Chapitre 4 - Desdemona

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- Desdemona !

Une grimace se dessina sur mon visage. Était-il possible de détester autant un prénom quand il nous appartenait ? Mon père débarqua dans ma hutte. Ses longs cheveux noirs, retenus dans une lanière, se balançaient dans son dos. Ses yeux me scrutèrent, comme à son habitude.

- Qu’est-ce que tu fais encore là ?

Je lâchai ce que je tenais dans les mains, me levai en toute hâte et m’inclinai. Les coudes pliés et les paumes ouvertes en direction du ciel, comme le veut nos coutumes. Mes cheveux roux tombèrent en bataille devant mon visage.

- Je me prépare pour la fête, comme il m’a été demandé de faire, Obbaansam.

- Tu as fini toutes tes tâches ? demanda mon interlocuteur sèchement.

- Oui.

- Je te veux prête dans cinq minutes.

Je relevai enfin la tête pour voir mon père sur le point de quitter ma hutte.

- Je pensais avoir le temps de…

- Cinq minutes, m’interrompit-il avant de sortir.

La toile qui me servait de porte ondula encore quelques secondes après son passage, avant de s’immobiliser. Je me retrouvai à nouveau dans la peine ombre. Je me tournai en direction de ce qui, quelques instants plutôt, aurait fait un magnifique cadeau. Dans ma précipitation, tous les fils s’étaient emmêlés. Le temps me file entre les doigts. Je ne pouvais pas arriver à la fête les mains vides. Je ne voulais pas. J’aurais voulu offrir un attrape-rêve à ma petite sœur. Comme grand-mère l’avait fait pour moi.

- Grand-mère, chuchotai-je.

Mes yeux se dirigèrent en direction de mon lit. Au-dessus des coussins, pendait le fameux cadeau. Les plumes, qui ne s’arrêtaient jamais vraiment de bouger, m’apaisèrent instantanément. J’attachai mes cheveux en un geste dans une lanière de cuire. Je décrochai mon porte bonheur pour l’emballer dans une peau de lapin. J’attrapai mon sac à la volée, enfouis le paquet à l’intérieur et sortis.

Le soleil couchant m’aveugla. La main en visière, je me dirigeai sur le lieu de la fête. Une pille de buches était installée sur la place du village, elle sera allumée plus tard. En attendant, les personnes se réunissaient en petits groupes. Tout le monde était impatient que les réjouissances commencent. Je cherchai un endroit où m’isoler jusqu’au début de la cérémonie.

D’un rapide coup d’œil j’observais la scène. Les derniers préparatifs étaient en cours alors que déjà plusieurs groupes s’étaient formés. Certains zigzaguaient entre les familles qui s’étaient réunies pour l’événement et d’autres s’arrêtaient pour bavarder. Le shaman n’avait pas encore montré le bout de son nez, mais l’organisateur s’égosillait déjà sur ses jeunes sous-fifres. Une pensé compatissante me vint avant de me raviser. Ils n’en ont pas pour moi, je n’en aurai pas pour eux. Bien que je n’en veuille à personne.

Mon peuple s’étaient parés de leurs plus beaux motifs pour l’occasion. Les peintures de guerre et de chasse s’étaient transformées en peintures de fête et de cérémonie. Ce soir, nous fêtions le passage à l’âge adulte des enfants nés il y a quinze ans. Tout le monde avait le cœur léger. Tout le monde sauf mon père, pour changer. Sa « véritable » fille participait à la cérémonie et tout devait être parfait. Une cérémonie réussite est un bon présage pour la suite d’une vie.

Je soupirais avant de rejoindre le demi-cercle que formait maintenant le publique. Mon père m’interdisait de me placer du côté des familles. Ce n’était pas grave, mon but était de m’installer bien en face d’où arriverait les nouveaux adultes. Là où ma sœur pourrait me remarquer au premier coup d’œil. Je me faufilai dans la foule et une main m’attrapa le bras avant de me tirer. Ma tête heurta un torse couvert de spirales.

- Elle ne te verra jamais au milieu de la foule.

La voix grave qui résonnait encore dans ma tête appartenait à Keillen. Je le laissai me guider jusqu’à un arbre, à la lisière du cercle. Mon meilleur ami sauta sur la première branche, je devrais plutôt dire qu’il s’y envola. Il se baissa ensuite pour me soulever d’une main. Une fois bien calé je lui fis face. Mon regard rencontra ses yeux bleu électrique. Pour la première fois depuis le début de la soirée, je me sentie nue sans la peinture qu’arborait tout le monde. Je croisai les bras sur ma poitrine et essayai de reporter mon attention sur ce qu’il se passait en dessous de nous.

Le shaman faisait son entrée au son des tambours. Un masque de cérémonie cachait son visage. Ce dernier représentait une des facettes de Wakan-Tanka, le Grand Esprit. Le fond rouge donnait la force et les différents symboles noires le temps qui passait. Le jaune sur les joues représentait la joie et, comme toujours, la couronne de plume les exploits réalisés. Ce masque était porté pour aider le passage à l’âge adulte des jeûnes. Le shaman portait comme seul vêtement pagne en peau. Après un bref silence, la musique débuta. Les muscles de l’homme se tendirent et sa dance commença. Les flammes léchaient sa peau faisant miroiter les dessins inscrit sur son corps. Nos croyances disaient que l’énergie du ciel et de la terre, du feu et de l’eau glissait sur la peau grâce à ces peintures. Tournant autour du bucher, ses mouvements m’hypnotisaient. Je ne pouvais pas détourner les yeux.

Un liquide froid vint couler dans mon dos. Sursautant, je dû me mordre l’intérieur de la joue pour ne pas pousser un cri. Je voulus me retourner, mais une main m’attrapa fermement l’épaule.

- Ne bouge pas. Tu vas me faire louper.

Un flash me parvint : Keillen s’appliquant à peindre mon dos. Je le laissai faire, retenant mon envie de me tortiller sous ses coups de pinceau. Je reportai mon attention sur la cérémonie.

Un pas après l’autre, le shaman survolait le sol. Ses mouvement fluides et délicats suivaient le rythme de la musique. Je pouvais ressentir de ma branche toute l’énergie qui circulait lors de ce rituel. D’un seul coup, tout bascula. La musique changea. L’homme accéléra ses gestes. Ils devinrent plus brusques, plus puissants, moins précis. Mon cœur se synchronisa au rythme endiablé de la mélodie. Des nuages de poussière s’élevaient du sol. Des chants se firent entendre. Les couleurs tournoyaient. Les voix du peuple, celles de mes ancêtres et celles de mes descendants s’élevèrent. Mon corps tout entier vibrait. Puis, plus rien. Le noir, le silence.

- Retrouve-la !

- Dee !

Une main puissante m’attrapa le mollet. J’étais debout, sur mon perchoir. Je n’us pas le temps de comprendre ce qui m’arrivais que mes jambes me lâchèrent. Keillen me rattrapa juste avant que je ne m’écrasai le crâne au pied de l’arbre. Il m’attira contre lui et me tint fermement. Assise dans les bras de mon ami, j’essayais de reprendre mes esprits.

Mon cœur tambourinait dans ma tête. La sueur rendait mon corps poisseux. Des tâches dansaient devant mes yeux. Je me surprise à trembler. Vite, reporter mon attention sur quelque chose. Fermant les paupières, je me concentrai sur les va-et-vient qu’effectuait la cage thoracique de Keillen au rythme de sa respiration. Je sentais son cœur battre dans mon dos. Le vent faisait bruisser les feuilles de l’arbre. Doucement je me reconnectais à la réalité.

- Ça va ? s’inquiéta mon acolyte.

- Je me suis prise un coup de vision dans la tronche. Je redescends gentiment.

Il appuya sa tête contre le tronc derrière lui dans un soupire. Profitant de la chaleur de son corps, je reportai mon attention sur la cérémonie. L’homme masqué avait fini sa dance, le Grand Esprit était maintenant parmi nous. Au cœur des flammes, dans la terre sous nos pieds, il soufflait le vent dans nos cheveux et circulait dans notre sang. Wakan-Tanka était partout et approuvait le rite mis en place. Je me demandai si c’était lui qui avait déclenché ma vision.

- Mes frères et mes sœurs, commença le shaman. Ce soir, nous sommes en deuil. Il nous faut remettre au Grand Esprit ces enfants.

Glissant sur le côté, il laissa apparaître dans son sillage cinq jeunes. Ma sœur se trouvait tout à gauche. Tous étaient vêtu de blanc, la couleur de la mort dans notre tribu.

- Ces enfants, que chacun d’entre nous prote dans son cœur, vont maintenant appeler leur animalus, les animaux qui font partis de nous. Cela leur permettra d’être complet. Ils partiront entièrement et reviendront parmi nous, changé à jamais.

Le grand homme avait proclamé ces paroles sans s’interrompre pour reprendre son souffle. Tous nos regards se tournèrent à la lisière de notre village. Il ne fallut que quelques secondes pour que quatre formes apparaissent. L’une des forme vola jusqu’à nous. L’ibis rouge tourna autour de l’arbre dans lequel Keillen et moi étions perchés avant de se poser sur le bras tendu de ma sœur. Levant les yeux, nos regards se croisèrent. Un sourire illumina son visage et je la surprise même à me faire un signe de la main. Auquel je répondis par de grands gestes. J’étais si fière d’elle. Un petit singe, un tapir et un iguane avaient maintenant rejoint les jeunes. Seul une personne n’avait été rejoint par aucun animalus. Son regard fixait le feu, elle n’avait émis un geste depuis son entrée en scène. Je me demandai ce qu’elle ressentait.

- Que les parent s’approche avec les ciseaux ! ordonna le shaman.

Cinq adultes, dont mon père, se présentèrent, l’outils en main. Tous arboraient fièrement leurs peintures cérémoniales. Les arabesques partaient toutes de l’emprunte que leur animalus avaient laissé sur leur cœur. Elles suivaient les courbures du corps et mettaient en avant la musculature de chacun. Le feu se reflétait sur eux, leur donnant un air surnaturel. Chacun rejoignit son enfant. Le shaman continua, s’adressant aux cinq jeunes :

- Vous qui allez maintenant mourir, qui se sent prêt à rencontrer Wakan-Tanka en premier ?

Le seul garçon du groupe s’avança, déclarant haut et fort que ce serait lui. Le shaman l’emmena proche du feu. Il fut suivi du singe et de sa mère. L’homme sage entama une prière dans la langue des anciens. Son masque cachait toutes expressions qu’il aurait pu faire. A peine eut-il fini que le cou partit. Tel un rai de lumière, la mère fendit l’air avec les ciseaux et trancha les longs cheveux du jeune homme. Elle les jeta ensuite dans le feu. L’odeur me piqua le nez. Le shaman attrapa ensuite l’animalus, lui arracha quelques poils et les lança dans le brasier.

Un frisson me parcourt l’échine. Je me souvenais encore de cette sensation. Lorsque le grand homme avait attrapé de force mon animalus, j’eus l’impression qu’il m’avait attrapé de l’intérieur. Il tenait mon âme entre ses mains. Personne ne touchait l’animalus de quelqu’un d’autre sans le consentement des deux être. Pourtant, à chacune de nos cérémonies, le shaman les touchaient. À croire qu’il en prenait presque du plaisir.

Le jeune homme avait fait son possible pour paraître impassible. Il n’avait pas pu s’empêcher de serrer les poings. L’homme sage entama une autre prière, qui cette fois était accompagnée par la musique.

- Maintenant fais face à ton clan, à ta tribu, clama le shaman. Comment ton cœur a-t-il décidé de te nommer ?

Le silence s’installa à nouveau dans l’assemblée. Les changements de prénom était quelque chose de régulier parmi nous. En fonction de ce que nous vivions, de comment nous évoluions, nous avions le droit de le modifier. Il nous fallait toute fois une bonne raison de le faire. Lors du rite de passage à l’âge adulte, c’était automatique.

- Appelez-moi désormais Aymen, le chanceux.

Une lueur pleine de conviction brillait dans ses yeux. Il le savait, il était désormais adulte. La foule proclama son nom sous les applaudissements. Un prénom était choisi pour sa signification. Il était censé nous représenter.

- Au moins il ne prend pas la grosse tête, me moquai-je à Keillen.

Sa cage thoracique fit des à-coups, il se retenait de rire. Aymen retrouva sa place et l’une des jeunes filles prit le relais. Le même procédé s’en suivit : prière, couper les cheveux, quelques poils de tapir, le tout dans le feu, prière à nouveau. Elle se prénommait désormais Iris, l’arc-en-ciel. Vint le tour de ma sœur. J’étais si fière d’elle. Ses longs cheveux noirs venaient lui chatouiller les pieds. Elle se tenait droite et attendait patiemment que le shaman finisse ses prières. Notre père lui coupa les cheveux aux épaules. Mon corps se tendit. J’avais envie de crier qu’on ne coupait pas une aussi belle chevelure, même si c’était pour un rituel. On m’aurait juste traitée une fois de plus de paria et ma sœur aurait quand même finit avec une coupe au carré.

- Je m’appelle Galina, éclat du soleil.

La tribu l’acclama. Ma petite sœur se prénommais Galina. Le sourire qui illuminait mon visage n’était que la pâle copie de celui qu’arborait ma sœur. La fille qui suivit se présenta sous le prénom de Mae, chef. Rien d’étonnant venant de la fille du chef de la tribu. Tout le monde savait qu’elle aspirait à ce rôle. Il ne restait qu’un jeune à passer. Elle s’avança, suivie par son père. Des chuchotements traversèrent l’assemblée. Elle n’avait pas d’animalus. La cérémonie se déroula comme pour les quatre autres. Seulement, elle ne put pas choisir son nouveau prénom, elle n’en avait pas le droit.

- Appelez-la désormais Ziegle, l’aveugle, résonna la voix de son père.

Le silence suivit l’annonce. Pas d’acclamations, pas d’applaudissements, rien. Juste des têtes qui se détournent et des regards en biais. Je n’aurais pas voulu être à sa place. Même ma situation de merde était moins à plaindre. Au moins j’avais un animalus, au moins j’étais complète. Après un énième chant du shaman, la cérémonie se clôtura.

Je tournai la tête et croisai le regard de Keillen. Ce dernier me sourit, la fête allait pouvoir commencer. Je sautai de notre perchoir et traversai la foule. Je m’arrêtai à quelques pas de Galina, attendant que notre père ait fini de la féliciter. Je serrai la lanière de ma sacoche dans mes mains. Je me retenais de sautiller sur place tellement j’étais excitée. Ce n’était pas tous les jours que l’on assistait à la renaissance de sa petite sœur. Mon père s’éloigna enfin. Je la pris dans mes bras sans attendre.

- Galina, éclat du soleil, tu fais maintenant partie des adultes !

- Dee ! Je t’ai vue dans l’arbre. J’ai cru que tu serais dans le publique.

Elle me rendit mon accolade. Je lui expliquai que c’était Keillen qui m’y avait tiré. Je lâchai Galina pour lui tendre mon cadeau. Elle déballa rapidement la peau de lapin pour découvrir l’attrape rêve qui y était caché. Elle lança vers moi des yeux étonnés.

- C’était pas celui…

J’hochai la tête. « Tu es sûre » demanda-t-elle encore. Je lui affirmai que rien ne me ferait plus plaisir qu’elle acceptait ce cadeau.

- Grand-mère est là, dis-je en pointant ma poitrine. Dans nos cœurs. Ça me suffit de la savoir auprès de nous.

- Merci ! Je n’aurais pas pu rêver de meilleur présent.

Keillen nous rejoignit. Il offrit un collier, fait d’un cordon et d’une pierre rosée, à ma sœur. Elle l’accepta volontiers.

- File rejoindre les autres maintenant, ajouta-t-il dans un sourire.

Galina ne se fit par prier. Elle me serra une dernière fois dans ses bras, salua mon ami et partit sans demander son reste. Elle allait rejoindre les nouveaux adultes. La suite du programme était très simple : faire la fête jusqu’au petit matin. Danser, chanter, boire, manger et procréer, la soirée s’annonçait mouvementée. Galina allait très certainement vivre sa première cuite ce soir.

D’un commun accord, Keillen et moi volâmes chacun une gourde d’alcool. Mon ami m’invita ensuite à passer la soirée dans sa hutte, ce que j’accepta avec joie. Nous traversâmes le village. Des feux avaient été allumés ici et là, où les gens se réunissaient. J’aperçus Ziegle entrer dans sa hutte. J’eus un pincement au cœur : personne ne voulait d’elle. La toile qui recouvrait l’entrée s’agita quelques instants encore après son passage. Me laissant guidée par Keillen, je me retrouvai rapidement chez lui. Je m’installai sans attendre sur les peaux qui recouvraient le sol. Mon ami alluma quelques bougies et s’installa à mes côtés. Ses yeux bleus scrutèrent les miens. Je commençai à m’agiter. J’attrapai une gourde, l’ouvris et pris une longue gorgée d’alcool.

- Tu vas me dire ce que tu as vu ? finit-il par demander.

Je faillis m’étouffer alors que le liquide glissait dans ma gorge. Pourquoi revient-il sur le juste maintenant ? Il attendit patiemment que j’aie fini de tousser.

- Je n’ai rien vu, affirmai-je.

Ce qui était vrai. Le bal de couleurs m’avait empêché de distinguer quoique ce soit d’intéressant.

- Je veux voir, insista mon ami.

Il avait maintenant sa main posée sur mon épaule. Je compris que la fuite n’était plus une option. Je lui transmis alors ma vision, tel que je m’en souvenais, par télépathie. Ce lien qui unissait tous les métanimus de la tribu, toutes les personnes ayant un animalus. C’était le moyen de communication le plus utilisé. Pouvoir transmettre des images, des sons, des sensations, des pensées, des paroles enrichissait les discussions. Keillen cligna des yeux, il analysait ce qu’il venait de recevoir.

- C’est très confus. Je ne comprends pas ce que tu es censée en tirer.

- Comme ça on est deux, ajoutai-je en secouant la tête.

- Qui ou quoi dois-tu retrouver ? demanda-t-il presque pour lui en fronçant les sourcils.

J’aurais bien aimé pouvoir lui répondre. Seulement, les esprits ne me donnaient rarement plus d’indices. Il fallait que je scrute les signes, ou que j’attende une autre vision pour avoir plus de précisions. Pourquoi devaient-ils toujours aller par énigmes ? J’aurais aimé réussir à contrôler mon pouvoir. Déclencher des visions à volontés, sentir quand elles arrivaient, les rendre plus claires. C’était pour cela qu’avec Keillen nous passions beaucoup de temps à m’entraîner.

Je laissai échapper un soupire et m’appuyai sur le lit derrière moi. J’avalai une autre gorgée d’alcool. Le liquide âcre glissa dans mon œsophage.

- J’ai de la peine pour Ziegle, déclarai-je.

- Pourtant elle n’a rien à t’envier.

Keillen me pris la gourde des mains et bu un peu de son contenu. Il fit la grimace. Je ne pu m’empêcher de me moquer.

- Il est vraiment pas bon cette année, ralla-t-il. Qu’est-ce qui te touche chez Ziegle, l’aveugle ?

Je lui transmis ce que j’avais vu sur le chemin. Elle était si seule. Mon ami me rassura, ce n’était pas ma faute si elle était incomplète. Je compatissais à sa solitude, mais l’aveugle c’était elle, pas moi. Nous continuâmes de boire et de discuter jusqu’à tard dans la nuit. Je finis par m’endormir sur les peaux dans la hutte de mon ami.

Le chant des oiseaux m’extirpa de mon coma au petit matin. J’ouvris les yeux péniblement alors qu’un mal de crâne me sillait la tête. Sans réveiller Keillen qui dormait à mes côtés, je sortis sur la pointe des pieds. Personne n’était encore debout. La plupart des gens avaient trouvé refuge dans les huttes, mais certains comataient autour de feux qui s’étaient éteint il y avait plusieurs heures. Je me rendis à la rivière qui coulait non loin du village pour me débarbouiller. Je croisai mon animalus sur le chemin. C’était un magnifique fennec du nom de Nenva. Elle m’accompagna jusqu’au cours d’eau.

Les animalus vivaient en marge du village. Ils furent avant tout des animaux, ils avaient besoin de liberté. Nous les appelions quand nous partions chasser, lors des cérémonies et à d’autres rares occasions. Nenva et moi, nous nous retrouvions tous les matins. C’était notre petit rituel bien à nous.

- Comment vas-tu aujourd’hui ? la questionnai-je.

Je reçu en réponse une ribambelle d’informations. Comme tous les jours, je pris le temps de les trier. Ses activités principales se résumaient à la chasse, à la protection de son territoire et à dormir. Elle me transmit qu’elle était avec moi lors de ma vision du jour précédent. Elle semblait perturbée. J’avais toujours l’impression qu’elle comprenait plus nos visions que moi.

Je me déshabillais pour entrer dans l’eau froide. Je reçu une image de mon dos de la part du fennec. Le travail de mon ami était magnifique. Les courbes qu’il avait dessinées et les couleurs qu’il avait utilisées formaient un tableau complexe. Gravant l’image dans mon esprit, je plongeai entièrement dans l’eau. Je regrettais de devoir effacer la peinture, mais la cérémonie était maintenant finie.

Après m’être nettoyée, je sortis de l’eau et enfilai mes habits. Il était temps pour moi de commencer mes tâches de la journée. Je ne pensai pas à la montagne de choses que j’avais à faire, cela m’aurait découragée. C’était quelque part ma punition pour ne pas être née au sein de la tribu.

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