LE LAC

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Un soir de pleine lune. Il est près de minuit, l'air est plutôt humide mais la petite brise de vent fait du bien sur le visage. Je suis posé sur une rambarde à une dizaine de mètres au-dessus d'un lac très connu pour les noyades. Le lieu est totalement vide, aucun témoin à l’horizon.

J’observe depuis des heures l'eau d'une couleur sombre et je me sens comme appelé par cette immensité obscure. J'ai envie de plonger dedans et de disparaître une bonne fois pour toute de ce monde, de devenir l’invisible que les gens voient en moi. Je sens que les larmes commencent à monter aux yeux, liées à toute la tristesse et à la détresse qui est au fond de mon cœur depuis si longtemps.

Il est temps d'être honnete avec moi et de faire une vraie instrospection personnelle.

J'ai 37 ans, je suis pourtant dans la fleur de l'âge mais pourtant je ne suis rien. Je n’existe pas.

J'ai l'impression d'être invisible, que les gens ne me voient pas ou qu'ils me trouvent tellement insignifiant qu'ils font semblant de ne pas me voir.

Je ne ressens qu'une profonde tristesse en moi, je ne suis pas quelqu'un de bien. J’ai fait souffrir sans le vouloir de nombreuses personnes, en pensant agir pour le mieux.

J’ai tenté, j’ai vraiment tenté mais je ne peux plus vivre ainsi. L’espoir est une notion intéressante mais parfois c’est elle qui fait le plus de mal. On attend, on espère, on prie et au final rien ne se passe. Et on est encore plus au fond du rouleau qu’avant.

Je ne suis pas un égoïste et pourtant on me le reproche souvent, en raison de mon indépendance et du fait que je ne peux pas me forcer quand je fais les choses sinon

Je ne suis pas bien. Mais mon bien être personnel, tout le monde s’en fiche

Je ne ressens rien… Non, je me mens à moi-même. J’aimerai ne plus rien ressentir mais en fait je suis une personne trop sensible et émotive, que les coups de la vie ont épuisé. Je n'ai plus de famille, personne sur qui me raccrocher. Ils ne sont pas morts mais le lien avec ma famille c'est amenuisé au cours du temps. J'ai l'impression d'être un orphelin rejeté par ceux qui devraient compter.

J’ai toujours eu le sentiment de ne pas être à ma place, d’être un usurpateur. Je n’aurai de toute façon jamais dû exister. Ma mère a toujours voulu avoir deux enfants. Elle a eu mon grand frère et après elle a fait une fausse couche. Si elle avait eu l’enfant, je ne serais jamais venu au monde. Pourquoi moi ? pourquoi aie je pris la place de mon frère qui n’est pas venu au monde ? J’ai toujours eu cette impression que je n’étais pas voulu, que personne ne veut de moi, que ce monde n’est pas fait pour moi. Qui suis-je pour mériter la place d’un autre qui aurait peut-être pu apporter de l’amour autour de lui, alors que moi je suis vide. Vide de l’intérieur, vide dans mon cœur et tout simplement vidé.

J’ai une noirceur, une mélancolie qui m'habite et que je ne saurai expliquer. Elle est liée à moi comme une seconde peau et je n'arrive pas à m'en séparer.

Je suis comme un reveur qui aurait fait une longue chute pour se rendre compte que le monde ne veut pas de lui et qui n'a aucune prise pour s'accrocher, éviter la longue descente et sombrer dans l'oubli total.

Je n'ai jamais rencontré le vrai amour. J’ai sans doute vu trop de film car j'ai toujours espéré connaître le rêve américain avec une femme douce, aimante, des enfants, une maison et des animaux. Mais j'ai compris que je n'y avait pas droit. Est-ce dû à mon karma ou mon destin était-il déjà pipé dès le départ ?

Je sais qu'une partie de cela est lié à ma couleur de peau. Je pensais que les mœurs avaient changé mais pas du tout. Malgré les mouvements comme "black live maters", le fait d'être noir a été handicapant pour moi. Même si pour rien au monde, je ne changerai ma couleur de peau comme Michael Jackson l’a fait pour répondre à une norme de la société. Mais j'aurai aimé qu'on voit qui je suis vraiment et pas uniquement une couleur de peau. Je suis jugé par elle avant même qu’on sache quoi que ce soit sur moi. Je ne peux pas être résumé à une couleur, je suis heureusement beaucoup plus que ça. Mais malheureusement pour beaucoup de gens c'est compliqué. Je me rappellerai toujours quand j’etais intéressé par une fille et que dans mon dos on se moquait de moi en me traitant de singe ou qu'on me disait que la personne avait peur de ce que les autres pourraient penser si elle sortait avec un noir. Sans amour je ne suis rien, je n'ai rien à partager, rien à offrir. Je suis seul et je ne veux plus être seul. Je veux mettre fin à cette solitude. Je ne veux plus être seul.

Je ne suis rien sauf la colère que je peux ressentir face à injustice que représente ma vie
pourquoi est-ce toujours les autres qui ont tout ? quel est le secret du bonheur ? pourquoi est-ce que mes rêves sont inaccessible ? Le comble pour un rêveur tel que moi.

Je pense à toutes ces questions en balançant mes jambes dans le vide. La noirceur de l’eau m'appelle. J’ai l'impression qu’en plongeant dedans, le lac va m'avaler et que je disparaîtrai pour toujours. Qu’on ne retrouvera pas mon corps, comme si je n'avais jamais existé. Personne à décevoir, plus de colère, plus de tristesse. Je suis fatigué, je suis làs!

Mes jambes continuent à se balancer dans le vide plus rapidement, prenant le rythme du tempo d'une musique dont j'ai oublié l'auteur. Vais-je plonger dans l'oubli ou vais-je trouver ma voie dans toute cette noirceur ? Je réfléchis à la question tout en étant de plus en plus hypnotisé et attiré par l’eau sombre du lac. C’est un beau jour pour mourir...

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