Chapitre 7

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— Les lampadaires éclairent bien quand même, on pourrait continuer encore, non ? proposa Daphné.

— On ne voit pas aussi bien qu’en plein jour, même si j’ai une excellente vue, cela nous prendra deux fois plus de temps que la normale, fit Gaël.

Nanoki jeta un coup d'œil sur son bracelet qui les maintenait dans ces lieux. Elle effleura l’écran du bout de son index. Lorsque ce dernier s’alluma, l’intensité de la lumière blanche l’aveugla quelques secondes. Sous cette forme, elle ne ressemblait qu’à une simple montre, mais rien ne leur assurait que l’heure affichait était vrai ; 21h38.

— On devrait profiter du temps qu’il nous reste avant l’horaire de nuit pour manger. Je dois dire que je suis épuisée et je ne pense pas être plus productive.

— Mais…

— Mais rien du tout, Daphné…

— En fait, j’allais te demander comment tu sais que c’est bientôt l’horaire de nuit.

Daphné croisa les bras dans une moue. Pensait-elle que Nanoki était capable de deviner l’heure à la simple vue de la lune ou quelque chose comme cela ?

Nanoki soupira et en guise de réponse, tourna son poignet lumineux vers elle qui ouvrit de grands yeux.

— Pff, je savais que ça donnait l'heure, mais je pensais que toi tu ne savais pas, se justifia-t-elle.

Daphné fixa son propre bracelet, sourcils froncés. Nanoki tenta de décrypter ses émotions, mais cette dernière se détourna en direction du réfectoire.

La karatéka jeta un regard vers Gaël qui haussa les épaules avant de suivre la rêveuse. Nanoki fit de même après que son estomac lui grogna dessus. Les seules pauses qu’ils avaient faites étaient pour aller aux toilettes. Les gargouillis de son ventre lui avaient fait regretter de ne pas avoir mangé le matin même. Et avec sa gorge sèche, elle doutait de sa productivité lors des dernières heures.

Arrivés au réfectoire, ils constatèrent qu’ils étaient les derniers à arriver. Le regard de Nanoki se perdit sur la grande table pleine de nourritures qui la firent saliver. Plusieurs grandes assiettes étaient éparpillées le long de la table.

— Célia a cuisiné avec Lou et Eden, on a fait plusieurs plats différents parce qu’on ne savait pas ce que vous aimez.

Sans attendre, Nanoki et Daphné se jetèrent sur les plats afin de se servir avant de s’installer sur une petite table. Durant le repas, ils parlèrent de tout et de rien afin de se changer les idées.

— Tu sais, la première fois que j’ai fait un rêve lucide, j’étais tellement contente que je me suis réveillée.

— C’est possible, ça ? demanda Nanoki, la bouche pleine.

En vérité, elle s’en fichait pas mal, tout comme les diverses informations que lui donnaient Daphné depuis le début de repas, mais par politesse, elle montrait de l'intérêt.

Elle aurait aimé que quelqu’un d’autre mangeât avec eux, Gaël ou une autre personne pour faire la conversation avec la rêveuse. Néanmoins, Gaël était attablé sur une autre petite table aux côtés de Kaïs qui le jaugeait ouvertement.

Ainsi donc, c’était à elle de se coltiner la bavarde qu’était étonnamment Daphné. La veille, cette dernière se montrait distante, pourtant elle discutait et souriait à Nanoki ce qui la laissait perplexe.

Aussi vite commencé, le repas se finit vite. Nanoki ne savait pas si ce n’était pas assez rapide pour lui épargner le presque monologue de Daphné, ou si c’était trop rapide car il était temps pour eux de faire leur rapport, et donc de se rappeler que personne n’avait trouvé de sortie — car ils seraient déjà loin de cette forêt sinon.

La karatéka écouta attentivement chaque rapport, dans l’espoir d’y trouver un indice, même minime, mais rien. Et lorsque vint son tour, elle n’apporta rien de plus que les autres.

— A voir l’état de vos vêtements j’ai bien fait de, genre, ne pas enquêter dehors. Parce que c’est, genre, carrément du gâchis, lança Clarisse.

Cette dernière, alors qu’elle parlait, caressait du bout des doigts son collier pailleté.

— On s’en fout que nos vêtements soient propres ou sales ! C’est quoi tes priorités sérieux ? s’égosilla Randy.

— Au vu de ton style vestimentaire, genre, ça m’étonne pas que tu te préoccupe de salir ton petit tablier.

Le concerné tiqua ; son visage vira au rouge alors qu’il serrait les poings.

— Tu n’as pas l’air d’être inquiète par la situation, fit remarquer Anaïs.

Anaïs jouait avec son collier dont était incrusté au bout une pierre que l’adolescente grattait et faisait tourner entre ses doigts tout en se mordillant la lèvre inférieur à plusieurs reprises. Une habitude, sûrement, car lorsque Nanoki se tournait vers la grande table lors du repas, cette dernière se mordait la lèvre dès qu’elle n’avait rien dans la bouche.

— Bah, genre, pourquoi je serais inquiète ? Je suis une chanteuse, genre, carrément connue alors mes fans ont sûrement capté que j’ai disparu et la police doit déjà être à ma recherche. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’il ne me trouve. Je ne vais pas commencer à me ronger les ongles et abimer mon vernis comme Kaïs.

A l’entende de son nom, le concerné se redressa, sur le qui-vive. Clarisse se leva et, une fois à son niveau, saisit sa main. Ce dernier tressaillit.

— Non mais t’as vu l’état de ton vernis ! Il est complètement fichu ! Je te jure que si je trouve du vernis je te refais ta manucure parce que là, c’est une horreur pour les yeux !

Nanoki papillona des yeux, tout comme Kaïs. Nanoki était d’accord avec Randy sur un point ; Clarisse n’avait vraiment pas les mêmes priorités qu’eux. Même si la chanteuse était mondialement connue, ce n’était pas judicieux de miser sur la police. Et même si par une chance incroyable, les forces de l'ordre les trouvaient, que pourraient-ils faire ?

La karatéka doutait que qui que ce fût parvint à les trouver. Peu importait à quel point ses proches insistaient ou décidaient de se lancer eux même à sa recherche. Comment se portaient ses proches, par ailleurs ? Les membres de son club devaient être mort d’inquiétude ! Elle venait à peine d’être promue chef de club ; pensaient-ils qu’elle avaient pris peur et s’était enfuie ?

Elle voulait tant revoir sa meilleure amie… Non ! Elle ne devait pas trop penser à eux ! Sinon..

Elle secoua vivement la tête, ce qui la fit recevoir un regard interrogateur de Daphné.

— Est-ce que… est-ce que ça va ?

— Euh, oui ! s’enquit-elle. J’étais juste… dans mes pensées… J’ai raté quelque chose ?

— Oh, juste Kaïs qui a fuit dans la cuisine après que Clarisse lui ait pris la main.

Nanoki jeta un regard là où était Kaïs avant qu’elle ne se perdit dans ses pensées, puis vers la cuisine où ce dernier se cachait. Du moins, caché était un bien grand mot ; son corps était derrière le mur qui séparait les deux pièces, mais sa tête dépassait de l’encadrement.

Clarisse, quant à elle, lui tournait le dos, bras croisés, visiblement vexée.

Aaron tapa sa cuillère contre son verre afin d’attirer l’attention de tout le monde.

— Cessez vos enfantillages ! Kaïs, je t’ordonne de venir reprendre ta place sur le champ !

Aussitôt ces mots sortis de la bouche du leader, Kaïs se précipita à sa chaise ou il s’y assit droit comme un piquet. Après quelques secondes, il réalisa ce qui venait de se passer et se cacha derrière Gaël après avoir lancé un regard noir à Aaron.

— Bien, Clarisse, laisse moi t’avouer quelque chose ; tu es pitoyable ! Tu ne dois pas miser ta vie sur les autres, cherche un moyen de sortir par toi-même !

Cette dernière ouvrit grand les yeux et laissa tomber ses bras, abasourdie. Ce devait être la première fois qu’une personne lui parlait ainsi.

— Vous autres, je vous ai entendu pleurnicher et vous dire que c’était la fin, détrompez vous ! Nous n’avons analysé qu’une petite partie de la forêt, nous camperons la nuit au milieu des arbres afin d’enquêter sans perdre de temps s’il le faut !

— Mais ça va nous prendre tellement de temps… et si on ne trouve rien ? gémit Timéo.

— Peut-être. Mais nous agirons méthodiquement. Léo et moi en avons parlé, nous allons d’ici demain vous préparer un plan afin que chacun ait sa zone à analyser.

— Je… je devrais peut-être rester loin de vous… avec ma malchance, je ne vous apporterai que des problèmes…

Timéo baissa la tête. Sa sœur, Anaïs, déposa une main sur son épaule, un sourire triste aux lèvres.

— Enfin, avant tout, reprit Aaron, nous aimerions savoir quelle est votre capacité afin de voir qui sont les plus à même de trouver des indices pour vous répartir correctement.

Léo ricana comme s’il s’agissait de la meilleure blague qu’il eût pu entendre. Aaron arqua un sourcil, perplexe.

— Pourquoi diable perds-tu le temps de leur demander quand je n’ai qu’à les regarder pour le savoir ?

Un sourire mesquin aux lèvres, il regarda de haut une à une les personnes présentes, bien que son regard indiquait qu’il connaissait déjà la capacité de chacun.

— Parle donc, Léo.

Après un nouveau ricanement, il se dirigea vers la porte, non sans leur avoir jeté un regard hautain.

— Je te dirais tout ce que je sais quand nous ferons les plans. Je suis écoeuré d’avoir passé tant de temps avec de tels minables, je pars devant. Ne les laisse pas pourrir ton cerveau.

Sur ces mots, il partit. Nul besoin d’apercevoir son visage pour savoir que son sourire ne l'avait pas quitté.

Nanoki croisa les bras dans un grognement. Ce type l’énervait de plus en plus avec son air supérieur comme s’il le reste du monde n’était qu’une poussière sans importance.

Aaron se racla la gorge.

— Soit, ne perdons pas plus de temps, fit le leader.

Il tourna le dos à l’assemblée et suivit l’analyste.

Dès lors que ces deux étranges personnages n’étaient plus dans la pièce, Nanoki se détendit et lâcha un soupir.

— Je vous le dis tout de suite, moi, j’ai pas encore découvert ma capacité, donc j’espère que l’autre con va pas sortir de la merde pour me ridiculiser, cracha Randy.

Ce dernier fixait la porte d’un air sombre.

Nanoki se surprit à être déçu que Léo n’eut pas énoncé les capacités des autres. Cela importait peu ; elle pouvait toujours le découvrir d'elle-même en leur demandant.

— Est-ce que d’autres personnes n’ont pas découvert sa capacité ? demanda Lou.

Elle sortit un calepin de sa poche ainsi qu’un stylo, prête à noter toutes les informations qu’elle pourrait dénicher.

Ils se regardèrent entre eux, dans l’attente qu’une personne prît la parole, mais personne ne le fit.

— Bien, je suppose que c’est une bonne chose, conclut-elle.

— Qu’est-ce que t’insinue, connasse ?

Randy se leva d’un coup, faisant tomber sa chaise. Pour une raison inconnue, il semblait atteint par la remarque de Lou et semblait à deux doigts de se jeter sur elle.

— Dydy est pas content ! lança Soen. Dis, dis ! T’es sûr de ne pas avoir découvert ta capacité ? C’est étrange que tu sois le seul à ne pas la connaître…

Soen se planta devant Randy, un sourire malicieux aux lèvres. Le type de sourire qui laisse penser que tu as déjà la réponse à ta question.

Le concerné le regarda de haut — littéralement car il faisait vingt six centimètres de plus que lui.

— Y’a quoi de bizarre que je la connaisse pas, minus ? C’est qu’un putain de hasard que je sois le seul ! Et m’appelle pas Dydy, sinon je te refais le portrait !

Il leva le poings dans sa direction pour ponctuer sa menace, ce qui fit rire Soen.

— Si tu le dis, Dydy, mais tu sais, en tant que menteur, il n’y a pas que dans la création de mensonge que j’excelle…

Son sourire s’agrandit l’espace d’une seconde, puis il mit ses mains derrière sa tête avant de retourner à sa place aux côtés d’Eden.

Le visage de Randy devint rouge de colère, et il s’apprêtait à se jeter sur le menteur, quand une main l’arrêta. Il s’agissait de Célia.

— Célia pense que Soen veut juste te provoquer et qu’il vaudrait mieux ne pas lui accorder d’importance. Célia a bien vu que c’était ce qu’il cherchait.

Randy jeta un regard noir à Soen avant de quitter le bâtiment d’une marche rapide.

Nanoki souffla ; c’était tendu. La seule et unique solution qu’ils avaient pour sortir d’ici tournait en boucle dans sa tête. Vous devez commettre un meurtre. Vous devez commettre un meurtre. Vous devez commettre un meurtre.

Ils ne faisaient même pas semblant de bien s’entendre. Ils se disputaient, à la limite de passer aux attaques physiques. Le moindre poings serré tendait Nanoki, envahit de question qu’elle chassait tant bien que mal.

Est-ce qu’ils vont vraiment se frapper ? Qui va donner le premier coup ? Est-tce que l’un d’eux va mourir ?

Elle faisait de son mieux pour éloigner ses pensées, mais elle revenait à la charge toujours plus forte.

Randy est trop impulsif, il va finir par tuer quelqu’un ou se faire tuer. Arrête d’y pensere, Nanoki, tu vas devenir folle.

Elle secoua la tête.

Arrête d’y penser, arrête d'y penser, arrête d'y penser.

Mais la volonté de ne pas penser à quelque chose ne pousser son cerveau qu’à y penser encore plus. Les phrase et les images tournaient dans son esprit, comme une vérité, une prédiction qu’elle ne voulait pas accepter.

Qui va mourir ?

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