L'avènement d'une nouvelle ère [partie 2]

8 minutes de lecture

 Les colonnes de fumée qui s’élevaient de la ville en contrebas obscurcissaient le ciel. Les rues étaient parsemées de lueurs rougeoyantes qui faisaient danser des ombres sur les murs des maisons. De leur hauteur, ils voyaient des dizaines de silhouettes détaler dans tous les sens. Certains tambourinaient sur les portes des bâtiments clos dans l’espoir de trouver refuge, d’autres se ruaient si vite en direction des sorties de la ville qu’ils piétinaient sans s’en rendre compte les villageois les moins chanceux.

Nos deux héros furent épouvantés devant ce tableau cauchemardesque. En peu de temps, les hurlements parvinrent à leurs oreilles. Ce qu’il se passait en bas n’était pas un simple incendie, quelque chose de bien plus dangereux se déroulait. Daenara prit une grande inspiration puis s’adressa à Heiric :

- On n’a pas le choix. Si nous restons ici, c’est le feu et les cris qui viendront à nous. Il faut faire face, dit-elle en remettant son arc et ses flèches dans son dos. Peut-être qu’on n’y arrivera pas, mais il faut essayer, termina-t-elle en regardant l’horizon.

Heiric la fixa un instant avant de lui aussi regarder ce qui se déroulait sous ses yeux. Il serra ses doigts autour du pommeau de son épée puis se tourna vers son amie et acquiesça d’un air décidé avant d’entamer leur descente.

Plus ils se rapprochaient, plus ils entendaient les cris des habitants résonner dans la ville. Ils pressèrent le pas, si bien qu’ils manquèrent à quelques reprises de chuter le long de l’escalier de marbre. Ils arrivèrent finalement au bas des marches, le souffle court.

 Là où tant de gens festoyaient la veille, ils faisaient aujourd’hui face à une place déserte, recouverte de lambeaux de banderoles entachées de sang, jonchées des corps des habitants. Ils n’eurent cependant pas le temps de s’attarder car un cri, plus strident encore que tout ceux qu’ils avaient entendus jusqu’à présent, s’éleva depuis la ruelle qui leur faisait face. Dans un élan commun, ils foncèrent en direction de l’appel à l’aide. Ils tombèrent alors sur deux hommes, l’un qui tenait à la gorge une jeune femme tandis que son associé assénait de coups de pieds un vieil homme. Ce dernier fut rapidement neutralisé par Heiric qui le plaqua contre un mur et Daenara envoya une flèche se loger dans le dos du second qui lâcha la jeune femme en tombant à la renverse. La jeune elfe se précipita vers la femme en pleurs et la rassura tant bien que mal.

L’agresseur qu’Heiric tenait tenta de s’échapper mais le jeune homme lui enfonça le bout de son épée dans la cuisse, lui arrachant un cri de douleur.

- Qu’est-ce qu’il se passe ici ?! s’écria Heiric, furieux.

L’homme qu’il maintenait contre le mur afficha un sourire édenté et, malgré la douleur de la lame plongée dans sa chair, s’agita de plus belle, tentant d’échapper à l’emprise du guerrier. Mais Heiric enfonça sa lame un peu plus et enchaina :

- Réponds-moi ! Et si tu tentes encore une fois de t’échapper, tu devras te trouver une nouvelle jambe !

L’homme lui adressa un regard empli de défi avant de lui cracher au visage. Le sang d’Heiric ne fit qu’un tour. D’un geste vif il lui sectionna la jambe et le laissa tomber. Il vint ensuite planter son épée d’un coup sec dans son torse et s’appliqua à essuyer sa lame contre le haillon que portait le cadavre.

De son côté, Daenara avait pris soin d’aider le vieil homme à se relever. Lui et la jeune femme étaient en train de la remercier quand celle-ci les coupa :

- Que se passe-t-il ici ?

- C’est la panique depuis que les hommes encapuchonnés ont envahi la ville. Ils répandent le feu sur leur passage, détruisent nos maisons, tuent tous ceux qui leur barre la route…ils ont décimé notre famille…Ils sont entrés, on a eu le temps de se cacher mais….

L’elfe posa une main dans le dos de la jeune femme qui se mit à sangloter sur son épaule. Le vieil homme reprit la parole :

- On ne peut rien faire contre eux…Ninvaldir est condamnée…Il faut fuir, tout de suite !

Alors que la jeune femme allait répondre, une bourrasque enflammée emporta violemment le toit d’une maison. Instinctivement, la jeune femme protégea les deux inconnus en les faisant se baisser, tandis que Heiric se plaqua contre le mur, le bras devant le visage. Une fois l’explosion passée, celui-ci rejoignit son amie :

- Partons d’ici ! Nous allons vous escorter jusqu’aux portes de la ville. Restez près de nous, nous vous protègerons.

 Sur ces mots ils quittèrent la ruelle puis se dirigèrent vers la Grande Place afin de rejoindre l’entrée par laquelle ils étaient arrivés. Les rues qu’ils parcouraient étaient parsemées de copaux de bois fumants, de bris de verre tranchants et parfois même de corps sans vie. Cette ville qui était auparavant si accueillante s’était transformée en un véritable tableau macabre. Ils arrivèrent rapidement sur la Grande Place où ils furent happés par une foule en panique.

Les hommes et les femmes hurlaient, les enfants pleuraient, les habitations brûlaient : tout n’était que chaos. Perché sur le bord de la fontaine, au centre de la place, un homme à la carrure massive haranguait qui voulait bien l’entendre :

- Les créatures nous font payer nos erreurs passées ! Elles viennent se venger ! Prenez vos armes ! Protégeons notre cité !

Une poignée de villageois s’agglutinait autour de lui, exprimant leur accord en levant au-dessus de leurs têtes ce qu’ils avaient trouvé pour se défendre.

Daenara et Heiric étaient bousculés par les habitants affolés qui se ruaient dans toutes les directions. Ils tentèrent de se frayer un chemin à travers cette cohue, suivis de près par les deux villageois qu’ils avaient sauvé. En voyant cette effusion de terreur, la jeune femme qui les accompagnait s’effondra en sanglots. Dans le tumulte, Heiric ne s’en aperçut pas et continua d’avancer avec le vieil homme. C’est Daenara qui s’approcha de la jeune femme et lui dit d’une voix douce :

- Sois forte.

Voyant que la jeune femme ne répondait pas, elle posa ses mains sur ses épaules et lui demanda :

- Comment t’appelles-tu ?

- Lydia…répondit-elle en réprimant un sanglot.

- Ecoute Lydia, moi aussi j’ai perdu des êtres chers, et j’ai appris une chose, c’est qu’il faut faire de la tristesse une force qui te pousse à avancer. Puis si tu meurs, plus personne ne sera là pour faire perdurer le souvenir de ta famille, alors tu dois vivre.

L’elfe se redressa alors et tendit sa main en direction de la jeune femme. Celle-ci leva la tête et regarda Daenara avant d’essuyer ses larmes et de glisser sa main dans la sienne. Une fois debout, Lydia regarda autour d’elle et eu un sursaut de panique :

- Où sont-ils passés ? demanda-t-elle.

Pris dans le mouvement de la foule, Heiric et le vieil homme ne s’aperçurent pas tout de suite que le groupe s’était séparé. Dans leur élan, ils traversèrent tant bien que mal la Grande Place afin de rejoindre une rue adjacente qui mènerait aux portes de la ville. A bout de souffle, le vieillard agrippa le bras d’Heiric et lui dit d’une voix haletante :

- Attendez jeune homme…Je ne suis plus aussi en forme que dans ma jeunesse.

Heiric s’arrêta puis mit le bras du pauvre homme derrière son cou pour le soutenir. C’est à ce moment qu’il se rendit compte de l’absence des jeunes femmes. Cependant, ils ne pouvaient pas rebrousser chemin, ils risqueraient de perdre du temps.

- On ne peut pas attendre ici, dit le vieil homme. Ma nièce est entre de bonnes mains, j’ai confiance en votre amie.

Le guerrier acquiesça et à l’instant où il se remit en route, ils entendirent une voix s’élever parmi la foule.

- Oncle Erbert ! s’écria Lydia, suivie de près par Daenara.

Pendant que Lydia serrait son oncle dans ses bras, Heiric s’approcha de l’elfe :

- Où étiez-vous ?

- On a eu un petit contre temps. Tout va bien.

Soudain, Daenara se crispa et plaqua ses mains contre son ventre, pliée en deux. Elle réprima un cri de douleur tandis que ses marques se faisaient de plus en plus apparentes. Conscient de l’origine de l’état de son amie, Heiric voulut se pencher vers elle mais elle se releva rapidement et le rassura d’un geste de la main.

- Je vais bien…Continuons. répliqua-t-elle.

Ils se remirent en route, continuant de se frayer un chemin entre la foule en panique. Après quelques minutes, ils furent de nouveau surpris par une explosion à quelques mètres d’eux. Le choc les avait fait reculer et les débris barraient à présent le chemin. N’ayant pas d’autres choix, ils firent demi-tour et prirent une ruelle adjacente dans laquelle ils ne tardèrent pas à entendre des cris aigues. Sans réfléchir, ils se dirigèrent vers l’origine de ses bruits puis découvrirent une petite fille en larme, couverte de cendres.

- Mon…mon papa…il est coincé…dit-elle en sanglotant, un petit lapin en peluche serré contre elle.

Erbert et Lydia s’approchèrent de la petite fille et la portèrent à quelques mètres de la maison devant laquelle elle était pour la mettre à l’abris. Daenara et Heiric rentrèrent dans l’habitation qui venait d’être balayée par le feu.

L’elfe se couvrit la bouche et le nez avec un pan sa cape tandis que le jeune homme plaqua son bras contre son visage. Ils avancèrent avec vigilance à travers les débris enflammés, balayant la pièce du regard à la recherche d’une éventuelle victime. Malgré le ronflement assourdissant des flammes, ils perçurent une plainte qui provenait de la pièce qui leur faisait face. Heiric dégagea le passage à l’aide de son épée puis ils s’approchèrent d’un homme qui gémissait de douleur, coincé sous une poutre. Nos deux héros, dans un effort commun, soulevèrent avec difficulté la planche de bois massive et l’homme, de nouveau libre de ses mouvements, s’extirpa. Ils laissèrent tomber bruyamment la planche puis aidèrent l’homme à rejoindre sa fille à l’extérieur.

Lorsqu’elle vit son père sortir des décombres, la petite fille se jeta dans ses bras. Après avoir serré sa fille contre lui, l’homme s’inclina sobrement devant Heiric et Daenara :

- Si vous n’aviez pas été là je n’aurai pas pu voir grandir Eleanor…Merci pour tout.

Heiric sourit timidement mais Daenara ne s’attarda pas son temps en politesse et s’adressa d’un ton strict au groupe :

- Allons-y, la sortie n’est plus très loin.

Le groupe continua sa traversée de la ville, évitant les confrontations avec les brigands qu’ils croisaient. Sur leur route, ils parvinrent à sauver quelques habitants en difficulté. Certains coincés par les flemmes, d’autres attaqués par des pilleurs : chaque personne qu’ils avaient rencontrée les suivirent jusqu’à enfin arriver aux portes de la ville. Tout ceux qui les accompagnaient se hâtèrent de traverser le pont afin de rejoindre la forêt qui entourait la ville, se mêlant ainsi au reste de la population qui avait réussie à s’enfuir.

Daenara et Heiric s’apprêtèrent à les suivre lorsqu’une nouvelle crise agita le corps de la jeune elfe qui cette fois-ci s’effondra au sol, se tenant la tête entre ses deux mains, ses marques plus luminescentes que jamais :

- Quelque chose approche…C’est…Trop…

Avant même que son compagnon ne puisse répondre quoi que ce soit, la ville entière fut parcourue d’une puissante secousse énergique qui les projeta violemment contre les remparts de Ninvaldir.

Annotations

Vous aimez lire Heirinara ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0