Réponse à "19ème siècle"

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Saisi par le froid de ce petit matin de décembre, je remonte mon col. Six heures quarante-cinq. Malgré un léger brouillard, je distingue encore la forme des collines qui nous entourent. Des colonnes de fumée, un peu plus loin, indiquent qu’un campement se situe probablement à un ou deux kilomètres, pas plus. Tout est calme. Même les oiseaux ne chantent plus. L’uniformité grisâtre du ciel alourdit l’atmosphère ambiante.

Je regarde à droite et à gauche. Je vois mes camarades. Quand ils respirent, de la buée se forme au contact de l’air. Pas un mot. Personne n’ose parler. Aucun d’entre nous n’a dormi cette nuit. Un mélange de peur et d’excitation. Nous nous remémorons les paroles de Legrand aux premières lueurs de l’aube. Nous devons tenir coute que coute. L’ennemi va nous assaillir. Des messagers nous ont prévenus que les Autrichiens avaient amorcé les manœuvres vers quatre heures. Ils ne vont pas tarder à nous arriver dessus.

Un grondement se fait entendre au loin. Le son s’amplifie. Aucun doute, dans quelques minutes, la bataille commencera. Les regards se fuient. Je ferme les yeux pour profiter des derniers instants de calme. Mon esprit s’envole immédiatement. Je me revois, débarquant à Boulogne-sur-Mer, deux ans auparavant…

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Comment un natif de l’Anjou a pu se retrouver ici ? Un simple concours de circonstances. Les gars d’un petit village des Mauges parti en virée à la ville. Une soirée à Cholet. Une personne sympathique qui offre à boire. Un sergent recruteur, mais nous ne l’apprendrons que plus (trop ?) tard. Il nous promet la gloire, l’aventure, l’argent, les filles, le prestige de l’uniforme. Il évite bien sûr de nous parler de l’enfer des champs de bataille, des horreurs de la guerre. Nous n’y songeons pas, mais rêvons à la vie meilleure qu’il nous fait miroiter. Une croix en bas d’un parchemin et nous voilà en route pour Boulogne-sur-Mer.

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En arrivant là-bas, nous vivons au sein d’un immense campement. Je n’avais jamais vu autant de personnes réunies. C’est complètement fou. Nous nous préparons à envahir l’Angleterre. Je me souvenais de ce jour d’aout 1804 où je l’aperçus pour la première fois. Napoléon. L’empereur de tous les Français. Une aura, un charisme incroyable. Nous étions prêts à le suivre au bout du monde. Et c’est ce que nous allions faire…

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Presque un an jour pour jour après avoir vu notre chef, nous partons. Non pas pour l’Angleterre, mais pour l’Allemagne. A marche forcée. Mais, galvanisés par la promesse de gloire, nous suivons aveuglément notre Empereur. Nous savons qu’avec notre courage, notre dévouement et son génie, nous pouvons renverser des montagnes.

Nous campons à côté du village de Telnitz, près d’Austerlitz. Le piège tendu par notre Petit Caporal est très simple. Faire croire à l’ennemie qu’ils sont en surnombre, et tenir coute que coute, en attendant Davout arrive après une marche de trente-six pour contrattaquer et prendre les armées de la Triple Alliance à revers. En attendant, nous devons résister, l’issue de la bataille dépend en partie de notre capacité à repousser les assauts de Kienmayer.

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Je rouvre les yeux. Un grand cri. Ils arrivent. C’est la troisième fois. Ils sont affaiblis. Probablement la dernière attaque avant que Davout ne lance son offensive. Nous hurlons tous d’une seule voix pour nous encourager. Nous levons nos fusils, et attendons les ordres.

Je sens un picotement dans la poitrine. Cette longue nuit à patienter et les deux premières vagues m’ont épuisé. Je baisse mon regard vers mon poitrail. Incrédule, je vois mon uniforme rougir. La fatigue m’envahit de plus en plus. Je lâche mon arme. Un voile se forme devant mes yeux. Bizarrement, je n’ai pas mal. Je tombe en arrière. J’ai l’impression que le temps s’est arrêté tellement ma chute ne semble jamais devoir cesser. Je ferme les paupières. Je me sens léger. Je me sens partir. Loin de mes camarades, loin du champ de bataille. Au cœur de mon Anjou natal. Verrais-je la fin de cette journée ? Dieu seul sait si je verrais briller le soleil d'Austerlitz.

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En réponse au défi

19ème siècle

Lancé par PrincessHavvah

Je vous propose d'écrire une nouvelle courte se déroulant au 19e siècle. À vous de choisir si vous préférez le début ou la fin du siècle. Surtout n'oubliez pas de vous éclater et de savourer chaque mot qui franchira votre plume!

Bon défi!

Commentaires & Discussions

Petit matinChapitre4 messages | 6 mois

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