Chapitre 22

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— Ainsi donc, vous arrivez à franchir mes défenses, crie la voix furieuse depuis la porte.

La vieille dame décrit un arc de cercle avec ses bras, une main tournée vers le haut, l’autre vers le bas. Une lueur blanche et froide illumine le ciel tandis qu’elle se soulève du sol. Durant son vol, son apparence change. Elle traverse tous les âges de la vie, tour à tour fillette, jeune femme puis sorcière aux yeux mesquins et aux traits déformés par la haine.

— Que venez-vous faire ici ? Sales mioches.

— Nous venons chercher la Befana ! répond Silvio en avançant d’un pas.

— Cette vieille bique n’a pas besoin de votre affection, elle restera désormais avec moi et me consacrera le reste de ses jours !

Le garçon rassemble son courage.

—Vous voulez mettre l’amour en prison ? demande-t-il.

— Pour qui te prends-tu, jeune idiot famélique ?

— Croyez-vous que faire le mal et enfermer les autres vous rendra l’amour de votre sœur ?

— Vous avez peut-être réussi à abattre mes défenses, mais je peux encore vous faire souffrir, mes enfants ! crie la vieille dame en tendant un doigt noueux vers les enfants.

— A quoi bon ? rétorque Silvio.

— Parce que je le peux.

— Regardez autour de vous ! Ici, personne ne vous aime. Tout le monde vous craint. Est-ce ce que vous voulez ? Un monde de terreur ?

— As-tu peur de moi, jeune homme ?

— Bien sûr, vous êtes effrayante.

— Et toi, jeune idiote ? continue la sorcière en se tournant vers Livia.

— Oui madame…

En l’entendant prononcer ces mots, les trois molosses se serrent contre les jambes de la fillette. Ils n’osent pas croiser le regard de leur ancienne maîtresse, mais la bravent tout de même en formant un rempart de leur corps.

— Vous croyez que vous aurez de l’affection en privant les autres de leur liberté. En les terrorisant ? Interroge Silvio en élevant la voix pour combattre sa peur.

— J’ai déjà gagné  ! dit la vieille femme.

— Non ! Vous avez tout perdu ! Je sens le doute vous assaillir. Je sens la douleur partout autour de vous. J’ai senti la douleur de votre sœur, celle des arbres, celles de ces chiens. Mais je sens, plus encore que toutes les douleurs que vous infligez. Je sens que vous souffrez vous-même.

— Assez ! crie alors la sorcière en frappant le sol de son pied.

Une force invisible écarte les enfants d’elle.

Silvio, projeté à plusieurs mètres, se renverse dans la neige.

Livia soutenue par les chiens peine à rester debout.

Agostino affirme sa prise sur la poignée de son épée et la plante dans le sol pour tenir sa position. De sa main libre, il aide Silvio à se relever et le pousse pas à pas vers la sorcière.

Celle-ci, prise au dépourvu par la solidarité entre les deux garçons, se relâche un instant.

De nouveau face à la vieille dame, Silvio reprend.

— Vous possédez un pouvoir exceptionnel…

— Et tu vas bientôt le tâter, imbécile, répond-elle en levant les bras.

— Ce pouvoir est celui d’aimer, de partager, même vos chiens de guerre l’ont compris.

— Cela ne me rendra pas l’amour de ma sœur.

— Avez-vous seulement essayé ?

La force qui repoussait les enfants s’allège. La sorcière se retourne et regarde sa maison.

Soutenu par Agostino, Silvio se porte au côté de la dame. La peur tiraille son estomac, mais il prend la main décharnée, saisit les doigts froids, et place toutes ses bonnes intentions dans ce geste.

La sorcière ne repousse pas le contact, sa chaleur se propage dans sa main et gagne son bras. Une autre source bouillonnante naît en elle, une source qu’elle croyait tarie depuis longtemps, une source qui vient d’elle. En sentant la main de l’enfant dans la sienne, son cœur se ranime.

***

— Je t’avais dit que nous pouvions leur faire confiance, dit Saint-Nicolas en posant sa main sur l’épaule du Père Noël.

— Tu as eu raison, mais ces enfants ont couru de grands dangers.

— Oui, mais ils s’en sont bien tiré. Mieux que nous, si nous avions été à leur place.

— Sans doute, soupire le Père Noël.

À leurs côtés, un gros chat roux contemple la scène avant de commencer sa toilette.

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