronde, de la taille d’une noisette. Eh bien, cela me parait pas mal, reste plus qu’à aller faire un tour au magasin. Je consulte l’heure, presque dix-huit heures, je vais devoir me faire violence et bouger mes fesses. Nous sommes tous incapable de conduire, il va donc falloir que j’y aille à pied et j’ai une flemme monumental.

— J’ai trouvé, je m’avance à la grande surface d’à côté, je n’en ai pas pour longtemps.

— Tu veux que t’accompagne ? Me demande Raphaël.

— Non, ne t’en fais pas, je n’en ai vraiment pas pour longtemps. J’achète les biscuits et je reviens aussitôt.

— Comme tu voudras.

— Sam, pendant que tu y es, tu voudrais pas ramener un pot de glace à la vanille ? J’en ai trop envie.

— Ouai, si tu veux, mais j’y vais à pied, vu la chaleur, je ne suis pas sûr qu’elle résiste.

— Pas grave, me dit-elle. Au pire ça fera un milkshake !

Je rigole en m’avançant vers l’intérieur de la maison, j’enfile un short et un tee-shirt par-dessus mon maillot et je me mets en route. Plus vite je pars, plus vite je serai de retour.

Moins de dix minutes plus tard, je suis devant les portes coulissantes de la grande surface et j’avoue que je ne suis pas mécontente qu’il soit climatisé. Je transpire tellement que je suis sûre d’avoir des auréoles sous les bras. Je me dirige vers le rayon des biscuits et cherche désespérément une boîte ou un sachet, mais rien. C’est bien ma veine.

Je m’apprête à abandonner et à me diriger vers le rayon surgelé, quand mes yeux tombent sur un étiquette annonçant des Biscotins et au-dessus de ma tête, je vois un seul et unique sachet contenant les précieux biscuits. Seul problème, je suis bien trop petite pour les atteindre. Je suis en train de regarder de chaque côté et il n’y a personne d’autre dans le rayon. Je me demande si en escaladant les étagères…

Je pose mon pied sur la première et je me hisse vers le haut d’une seule main. Je tends la deuxième et je suis à deux doigts d’atteindre mon but, quand une main saisit le sachet à ma place. Je redescends et veux remercier la personne qui vient de me rendre service. Mais quand mes yeux croisent ceux de Noël, je suis à deux doigts de m’étouffer ! Bon, en fait il n’est peut-être pas si mauvais que ça après tout. Je tends la main vers lui pour qu’il me donne la poche.

— Merci, lui dis-je.

— Mais de rien !

Et il fait demi-tour en emportant les gâteaux avec lui. Je reste là, quelques secondes sans bouger en le regardant s’éloigner avant de reprendre mes esprits.

C’est moi ou il est en train de se faire la malle avec mes biscuits ?

C’est moi ou ce mec cherche juste à me mettre hors de moi ?

Bon sang, mais c’est quoi ce type ?

Je m’élance derrière lui et finis par le rattraper non loin des caisses. Je lui tape sur l’épaule et il se retourne.

— Cela vous amuse de me pourrir la vie ?

— Vous pourrir la vie ? Vous vous donnez beaucoup trop d’importance. Comme si j’avais pu vous reconnaître de dos. Je ne sais pas ce que vous prenez, mais il faut arrêter ou alors commencer. Être parano, ça se soigne !

— Alors pourquoi avoir justement choisi les biscuits que je cherchais désespérément ?

— Tout simplement parce que ce sont mes préférés !

— Comme par hasard ! Vous habitez dans le coin que je sache, vous pouvez en avoir quand bon vous semble, alors laissez-moi celui-ci. Et puis, je l’ai vue la première, vous me l’avez presque pris des mains.

Il me regarde en esquivant un petit sourire en coin.

— Alors techniquement, je ne vous ai rien pris, puisque vous ne l’aviez pas encore touchée.

Il me rend dingue, je suis vraiment en train d’hésiter à lui coller une claque ! Bon je vais peut-être commencer en demandant gentiment !

— S’il vous plait, je pars demain, je voudrais juste pouvoir faire goûter la spécialité locale à mes amis.

— Mais ce n’est pas mon problème ! J’en ai rien à foutre, vous n’aviez qu’à vous y prendre plutôt !

Mais ce n’est vraiment pas possible d’être aussi con, buté, borné et méchant ! Hé bien soit, il veut jouer à ça, si c’est la guerre qu’il veut et bien je vais la lui donner ! Je m’apprête à faire un truc incroyable, une chose qui en temps normal ne me serait jamais venue à l’esprit, mais il pousse le bouchon trop loin, il faut bien que quelqu’un le remette à sa place, une bonne fois pour toute. Et puis de toute façon, je ne le reverrai jamais de ma vie !

Je m’approche de lui, passe ma main derrière sa tête alors qu’il me regarde en plissant les yeux. Je me hisse sur la pointe des pieds en l’approchant de moi et, étonnamment, il se laisse faire. Ce n’est pas du tout la réaction à laquelle je m’attendais, tant pis, je suis prête à aller jusqu’au bout. Ses lèvres se rapprochent, je sais que je devrais le envoyer immédiatement dans ses filets, mais je ne sais pas pourquoi, j’en suis parfaitement incapable. J’ai une envie irrésistible de l’embrasser, de coller mes lèvres sur les siennes et de goûter à son baiser.

Quand ma bouche rencontre la sienne, j’ai l’impression d’être prise d’un vertige, son bras passe autour de ma taille, me rapprochant un peu plus. Sa langue s’immisce, me laissant un peu perdue, j’ai du mal à réfléchir, je ne sais plus trop ce que j’avais en tête ni pourquoi je trouve à ce baiser un goût d’interdit. Mais quand je sens sa main glisser sur ma fesse, je retrouve mes esprits.

Il est exactement comme tous ces mecs qui se croient tout permis, donner leur un baiser et ils sont persuadés que vous finirez dans leur lit et ce n’est certainement pas dans mes projets.

Dans un élan désespéré, je lui mord la langue, il se recule tout en portant sa main à sa bouche et j’en profite pour récupérer le sachet de biscuits en me précipitant vers les caisses.

Jamais je n’avais fait un truc pareil, jamais je ne m’en serais cru capable, mais je dois bien avouer, que cela m’a fait un bien fou et après tout, il n’a que ce qu’il mérite !

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