Des nœuds au cerveau

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Marc poursuivit : « Je te rassure, je ne te demande pas de me répondre de suite, ça se réfléchit. Une aventure comme ça, c’est comme dans un mariage, il faut que les deux regardent dans la même direction. »

- Tu veux te lancer dans quoi ?

- Lancer c’est fait. J’ai besoin de quelqu’un pour m’épauler, quelqu’un sur qui je puisse compter pour développer mon entreprise. Je sais que tu es quelqu’un de droit, sans jeu de mot, dit-il avec un clin d’œil. Et je pense que tu es la bonne personne. J’ai envie que ça soit toi.

Sahila ne savait pas quoi répondre. Elle ne s’attendait pas du tout à une demande de la sorte. Elle avait vaguement entendu le mot mariage et tout se mélangeait dans son esprit embullé.

Sahila eut du mal à trouver le sommeil. Elle se repassait en boucle le film de la soirée et essayait d’en décortiquer chaque instant comme pour mieux analyser la situation. Les questions fusaient. Et si elle s’était imaginé quelque chose ? Ses cogitations éclairs lui avaient quand même révélé qu’elle lui trouvait plein de qualités, non ? Ne lui avait-elle pas dit d’ailleurs qu’elle le considérait comme « un peu plus qu’un simple voisin » ?

La question de la nature de leur relation refit surface. « Qu’est-ce que j’éprouve pour ce mec ? Et si jamais ça va plus loin, si on sortait ensemble, qu’arrivera-t-il si on est associé ? Je sais pas si je dois accepter. Si jamais nous deux, ça ne marche pas, si on s’engueule, comment on va pouvoir travailler ensemble ? Oui, mais si je n’accepte pas, il va se demander pourquoi, et là, comment lui dire non ? Il va vraiment croire que je suis amoureuse de lui. » Croire ou deviner ?

« Faut que j’appelle Eva, elle saura ». Non, elle ne peut pas savoir à ta place, d’ailleurs, en parlant d’Eva, tu ne lui as même pas encore présenté ton cher voisin…moi, je dis ça… « Ah oui, mais non, pas là, il est deux heures du mat’, elle dort mon Eva et je ferais mieux d’en faire autant. »

Le lendemain, Sahila attendit les douze coups de midi pour appeler son âme sœur.

- Allo ? Eva ?

- Oui ma chérie d’amour. Oh là, j’entends à ta voix que ça va pas.

- Si, si ça va, mais…

- Mais ?

- Faut que je te parle.

- Tu veux qu’on se voit ?

- Oui je préfèrerais plutôt que par téléphone. Je peux passer cette après-m ?

- Oui, laisse-moi émerger, prendre une douche et c’est bon. Tu penses être là vers quelle heure ?

- Dis-moi, vers 15H00, ça te va ?

- Parfait, à toute ma chérie d’amour.

Sahila raccrocha et compte les minutes jusqu’à ce qu’elle eût rejoint sa meilleure amie.

« Qu’est ce qui t’arrive ? » demanda Eva avec un grand sourire.

Sahila soupira et ria en même temps.

« Pff, c’est compliqué ! » Eva la regardait avec un air bienveillant, toute prête à écouter non amie détricoter l’espèce d’écheveau de fils tout emmêlés.

« C’est Marc, mon voisin » commença Sahila.

- Vous vous êtes disputés ?

- Non, au contraire

- Ah, vous avez pratiqué le sexe ?

- Non, au contraire

Elles partirent toutes les deux dans un fou rire.

- Marc me propose de m’associer avec lui dans son entreprise.

- Ben c’est super ça, c’est qu’il a confiance en toi ! Et puis, c’est pas comme si tu ne connaissais pas un peu le business.

- Oui, mais je sais pas.

- Comment ça tu sais pas ? Depuis que tu es rentrée de Paris, tu m’as toujours dit que tu ne supporterais plus avoir un patron au-dessus de toi. Tu veux garder ta liberté et ton indépendance, ce que je comprends tout à fait. Tu as fait l’expérience de travailler seule et tu as pu te rendre compte que c’était pas pour toi. Là, il te propose de devenir son associé, vous allez pouvoir travailler ensemble, pour un même projet commun, c’est top non ? Tu restes libre et pas de patron, c’est toi le patron !

- Oui, mais non, c’est pas si simple. J’apprécie vraiment Marc. Il est gentil, attentionné, on aime les mêmes choses, on rit des mêmes choses… Tu vois, hier soir, il est arrivé avec une bouteille de champagne et un bouquet de roses, et il m’a dit, viens on va sous le saule pleureur, j’ai quelque chose à te demander. Je te promets, Eva, à partir de là je n’ai plus contrôlé mon cerveau. Le temps qu’on arrive au saule, je me suis imaginé une demande en mariage pour finir par me dire qu’en fait, il était homo. Et quand il a voulu prendre la parole, je ne lui ai pas laissé le temps d’en placer une et je lui ai dit que je serais ravie s’il me présentait son petit copain.

Eva se prit d’un autre fou rire. Son rire était communicatif. Sahila décompressa instantanément.

- Ah oui, là y a bordel. Et entre le mariage et l’homosexualité, tu as pris combien de détours ? Non mais j’te jure ! Et tu t’es sorti de là comment ?

- Ben en fait, je ne sais plus, j’étais tellement mal que je n’ai plus rien imprimé de la soirée.

- Bon sinon, tu as envie de travailler avec lui ?

- Oui, je sais que lui et moi, on est sur la même longueur d’onde. On se prend pas la tête, c’est fluide.

- Ben alors, où est le problème ?

- Et si ça ne marchait pas nous deux ?

- Euh, tu parles de quoi là, du boulot ou tu as autre chose en tête ?

Sahila baissa les yeux, se tortillait les doigts et rougit.

- Ma chérie d’amour, en langage non verbal j’ai ma réponse. Mais si tu es venue jusqu’ici, c’est bien pour en parler non ?

- En fait, quand il m’a dit « j’ai quelque chose à te demander » j’ai cru qu’il …

- Qu’il allait te demander en mariage, répondit Eva en riant

- Oui, enfin, non, mais en tout cas que ça aurait un rapport avec nous deux.

Je crois qu'on va attendre encore un peu pour le rapport...

- Et ?

- Et j’ai eu peur. Et de suite je me suis dit « mais non Sahila, n’importe quoi, qu’est-ce que tu vas imaginer ? ». Et puis j’ai envisagé l’éventualité qu’il pourrait éventuellement peut-être, être avec quelqu’un. Et là, je me suis dit que c’était fini tous les deux. Notre amitié devrait prendre fin, obligé.

- Votre amitié ? Tu es sûre d’avoir eu peur de perdre votre … amitié ? Je reformule ou c’est bon ?

Sahila resta silencieuse.

- Je suis bien avec lui, je me sens bien. Je n’ai pas envie de perdre ces moments qu’on partage ensemble.

- Si vous travaillez ensemble, vous allez en créer plein d’autres, des moments partagés, lui répondit Eva avec un petit sourire.

Silence de Sahila.

- Oui, je sais mais j’ai peur

- Oui, ça j’ai bien compris, mais peur de quoi exactement ? A part de toi-même ? Tu es la première à répéter sans cesse « qui ne tente rien n’a rien », alors qu’est-ce que ça te coûte d’essayer ?

- Non, mais là c’est pas pareil, c’est pas comme si j’essayais un nouvel outil ou une nouvelle technique de je sais pas quoi. On parle de relations humaines.

- Non Sahila, on parle de boulot. Il t’a proposé de travailler avec lui, pas de te marier. Si tu bloques là-dessus, c’est que clairement, tu attends autre chose de lui, mais tu n’oses pas te l’avouer, ni à lui d’ailleurs. Si tu savais où tu en étais, tu nous l’aurais déjà présenté ton Marc, depuis le temps que tu m’en parles ! Tiens, qu’est-ce que je disais…

- Oui, tu as raison, mais tu sais, ma vie sentimentale a toujours ressemblé au désert d’Atacama. Pire, les quelques aventures que j’ai cru avoir se sont toujours soldées par …rien, si, moi, en miettes. Bref, une succession d’échecs qui ne me donne pas forcément un super niveau de confiance en moi.

- Dis-moi toi, y des zones d’ombre que tu n’as pas abordées avec ton coach à l’époque ?

- Si, mais le mal est profond.

- Oui, enfin, moi ce que j’entends, c’est que lui t’a proposé un poste d’associée, et toi, toute tes interrogations tournent autour de votre relation. Alors oui, bosser en couple, c’est pas toujours évident, mais d’une, y a plein de couples qui y arrivent et de deux, à ma connaissance, vous n’êtes pas « encore » en couple. Désolée, je te la fais courte, mais tu devrais arrêter de te faire des nœuds au cerveau.

- T’as raison ! Si ça doit se faire, ça se fera

- Mdr, tu parles de quoi ? De votre couple ou de votre association ?

- Les deux mon Capitaine ! Alors Carpe Diem

- Aller, viens c’est l’heure. Nom de code pour dire qu’il est 19H00 et que c’est l’heure des glaçons.

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