Servak, le bien né.

6 minutes de lecture

J'arrive enfin devant elle, faîte entièrement d'albâtre, la poignée en diamant. La porte est grande, très grande, bien trop grande pour un être comme moi.

Pourtant, je n'ai pas à rougir de ma taille.

Mon arrière grand père, Kartos, était surnommé le géant d'In-Vannah et, m'a t-on souvent dit, je tiens tout de lui. Ah ça oui, je suis fier de ma génétique, fier de mon ascendance, fier d'être issu d'une des familles les plus puissante du royaume.

Le premier de ma lignée, dont-le-nom-est-inconnu-mais-pas-les-faits, comme me le rabâchait sans cesse feu mon père, servait déjà les rois. Pas en tant que serviteur bien entendu, mais en tant que conseiller. Considéré comme le meilleur conseiller d'Armok III, l'invincible, c'est grâce à lui que le royaume d'In-vannah a pu remporter la grande bataille des ossements.

Je ne compte plus les haut-fait attribués à la famille. Un recueil initial a même été rédigé au temps du roi des roi et est depuis, mis à jour à chaque génération. C'est un devoir familial primordial pour la mémoire et la sauvegarde de l'honneur de la famille.

Feu mon père, lui, était régent. Il s'est occupé des affaires du royaume pendant 6 longues années jusqu'à ce que notre bon et bienveillant roi soit en âge de prendre ses fonctions. C'est à la fin de cette année là d'ailleurs que le Grand-Tout nous l'a repris à mère et moi pour qu'il rejoigne le royaume des morts. Mère ne l'a toujours pas accepté et d'après ce qu'on m'a dit, elle maudit chaque soir les vivants, les morts et le Grand-Tout lui même. N'ai crainte chère mère, je suis là moi.

J'ouvre maintenant la porte. Mes muscles se contractent sous l'effort de la poussée. La porte est lourde, très lourde, bien trop lourde pour un être comme moi.

Pourtant, mon allure est plutôt imposante. À 15 ans déjà, je fus nommé commandant en chef de l'armée centrale, la plus rude et la plus exigeante, physiquement et mentalement, de toutes les armées d'In-Vannah. J'arrive à l'aube de mes 20 ans et je n'ai eu à souffrir d'aucune défaite depuis que je dirige. Bien sûr, tout ne se passe pas sans séquelles. J'ai malheureusement perdu beaucoup d'hommes sous mon commandement, que leur âme guerrière puisse maintenant composer l'armée des morts. J'ai moi-même été touché à de nombreuses reprises. La main gauche, ecrabouillée sous une masse lors de la lutte des territoires il y a 2 ans. Cette même main qui m'a permis de terrasser Bok, le pyromage, l'année suivante. Tout le monde savait de quelle famille je venais mais c'est grâce à cette bataille là qu'on a commencé à me considérer pour ma personne et non pour mon nom.

A 14 ans, Je me suis fait percé de 3 flèches, une dans l'épaule, deux sur la jambe droite, près du genou. Je venais d'arriver dans l'armée centrale et mon commandant d'alors était piètre stratège. Tout le monde savait que c'était l'endroit idéal pour y poster des archers mais il a préféré ignorer ce détail pour se concentrer sur le leurre tendu quelques mètres plus loin. Mon épaule ne me fait bien heureusement plus souffrir à l'heure actuelle. Cependant, je sens encore les pointes dans ma jambes qui n'ont pu être extraite à l'époque. Mais je ne lui en veut pas, c'est grâce à cet événement que je suis devenu qui je suis aujourd'hui. Chaque jour ces pointes me rappellent pourquoi on se bat et pourquoi j'ai tout fait pour diriger la principale armée du royaume.

Je n'ai d'ailleurs mis qu'un an pour le remplacer.

Et je peux dire sans honte que grâce à moi l'armée centrale n'a plus connu de défaite depuis 5 ans. Chaque jour je prie pour la victoire, chaque soir je prie pour les morts. Et ceci continuellement, bataille après bataille.

Ah ça oui, guider l'armée centrale n'est pas de tout repos. Mais c'est un mal nécessaire pour pouvoir me montrer réellement digne de mon ascendance.

J'ai encore tant à accomplir.

Je ne sais pas où on m'a emmené cette fois,mais je n'ai jamais vu de palais aussi richement orné. Il est riche, très riche, bien trop riche pour un être comme moi.

Pourtant, on ne peut pas dire que j'ai vécu la misère une seule fois dans ma vie. Toute ma famille, que se soit du côté paternel ou du côté maternel a eu de belles fonctions. Je vivais dans le château familial jusqu'au crépuscule de mes 13 ans. C'est le second plus grand château du royaume, le premier étant bien entendu le château royal où vit actuellement notre bon et bienveillant roi. J'y vis d'ailleurs moi aussi depuis 5 ans déjà, dans la partie réservée aux officiers de haut-rang. Et, sans me vanter, je pense avoir hérité de la plus belle et spacieuse chambre qu'il ai été possible de me proposer.

L'argent de la famille est entreposé dans un gigantesque coffre, au centre du château familial. Tout le monde connaît l'importance du centre en ce monde, pas besoin d'en parler d'avantage. Cependant, même si j'aime le luxe, l'argent est pour moi, un fardeau. Il déclenche des guerres inutiles et à réduit en cendre l'honneur de nombreuses familles. Pour moi, c'est l'honneur qui prime et c'est là la plus grande richesse de notre famille. Quand je retournerai vivre au château ce sont les portraits de nos ancêtres et le recueil des haut-fait que je placerai au centre, à la place du coffre.

Je compte rentrer rapidement, après la cessation des guerres.

J'ai à peine eu le temps de m'extasier de la beauté des lieux qu'un domestique m'accueille. Il ne ressemble pas aux domestiques d'In-Vannah. Avec sa longue barbe et sa toge blanche il a tout de l'attitude de quelqu'un de sage, très sage, bien trop sage pour un être comme moi.

Pourtant du point de vue de la sagesse, on ne peut pas dire que ce soit un de mes défauts. De Toute manière pour savoir mener justement l'art de la guerre il ne faut pas qu'être fin tacticien et robuste guerrier, il faut surtout savoir faire preuve de sagesse. Je pense que la génétique joue un grand rôle dans l'attribution de cette qualité. Ce n'est pas pour rien que de nombreux hommes de la famille ont fini conseillers royaux ou comme feu mon père, régent.

Je n'ai pas une fonction demandant autant sagesse que celui de régent mais celle-ci est nécessaire pour savoir trouver le moment propice sur quand débuter et clore une bataille. Savoir débuter une bataille c'est ne pas aller trop vite. Laisser les troupes se reposer, se divertir. On peut avoir les meilleurs hommes, avoir la meilleure opportunité d'attaque si les troupes sont affaiblie physiquement et mentalement, jamais je ne pourrais avoir le meilleur de mes hommes.

Savoir clore une bataille c'est s'avoir s'arrêter sur une victoire bien sûr, mais c'est aussi savoir quand rebrousser chemin si la bataille est perdue d'avance ou que le traquenard est trop visible. Je ne compte pas cela comme une défaite, ni une couardise de ma part, seulement comme de la sagesse. Il vaut mieux rentrer victorieux le lendemain que de mourir inutilement la veille.

Je ne me leurre pas cependant, je ne suis pas encore le sage parmi les sages. Et ma blessure de la veille, lors d'une bataille de routine en plus, me le prouve une fois de plus.

Je n'ai pas pu finir la bataille cette fois, un coup sur la tête m'aura laissé inconscient un certain temps.

Je suis encore jeune, et j'ai encore beaucoup à apprendre.

Le domestique me guide alors jusqu'à la salle du trône. Les nombreux courtisans de la salle forment alors un couloir.

Tout le monde me regarde, tout le monde me sourit. Un accueil d'une telle chaleur qu'on a l'impression de connaître chacun et chacune.

Un sourire se détache des autres.

Je le connais par coeur ce sourire.

Je le vois, il est là devant moi, mon père.

Archives des lunes et de leurs mondes -- Archives du monde Terrae -- Recueil des destins brisés.

autobiographie de Servak "le bien né", entremêlée de ses dernieres pensées.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire skybuncle ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0