Chapitre 27

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— C’est incroyable ! Et ils ont tous respecté ?

— Je sais pas… j’ai le souvenir que non, mais c’est peut être juste mes souvenirs qui s’emmêlent. Dans tout les cas, ils ne sont plus revenus en cours après. Mais une rumeur a circulé comme quoi ils avaient peur de me recroiser après la leçon que je leur avais donné. Du coup, j’étais considérée comme une personne avec qui on ne risquait rien à ses côtés.

— Pas étonnant ! J’ai découvert ma capacité d’une façon nulle…

— Vraiment ? C’est plutôt étonnant… Même si c’est vrai qu’ici, on a autre chose à faire que passer notre temps à raconter comment ça s’est passé, je peux te dire que je connais par coeur la découverte de la capacité de mes proches et la réaction de chaque personne à qui ça a été raconté.

— C’est vrai… mais pas moi. J’ai juste sauvé une plante dans la boutique de mes parents et comme ça fait partit du test de fleuriste, ils m’ont fait concourir.

Il disait cela avec désinvolture, presque blasé. Cela semblait même l’ennuyait et c’était très perturbant à voir. D’autant plus que même si elle ne le préciserait pas, elle même adorait raconter cette histoire. Enfin, par respect, elle ne parlait pas de sa meilleure amie et se concentrer sur la rapidité à laquelle elle s’était améliorée, la façon dont elle avait battu son maître en aussi peu de temps, et ainsi, pourquoi elle avait participé au test de karatéka.

— Dis, tu penses que ça existe des gens qui jusqu’à leur mort, ne connaîtront jamais leur capacité ? Ou des gens qui n’en n’ont pas ?

— Euh… ce qui est sûr c’est que si une personne ne la découvre pas, on pourra pas savoir si elle en a une ou non. Mais si tu veux mon avis, c’est impossible de ne pas en avoir, ou alors ça arrive une fois par siècle. Sinon, oui, si tu n’essaie pas plein d’activité différente, tu peux ne pas le savoir. Par exemple, moi, j’étais pas très sport de combat, pas du tout même. J’aimais pas l’idée de me faire taper dessus. Et si je n’avais jamais su que ma meilleure amie se faisait harceler, je n’aurais jamais essayé le karaté. D’ailleurs, si j’ai choisi le karaté, c’est juste parce que c’était le plus proche de chez moi.

Penser à cela dessina un sourire sur le coin de ses lèvres. Elle n’y avait jamais spécialement pensé, et c’était incroyable de se rendre compte de tous les paramètres qui entraient en jeu. A quel point un choix, un mot, une pensée, l’environnement… Si l'une de ces choses auraient été différente, rien ne serait pareil.

Certaines personnes découvraient leur capacité car il s’agissait d’une activité qu’il aimaient et pratiquaient régulièrement. Mais à y réfléchir, c’était obligé que d’autres ne le découvrent jamais.

Nanoki et Randy se séparèrent après quelques dizaines de minutes. Le fleuriste disait être épuisé après les événements et que discuter avec elle l’apaisait assez pour repartir serein. La karatéka, n’avait d’autres choix que de retrouver sa chambre, même à contre coeur. Elle ne savait pas ce qui poussait Randy à sortir au beau milieu de la nuit, peut-être même plusieurs heures avant elle, mais même avec ses bons réflexe, elle ne pouvait se le permettre seule.

Elle savait que Randy était levé, donc elle si elle ne le trouvait pas, elle ne se laisserait pas prendre par surprise en cas d’attaque. Cependant, si elle restait après que ce dernier décidât de rentrer, elle prenait le risque de se plonger dans ses pensées et ainsi être une proie idéale.

A l’instant même où Nanoki verrouilla la porte derrière elle, un immense vide ainsi qu'un sentiment de solitude l’accablèrent. Elle pensait s’y être habituée, cependant, cette fois-ci, ils étaient bien plus intenses qu’avant.

Etait-ce parce qu’elle s’habituait déjà à ne pas être seule la nuit ? Parce qu’elle ne s’attendait pas à retourner dans sa chambre après un cauchemar ? Ou bien parce qu’elle venait de parler de son passé et que cela ne lui rappelait que trop bien que le monde extérieur demeurait hors de sa portée ?

Elle se laissa tomber dos à la porte, les larmes dévalant ses joues. Des sanglots s’y mêlèrent, incapable de les retenir plus longtemps.

Nanoki se rassurait en se disant que les autres aussi pleuraient en cachette dans leur chambre, quand leurs émotions atteignaient leur apogée. Le fait qu’elle n’avait aucune preuve et que certaines personnes se cachaient dans leur chambre la journée pour ne pas affronter les autres l’importaient peu. Elle voulait juste y croire pour se dire qu’elle n’était pas seule.

La sonnette retentit. Elle sursauta et couvrit sa bouche de ses mains pour s’empêcher de crier. QUi cela pouvait-être. Nanoki sécha ses larmes qui brouillaient sa vue et colla son œil au juda.

C’était Randy. Pourquoi voulait-il la voir ? Regrettait-il de ne pas être resté dans la cour et venait lui demander si elle comptait y retourner ? Elle hésita à faire mine d’être dans un sommeil profond et de ne pas l’avoir entendu, mais à bien y réfléchir, ce n’était pas crédible au vu du peu de temps passé depuis son arrivée dans la chambre.

Elle se colla à nouveau au juda et tenta de lire les intentions du fleuriste. Il semblait inquiet. Nanoki haussa un sourcil et se décida finalement à entrouvrir la porte, dévoilant sa tête.

— Je t’ai entendu pleurer, souffla-t-il.

— Pardon ?

— J’ai l’ouïe fine. Je voulais juste te dire que, si tu avais envie de parler, ça me dérange pas. Tu l’as bien fait pour moi après tout.

— Pas besoin de te sentir redevable, je t’ai bien dit que mon intention n’était pas d’être mère Teresa.

Elle s’apprêtait à refermer la porte, mais Randy cala son pied à temps. Il grimaça, ne s’attendant pas à une telle force. Nanoki elle même s’en étonna, mais elle se rendit compte qu’elle était tendue.

— Je sais, et je t’ai dit que j’en avais rien à foutre de tes intentions parce que ça m’a aidé. Je vais pas te forcer à me parler, accepte juste que je sois disponible si t’as besoin.

— J’ai rien à te dire ! A quoi tu t’attends, sérieux ? Peut-être que toi ça t’a aidé parce que ça concerne directement ta façon d’être. Mais qu’est-ce que ça va changer de te dire que je déteste être seule avec mes pensées toutes plus sombres les unes que les autres ? Qu’est-ce que ça va te changer de te dire que ça me fait flipper et que tous les jours j’appréhende la période de nuit ? Rien ! Absolument rien ! Parce qu’une peur ne s’envole pas miraculeusement juste parce qu’on en a parlé !

Nanoki ouvrit la porte pour la faire claquer le plus fort possible, forçant Randy à retirer son pied. Elle tourna la clé dans la serrure et observa Randy à travers le juda. Il se tenait à la porte le pied qui avait servi à empêcher Nanoki de fermer la porte levé. Des gémissements de douleur lui parvenaient et pendant un instant, elle se dit qu’il aurait été préférable de le pousser plutôt que de manquer de lui arracher le pied.

Il avait pas à mettre son pied là…

Nanoki soupira et se mit en boule dans son lit, serrant son oreiller comme une peluche. Elle parvint à s’endormir quelques heures, mais elle se réveilla tout de même vingt minutes avant l’annonce. Elle décida que c’était inutile d’essayer de retrouver le sommeil et alla prendre une douche.

Les événements de la veille lui revinrent en tête. Elle espérait que Randy ne la détesterait pas trop et continuerait de venir dans la cour la nuit. Il y avait bien Daphné qui peut-être lui faisait assez confiance pour passer du temps seule avec elle. Sauf que cette dernière était trop attachée au sommeil pour accepter et sa confiance avait des limites. Personne ne serait assez fou pour dormir avec quelqu’un dans une telle situation.

En y repensant, elle espérait également que les autres n’eussent rien entendu. Même sans avoir l’excellente audition dont se vantait Randy, leur chambre n’était pas vraiment isolée.

Nanoki soupira et sortit de sa chambre. Elle avait une dizaine de minutes d’avance, mais si elle marchait doucement, elle n’aurait pas plus de cinq minutes à attendre de pouvoir entrer dans le réfectoire. Et elle eut juste sur ce point.

Être la première à entrer dans le réfectoire lui procurait un étrange sentiment. Après tout, c’était la pièce dans laquelle la majorité d’entre eux passaient la journée. Même si une partie se tournaient vers le réfectoire depuis peu. Enfin, après ce qui s’était passé, Nanoki ne savait pas si elle parviendrait à utiliser à nouveau le gymnase sans se dessiner la scène du meurtre de Célia.

Randy pénétra dans la salle peu de temps après elle, en boitant. Nanoki grimaça ; elle était peut-être allée un peu trop fort.

Le fleuriste s’approcha de sa table et se pencha vers elle. Il profita de ses mains appuyées sur la table pour reposer sa chambre ainsi que respirer.

— Viens à l’heure habituelle, d’accord ?

Il n’attendit pas sa réponse, se redressa, recommença sa marche, puis s’arrêta.

— Au fait, tu avais faux hier.

— Pardon ?

— Je t’en dirais plus si tu viens.

Il reprit sa marche boiteuse jusqu’à sa chaise sur laquelle il se laissa tomber dans un soupir de soulagement. Le chemin de sa chambre au réfectoire avait dû être pénible.

Il essaie de me faire culpabiliser ou quoi ?

Le reste de la journée se passa normalement — et Nanoki détestait parler de normalité dans leur situation.

Les paroles de Randy tournaient en boucle dans sa tête. Elle avait faux ? A propos de quoi ? La karatéka se disait que c’était peut-être qu’une technique pour la convaincre de venir. Et elle devait admettre que cela fonctionnait.

Ainsi, après avoir passé quelques heures à ruminer dans sa chambre pour savoir si elle devait le rejoindre ou non, elle finit par le faire. L’heure habituelle… Il parlait déjà d’heure habituelle alors qu’ils ne s’étaient vu que deux fois. La première fois vers 4 heures, et la deuxième vers 2 heures si elle ne se trompait pas. Et cette fois-ci, elle quitta sa chambre dans les environs de 3h30.

Randy était bien présent — Nanoki lui aurait explosé la tête s’il lui avait posé un lapin — au même endroit et à la même position que les jours précédents. Un sourire se forma sur ses lèvres en constatant qu’elle était venue. La karatéka commençait à remettre en question sa volonté de ne pas faire ami-ami.

— Alors ? Quand tu disais que j’avais faux ? C’était une technique pour m’amadouer ?

— Non, je suis sérieux à ce sujet. Tu avais faux quand tu disais que m’en parler n’allait rien changer.

Nanoki haussa un sourcil et le dévisagea.

— Tu vas me sortir une recette de grand-mère contre la peur ? Pas que je doute de l’efficacité de tes conseils mais c’est inuti…

Alors qu’elle commençait à se lever, Randy la retint par le poignet. Sa prise était ferme mais douce.

— Je t’ai déjà presque arraché le pied, tu veux que je fasse pareil avec ta main ?

Aussitôt il la lâcha.

— C’était pas nécessaire d’en arriver jusque là… Ça fait vraiment mal, tu sais ?

— J’ai cru comprendre.

Nanoki roula des yeux et finit par se rasseoir. Randy sourit, satisfait, et la karatéka se dit qu’à la prochaine occasion, il n’y aurait pas d’avertissement.

— C’est pas une recette de grand-mère que je te propose. Je peux rien faire quand tu es dans ta chambre.

— Alors pourquoi tu as dit que…

— Laisse moi finir. C’est très simple ce que je te propose, tu vas voir. Si le problème est simplement d’être dans ta chambre parce que tu es seule, tu n’es pas obligée d’y allée.

Nanoki attendit et fronça les sourcils en constatant qu’il n’ajouterait rien. Elle ne plaçait pas beaucoup d’espoir, mais elle était tout de même déçue.

— Merci beaucoup petit génie… Sérieusement, tu penses que j’y ai pas pensé ? Je l’aurais déjà fait si c’était pas aussi risqué.

— Pourtant tu es bien sorti ces derniers jours.

— La première fois, c’était irréfléchi, mais j’étais sur mes gardes. La fois d’après, j’ai voulu voir si tu étais encore là.

— Et tu ne trouve pas ça risquée d’être seule avec moi ?

Nanoki plissa les yeux. Elle ne comprenait pas ce qu’il cherchait à faire.

— Quand je suis avec toi, je sais que personne ne m’attaquera parce que tu serais un témoin. Et si c’est ce que tu demandes, je n’ai pas peur que tu m’attaques et je pense que je n’ai pas besoin de te l’expliquer.

Elle fit un mouvement de tête vers son pied enflé ; il grimaça pour approuver ses dires.

— Mais si je suis seule dehors, je devrais être tout le temps sur mes gardes. Et ça demande plus d’énergie que ça en a l’air.

— Donc si je suis là, tu es tranquille ? Parfait problème réglé. Je peux passer toute la nuit dehors s’il le faut. De toute façon, je préfère dormir au réfectoire quand tout le monde est là.

— Donc ça t’arrange aussi ? Pourtant, la première nuit, tu étais dehors et tu n’avais aucun moyen de savoir que quelqu’un allait te rejoindre. D’ailleurs, maintenant que tu sais pourquoi je sors, et si tu me donner tes raisons à toi ?

— Oh, c’est juste que je me sens pas en sécurité la nuit dans une chambre donné par nos bourreaux. De façon général, je n’aime pas dormir dans une chambre qui est pas à moi. Je viens ici presque toute les nuits depuis qu’on est arrivé. Je sais que c’est risqué, que je suis la cible parfaite et que c’est un miracle que je sois vivant. C’est pour ça que j’étais rassuré que tu commences à venir. Comme je te l’ai dit, je me sens vraiment en sécurité avec toi.

— C’est toujours le cas après ce qui est arrivé à ton pied ?

Il grimaça un instant, mais hocha la tête.

— Alors ? Tu es déçu que je fasse pas ça par pure gentillesse parce que tu m’as aidé ?

— Non, au contraire, ça me rassure que tu aies tes propres raisons. L’inverse aurait juste été suspect.

— Mais c’est une bonne idée, tu trouves pas ? On est tous les deux gagnants dans cette histoire comme ça.

— Très bien. Laisse moi juste te rappeler une chose si jamais il te viendrait une idée débile… le pied enflé c’était pas volontaire, sinon j’aurais fait pire.

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