1

4 minutes de lecture

La ville d’Alma était noyée sous l’averse nocturne. Dans les rues vides de toute présence, seul le son des gouttes de pluie sur les pavés brisait le silence. Des bruits de pas se firent soudain entendre. Deux hommes s’avancèrent de façon nonchalante dans la lumière vacillante des réverbères. Absorbés par leurs pensées, ils rasaient les murs sans tenir compte des trombes d’eau qui se déversaient du ciel. Et pour cause, pas une seule goutte ne parvenait à toucher leurs capes sombres.

Les ombres s’arrêtèrent devant un bâtiment à l’allure banale. Seul le drapeau dégoulinant suspendu devant l’entrée le désignait comme un édifice officiel. Une main dans sa besace, le premier adressa un regard interrogatif à son complice. Ils pouvaient encore faire demi-tour et oublier toute cette histoire. Mais tenus par des serments qu’eux seuls se remémoraient encore, aucun n’était prêt à renoncer si près du but.

Une intense lueur verte illumina brusquement l’allée. Le sort ainsi lancé traça son chemin à travers plusieurs serrures et le battant pivota dans un grincement une fois celles-ci réduites à l’état de magma fumant.

Toujours cachés par leurs larges capes, ils se faufilèrent à l’intérieur. Au détour de plusieurs couloirs déserts, leurs pas les conduisirent de nouveau à l’extérieur, face à un haut mur de briques. D’un signe tracé sur cette paroi, l’ouverture du labyrinthe se dressa devant eux. Sans hésiter, ils disparurent dans ses galeries illuminées de bleu.

Avançons-nous dans la bonne direction ? s’enquit le plus âgé.

Je ne suis jamais venu, rétorqua calmement l’autre.

Tête penchée en arrière, il scrutait le plafond de la grotte. Le regard de son comparse fut aussi attiré par le fin ruban sombre qui y courrait.

Ah, je vois ! Un chemin ?

L’homme se retourna et baissa sa capuche, dévoilant de courts cheveux noirs et un regard éteint.

Nous serons bientôt arrivés, Vanes. Êtes-vous certain de vouloir continuer ?

Écoutez-moi bien ! Si ce vaisseau ne s’était pas écrasé, nous n’aurions même pas cette conversation. Alors non, me morfondre encore mille autres cycles dans ce monde perdu ne fait certainement pas partie de mes plans.

Bien.

Ils reprirent leur chemin en silence. L’air semblait devenir plus rare au fur et à mesure de leur progression. Cette impression ne fit que s’accentuer tandis qu’une lueur d’un blanc éclatant nimbait peu à peu les parois de roche. La faible luminosité conférée par la mousse phosphorescente finit par laisser place à cette nouvelle source de lumière. Après un dernier tournant, ils l’aperçurent enfin.

Dressée devant eux se tenait la chose la plus étrange qu’il leur ait été donné de voir de leurs vies. La haute colonne étincelante illuminait l’immense salle comme en plein jour. Des crépitements emplirent leur oreilles tandis qu’ils s’en approchaient. Aveuglés, les deux hommes finirent par distinguer un voile miroitant au centre de ce pilier laiteux. Derrière cette barrière, miroitait un morceau d’asphalte brûlé par un soleil ardent.

Incroyable ! C’est le portail ? s’étonna Vanes.

Il n’attendit pas de réponse avant de se précipiter de l’autre côté. Il retira ensuite sa cape et regarda autour de lui avec stupéfaction, comme à la recherche de l’invisible déchirure qu’il venait de traverser.

Detroit, Jake ! s’exclama-t-il. Je vous dois une fière chandelle !

Le regard perdu dans le vide, le sorcier ne laissait rien paraître. Il n’aurait jamais cru retourner sur Terre, encore moins quitter Lor de cette façon. Une autre mission l’attendait à présent. Vanes interrompit ses pensées.

Que comptez-vous faire maintenant ?

Ce ne sont nullement vos affaires. Vous m’êtes redevable, oui. Et j’espère ne jamais vous revoir !

Je ne l’oublierai pas. Vous savez comment me contacter, affirma Vanes sans se laisser démonter.

Les deux hommes se séparèrent sans un regard en arrière.

Quatre saisons plus tôt…

Les jours de Lisa se brouillaient dans la monotonie grise du quotidien. Svelte et coquette, la jeune fille aurait pu être le centre de l’attention. Pourtant, son regard rêveur n’inspirait pas vraiment confiance à ceux qui croisaient son chemin. Ainsi, elle désespérait de connaître enfin une véritable amitié. Avec un petit effort de sa part, cela n’aurait posé aucun problème.

Mais voilà, au plus profond d’elle-même, Lisa se savait différente des jeunes de son âge. Elle ne les voyait que comme des adolescents superficiels, toujours scotchés à leur smartphone. Sa conception de la vie était diamétralement opposée à leurs intérêts purement matérialistes.

Ce sentiment de décalage l’accompagnait partout, à tel point qu’elle se sentait étrangère dans le moindre geste, dans chaque conversation. La timide rousse restait donc le plus souvent à l'écart et laissait ses camarades la considérer comme une fille hautaine et, le plus souvent, bizarre. En réalité, Lisa aspirait à quelque chose de plus, un évènement qui viendrait bousculer sa petite routine.

Cela se produisit avec une simple rencontre, un beau jour d’été. Si elle avait pu deviner ce dans quoi elle s'engageait, si seulement elle en avait connu les répercussions futures, aurait-elle continué ?

Mais Lisa restait une adolescente ordinaire. Et elle n'avait aucun moyen de savoir qu'en cinq minutes et deux regards échangés, sa décision scellerait non seulement son destin mais aussi celui de toute une partie de l'Univers…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Ilsa ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0