Tess, Randy, Lady et les autres

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Depuis le début de l'été, j'avais déployé une grande énergie pour préparer le refuge à accueillir mes pensionnaires. Ma toute nouvelle responsabilité était certes ma fierté, mais il me fallait y consacrer des journées entières. Lorsque enfin mon travail auprès des chiens était terminé, je pouvais me consacrer à ma passion, l'écriture. Des poésies, des textes d'amour, parfois, que j'écrivais en secret. Personne ne savait que je m'adonnais à ce passe-temps qui me permettait de m'évader du quotidien. J'avais même trouvé un pseudo, Joy. Je postai ainsi mes textes de façon anonyme sur mon blog.

Les messages des lecteurs m'avaient encouragée quotidiennement à continuer sur ma lancée. Mes abonnés me réclamaient toujours plus de publications. Une tasse de thé posée à côté de l'ordinateur, je tapais sur mon clavier parfois jusqu'à minuit dans le calme de la maisonnée.

J'alimentais aussi le site web du refuge sur lequel j'indiquais les prochaines animations que je comptais organiser pour le faire vivre. Chaque animal bénéficiait d'une fiche de présentation agrémentée d'une photo, ainsi que des précisions sur les habitudes et manies du pensionnaire. Ainsi les personnes intéressées par l'adoption d'un des chiens pouvaient au préalable réfléchir à celui qui lui conviendrait vraiment en fonction de son mode de vie et de ses aspirations. La prise de contact se faisait ensuite par téléphone et la visite du lieu était possible seulement sur rendez-vous.

J'avais choisi ce mode de fonctionnement car un jour, le 27 août exactement, j'avais été agressée par un homme soi-disant passionné par les chiens qui insistait pour venir les voir immédiatement et en choisir un. Comme les adoptions n'étaient pas si fréquentes, surtout en plein été, j'avais accepté de le recevoir.

Dès son arrivée, je sentis que les choses allaient mal tourner, mon instinct me disait de me méfier, quelque chose dans son attitude me faisait présager un danger. Je me demandais comment je pourrais me défendre si jamais j'étais victime un jour d'une personne malveillante.

Aucun système d'alarme n’avait été installé, je n'avais même pas mis en place des caméras de surveillance. Je ne m'étais pas procurée non plus une bombe anti-agression. Bref, ma naïveté me faisait croire que rien de mal ne pourrait se produire et pourtant cela arriva.

Il sortit de sa voiture, un pick-up américain, un modèle voyant à double essieu, avec l'air de celui à qui on concède tout sans concessions. Sa grande stature en imposait. Sa mâchoire carrée, ses cheveux longs et gras entourant son visage et ses gros yeux globuleux ne m'inspiraient pas confiance.

— Bonjour, je suis Pietr, c'est moi que vous avez eu au téléphone tout à l'heure.

— Sandy, enchantée.

Sa poignée de main vigoureuse m'arracha une grimace. Elle laissa ma main meurtrie. Je me fis la réflexion qu'il fallait que je me débarrasse au plus vite de ce type.

— Alors, voilà mes protégés. J'en ai seulement dix car je viens d'ouvrir mon refuge. Ils n'ont donc passé que très peu de temps ici, certains seulement depuis le mois de juin. J'ai accueilli le dernier hier. Quelle race vous plairait ?

— Je voudrais un Bull-Terrier.

— J'en ai un mais il n'a pas encore ses papiers officiels car je l'ai transféré d'un autre refuge qui n'avait plus de place. Je suis navrée, il faudra attendre un mois, c'est le délai habituel pour obtenir les documents et pouvoir procéder à l'adoption dans les règles.

Tout en marchant, nous atteignîmes les différents enclos où les chiens étaient soit assis, soit couchés, dans l'attente de leur pâtée du soir. Ils étaient plutôt calmes, aucun n'aboyait. Pourtant lorsqu'un étranger arrivait, habituellement, il y en avait toujours un ou deux qui s'agitaient, tous étaient sensibles aux nouvelles odeurs et montraient leur nervosité devant un inconnu. Leur absence de réaction m'étonna.

Nous nous arrêtâmes devant un chien blanc de petite taille, au corps massif, aux yeux noirs très vifs.Il semblait costaud, résistant et fougueux. Son cou large, ses pattes courtes et sa mâchoire puissante lui donnaient la réputation d'un animal qui ne lâchait rien. L'homme le lui jeta un coup d’œil rapide.

— Ah, le voilà, je vous présente Django.

— C'est le chien que je veux, déclara l'homme sans préambule. Il faudrait accélérer la procédure. Je vous engage à mettre le paquet pour me faciliter les choses.

Il sortit son portable de sa poche et dans un geste désinvolte, qui me ulcéra tant il montrait une grande impolitesse, écrivit un message sans un regard pour moi.

Je déglutis, mal à l'aise.

— Eh bien, comme je vous ai dit, je dois respecter quatre semaines avant qu'il ne soit récupéré par une famille, c'est comme ça pour tous les chiens. Je ne peux rien faire à part vous demander de patienter. J'en prendrai soin d'ici là. Vous n'avez pas demandé son âge, vous ne voulez pas promener avec lui pour qu'il s'habitue à vous ? , dis-je intriguée par son manque d'intérêt manifeste pour le chien.

— Non, je connais cette race, c'est ce chien qu'il me faut, assura-t-il sans me regarder.

— Bien, je vais donc rester en contact avec vous . Donnez-moi vos coordonnées, ainsi vous pourrez être tenu au courant de l'avancement des choses.

L'homme ne répondit pas. Il arpentait l'espace où étaient enfermés les chiens, comme réfléchissant à quelque chose, je me demandais ce qu'il allait faire. J'avais envie de le pousser vers la sortie, il m'insupportait par son attitude suffisante et sûre de lui. Le genre d'homme que je détestais.

Tout à coup, il m'attrapa le bras, tourna la clé que j’avais laissée imprudemment sur l’un des chenils, ouvrit la porte, et en moins d’une seconde, je me retrouvai enfermée avec Charly. Stupéfaite et en colère contre moi-même, je secouai de mes deux mains la porte grillagée en poussant de toutes mes forces, en vain.

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