Chapitre 2 La Crypte

8 minutes de lecture

Une semaine plus tard, nous étions prêts à entreprendre l’exploration des galeries. Il nous avait fallu un certain temps pour nous décider de la marche à suivre et du matériel adéquat. Il était hors de question que l’on se perde dans ces galeries sinistres et que l’on meurt d’épuisement à force d’errer à tâtons dans l’obscurité froide. Nous avions donc dressé une liste de points à prendre en compte. Le premier point était l’absence de lumière. Pour y remédier, nous avions acheté chacun une lampe frontale, ainsi que deux lampes torches et plusieurs piles. Cela représenté un petit budget mais aucun de nous ne voulait se retrouver piégé dans le noir total. Le deuxième problème majeur allait être la difficulté à s’orienter. Nous ignorions encore comment les choses se présentaient plus loin dans la galerie mais mieux valait ne pas se perdre, surtout qu’à cette profondeur nos téléphones ne captaient plus. Pour cela, nous avions opté pour plusieurs sécurités. La première sécurité était la technique classique du fil d’Arianne. Chacun de nous serait relié à une bobine de fil épais, elle-même attachée à un anneau présent à l’entrée de la cave. Ainsi nous aurions qu’à remonter le fil pour retrouver notre chemin. Pour nous sécuriser un peu plus, nous avions décidé de prendre un petit pot de peinture rouge chacun, afin de baliser notre chemin et de mettre des X sur les potentiels chemins à ne pas prendre. Voilà pour les grandes lignes. Pour le reste, nous avions convenu de nous équiper chacun d’un sac à dos contenant tout le matériel de survie classique : couteau, bouteille d’eau, trousse de secours… Enfin, nous avions trouvé rassurant d’emmener chacun un pied de biche, autant pour son utilité potentiel en tant qu’outil qu’en tant qu’arme. C’était donc solidement équipé et chaudement vêtu que nous apprêtions à descendre à nouveau dans la cave, prêt à révéler au monde les mystères enfouies de la cité clermontoise.

Une fois les dernières recommandations données à nos proches et notre fil d’Arianne bien arrimé, nous nous enfonçâmes une fois de plus dans les ténèbres. Il nous fallut d’abord quelques minutes pour finir de dégager l’accès, puis nous enjambâmes les détritus restant pour pénétrer dans le couloir. La repoussante odeur de moisis propre aux lieux clos et humides nous assaillit immédiatement les narines et Jordan se stoppa après avoir parcouru moins d’un mètre « Tiens regarde ! Ces planches là qui trainent. C’est bizarre non ? On dirait que quelqu’un a essayé de dégager l’accès, mais de ce côté-là. ». C’était vrai en effet, et pour le moins dérangeant. Plusieurs débris trainaient ça et là dans le couloir, comme si quelqu’un avait tenté de déblayer l’obstacle mais de l’intérieur. Et pendant un instant, je ne pus qu’imaginer l’angoisse qu’avait dû ressentir les personnes prisent au piège au cours de leur séance d’urbex. Quel cauchemar qu’avait dû être le leur, de trouver la sortie bloquée.

- Imagine si on se retrouves nous aussi coincé dans ces caves, perdu sous terre, dans le froid et le noir ! Lui disais-je, afin exorciser mes craintes.

- M’en parles pas ! Je deviendrai fou avant même que les secours aient eu le temps d’arriver ahahah ! Enfin, évitons quand même de trop se séparer hein.

Nous préférâmes ne pas imaginer d’avantage ce qui pourrait nous arriver en cas de problème et nous mirent fin à cette conversation. Mieux valait ne pas trop se faire peur pour l’instant, après tout notre expédition commençait à peine.

Le couloir que l’on avait dégagé était long et étroit, et il descendait en pente douce sur plusieurs dizaines de mètres. Il y faisait désagréablement froid et l’humidité était présente partout et suintait des parois. Par endroits, les murs et le plafond se rapprochaient subitement, et je ne puis m’empêcher de frissonner à l’idée de me retrouver coincé au milieu de nul, plusieurs mètres sous la surface. J’avais vu ces vidéos de spéléologues, s’engageant dans des boyaux étroits et se retrouvant bloqués après un faux mouvement, incapables de faire le moindre geste. Je savais que ma santé mentale n’y résisterait pas, et étant moi-même un peu claustrophobe, il me fallut vraiment lutter de toute ma volonté pour continuer d’avancer. Çà et là, le couloir présentait de petites intersections, mais nous décidâmes de ne pas les prendre. Elles étaient très souvent impraticables, soit trop étroites, soit trop abimées pour être empruntées. D’autres semblaient remonter en surface, et devaient surement nous conduire aux caves des immeubles voisins. Nous les barrâmes d’une croix de peinture rouge pour mieux baliser notre chemin. Nous traversâmes également plusieurs petites pièces mais elles étaient complètements vides et dénuées d’intérêts.

Nous avions marché plus de quatre cents mètres environ, ce qui était déjà beaucoup en considérant que nous étions sous terre et dans le noir complet, lorsque nous atteignîmes une salle si vaste que nos lampes frontales ne purent entièrement l’éclairer. Cette incroyable découverte nous laissa stupéfait. Bien qu’il fût impossible d’en expliquer la raison, il était évident que cet endroit était bien plus ancien que tous ce que nous venions de rencontrer jusqu’à présent. C’était une pièce ronde, grande comme un amphithéâtre, haute de plus de trois mètres, et d’où converger une douzaine d’autres couloirs comme celui que nous venions d’emprunter. Mais sa singularité ne s'arrêtait pas là. Son architecture était impressionnante, avec d’innombrables arches de pierres sombres qui jaillissaient autour de six colonnes cyclopéennes taillées à même la roche, disposées en un cercle parfait. Le sol et le plafond semblaient avoir été parfaitement polies et luisaient à la lueur de nos lampes si bien qu’on eut dit que la pièce baignait dans un étrange halo fantomatique. « Nom de Dieu… » laissa échapper Jordan, les dents serrées par un mélange de peur et d’excitation. « Je crois bien qu’on vient de foutre les pieds dans une sorte de crypte ou je ne sais pas quoi… ». Et il avait raison, ce lieu ressemblait fortement à une foutue crypte. Mais alors si c’était bien une crypte, ça voulait dire qu’il devait y avoir…une tombe ?

Un affreux sentiment de malaise commençait lentement à me gagner. C’était une sensation insidieuse et presque palpable, qui glissait doucement en moi. J’en frissonnais, le dos gelé par l’humidité ambiante et ma propre transpiration. Une petite voix me susurra à l’oreille que je n’avais rien à faire ici, que je n’aurais jamais dû mettre les pieds dans ce tombeau, que je devais repartir, vite. Jordan lui, s’était éloigné de quelques pas pour mieux observer la pièce et je dus réprimer violemment l’envie de prendre mes jambes à mon coup et de l’abandonner sans vergogne dans ce souterrain glacial. Puis, serrant un peu plus fort mon pied de biche pour me donner un semblant de courage, j’avança prudemment entre les monstrueux piliers qui gardaient le centre de la pièce. « Ah ! » Je sursautai en lâchant un peu cri étranglé qui attira l’attention de mon ami. Là, à quelques mètres devant moi, était disposé à même le sol un inquiétant cercle de bougies. De toute évidence certaines avaient été utilisées plusieurs fois et d’autres devaient être récentes. Très récentes même, car je percevais à présent cette odeur suave et latente d’encens. Il m’avait bien semblé sentir quelque chose en pénétrant dans la crypte, mais j’avais alors été bien trop fasciné par la structure même de la pièce pour y prêter attention. « Oh bah merde alors, et c’est quoi ce truc au milieu ? » me chuchota Jordan, dont la voix légèrement chevrotante trahissait également sa peur, et il me désigna d’un rapide geste de la tête une masse noir que je n’avais pas encore aperçu. En effet, au milieu du cercle de bougies se tenait un autre cercle, plus petit encore, dont les bords avaient été sculpté dans une pierre volcanique lisse et si noir que nos lampes ne semblaient même pas l’éclairer. Et refusant d’écouter les hurlements d’avertissements de mon cerveau reptilien, j’approchai alors doucement de cet anneau de pierres noirs. Il me fallut franchir encore quelques mètres pour enfin voir ce qu’était cet étrange édifice érigé au centre de cette affreuse pièce. C’était un trou. Un trou dans la roche d’environ deux mètres de diamètre, cerclé de pierres, et qui disparaissait si loin dans les abysses que même ma lampe torche pourtant puissante ne parvint à en éclairer le fond.

Pris de vertige, je reculai à la hâte de cette horrible ouverture sur les ténèbres alors que Jordan, lui, s’en approcha lentement pour tenter de percevoir le fond.

- Bon, bon, je te propose que l’on fasse un maximum de photos, et on fout de camp d’ici hein ? Je ne me sens pas très à l’aise dans cet…euh…crypte et j’aimerai bien que l’on ne traine pas d’accord ? Proposais-je, dégainant mon téléphone.

- Oui oui… Jordan répondit d’une voix absente, trop occupé qu’il était à tenter d’apercevoir le fond de la fosse à la lueur faiblissante de sa lampe torche. Mais quand même, c’est fou ce trou. Tu crois qu’il a été creusé par l’Homme ? Un truc comme ça, si droit, si profond, ça ne peut pas être d’origine naturel, si ?

- On aurait tous le temps de se renseigner sur notre découverte et d’y retourner si besoin, tu ne cro…

- Aaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhh

Son hurlement fut le plus abjecte et le plus terrifiant qu’il m’ait été donné d’entendre et je jure avoir senti mon cœur s’arrêter l’espace un d’instant. Me retournant, j’éclairai brièvement son visage, juste assez longtemps pour discerner la terreur absolue dans ses yeux fous. Me bousculant, il jeta son pied de biche et se mit à courir comme un possédé vers l’accès que nous avions emprunté un peu plus tôt. « Jordan, Jordan attends ! » Mais c’était déjà trop tard, sa lumière disparaissait dans le couloir. Sans demander mon reste, je me mis également à courir sur ces talons, il était de toute façon hors de question que je reste seul dans ce lieu affreux. S’il nous avait fallu presqu’une heure pour faire le trajet aller, nous mîmes moins de dix minutes pour retourner aux caves sous mon appartement. Remontant péniblement les dernières marches, en nage et à court de souffle, je le retrouvai là, affalé contre la porte d’entrée de l’immeuble, le visage baignant dans la lumière du soleil. Il était livide, encore plus blanc qu’un mort, et ses yeux balayaient à droite et à gauche sans jamais parvenir ni à se fixer ni à s’arrêter. « Mais enfin bon dieu, qu’est ce qui t’as pris ma parole ? Tu viens de me faire la peur de ma vie ! ». Son regard s’arrêta enfin sur moi, comme s’il me voyait pour la première fois. « J’ai… j’ai… j’ai vu… Il y…Il y avait… Il y avait quelque chose dans le… dans le trou… Quelque chose qui m’a vu… ».

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Athyrion ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0