Écume
Assis sur un caillou, je regarde jouer ma fille. Au-delà de la falaise, la mer s’efforce de se faire remarquer : elle rugit, jette violemment ses vagues contre la paroi, montre ses dents d’écume menaçante. Mais je ne la calcule même pas. Je ne vois que Sandra, son petit seau à la main, totalement absorbée par le château qu’elle bâtit minutieusement.
Je m'émerveille de l’innocence et de la pureté naturelle de son visage ; de ses sourires d’une blancheur éclatante qui désarment en moi toute tentative de gronderie. De cette beauté naïve que seule l’enfance peut connaître.
Et puis, comme un cauchemar, me revient la réalité, le caractère évanescent de ces petits moments de bonheur, les années qui passent, l’adolescence, puis le coup de grâce, le passage à l’âge adulte. Les responsabilités, les désillusions, les compromis. Toutes les petites trahisons à ses idéaux, les soumissions et les frustrations souvent nécessaires pour garder son emploi, son conjoint, sa place dans la société.
L’âge adulte nous arrache à la beauté de l’enfance et nous aspire peu à peu, comme une main invisible agrippant nos pieds en les tirant vers le bas.
J’allume une cigarette et tente de chasser ces idées sombres de mon esprit. Après tout, je suis un être humain, la peur et le doute font partie de moi comme de tout un chacun, je suppose que c’est ce qui nous caractérise et explique notre comportement.
Quand je pense à tout ça, je réalise à quel point mes petits soucis sont dérisoires.
Enfin bref, envers et contre tout, je vais faire de mon mieux pour savourer l’instant présent, sans chercher de sens à ma vie, ni me focaliser sur ma finitude.
Assis sur un caillou, je regarde jouer ma fille. Au-delà de la falaise, la mer rugit.
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