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— Assieds-toi, je t'en prie.

D’après l'horloge sur le mur d'en face, Lisa déduisit que vingt minutes seulement s’étaient écoulées depuis son arrivée. Était-ce un bon ou un mauvais signe ?

— Bon, présente-toi en quelques mots, commença l'homme d'un air las.

— Je m'appelle Lisa, j'ai quinze ans depuis deux mois. J'étudie les sciences mais j'adore surtout les langues, l'anglais et l'allemand tout particulièrement.

Elle avait débité ça d'une traite.

Et maintenant, qu’est-ce que je dis ? se demanda-t-elle.

L'homme la regardait toujours, bras croisés.

— Et… euh… c'est à peu près tout.

— À peu près tout ? Allons, une jolie fille comme toi… N'as-tu pas de hobby ? Un petit ami peut-être ? Ne me dis pas que ta vie est si ennuyeuse, l’encouragea-t-il d’un sourire.

Lisa se sentit gênée tout d'un coup. Elle n’était pas venue ici pour se plaindre. Qu'est-ce que cela changeait qu'elle préfère la lecture aux sorties en boîtes de nuit et à l'alcool ? Elle regarda discrètement autour d'elle, à la recherche d’une réponse cinglante mais rien ne vint. L’étudiante resta donc silencieuse. Elle avait imaginé cet entretien différemment.

Ce fut Jacob qui relança la conversation. Il la regardait maintenant d'un air étrange, comme si il voyait en elle quelque chose qu'elle même ignorait.

— Avant de pouvoir travailler pour nous, tu devras d'abord signer un contrat. On ne fait pas les choses à la légère ici. Tu ne pourras raconter à personne ce que tu feras de tes journées. Il se peut aussi que tu doives t'absenter de la ville durant une certaine période. Est-ce que cela pose un problème ?

— Non… Mais, ça veut dire que je suis prise ? Je peux avoir le job ?

— Ce n'est pas à proprement parler un job d'étudiant. Mais tu auras toutes les informations une fois que tu auras signé le contrat.

Il poussa quelques feuilles devant Lisa. La jeune fille commença à les parcourir du regard. Cela parlait d'assurance, de responsabilité civile et de divers renseignements à fournir. Lisa n'y comprenait pas grand-chose.

— Dois-je le signer maintenant ?

— Oui, si tu tiens à avoir ce travail. Sinon, tu peux encore sortir par-là, fit-il en indiquant la porte derrière lui. Comme l'ont fait les autres avant toi.

Lisa le regarda. Les autres, plus âgés qu'elle, n'avaient donc pas accepté ces termes. Elle regrettait que ses parents ne fussent pas là en ce moment, ils auraient pu lui expliquer ces mots qu'elle ne saisissait pas. Mais la décision lui appartenait à elle seule. De là à signer quelque chose sans savoir dans quoi elle s'engageait, elle se savait plus intelligente que cela. Et pourtant, tout ce secret qui entourait le travail lui semblait assez excitant.

La jeune fille secoua légèrement la tête pour disperser la brume qui avait envahi son esprit. Elle eut à peine conscience du stylo qui courait sur les pages et remplissait le formulaire. Elle apposa un paraphe hésitant sur la dernière page et leva les yeux.

— Merci, lui dit Jacob. Nous te recontacterons au plus vite.

Lisa se retrouva sans trop savoir comment dans l'atmosphère étouffante de l'extérieur. Elle peinait à se souvenir ce qui était arrivé dans ce bureau. Prise d'une subite intuition, elle se retourna. Le commissariat ne paraissait en fait pas si lugubre, la façade restait même assez jolie avec ses pots de fleurs et son enseigne bleue.

La lumière du soleil change tout, se dit-elle au bout de la ruelle.

***

Le lendemain, Lisa se réveilla de bonne heure. Au programme : passer la matinée à lire dans le parc, allongée sur l'herbe ! Qui sait, elle bronzerait peut-être même un peu avec ce temps.

Un grand sourire aux lèvres, elle quitta l’immeuble. Le soleil, déjà assez haut dans un ciel parfaitement bleu, promettait une magnifique journée. Dehors, les cris perçants des hirondelles emplissaient l’atmosphère.

Tiens… Le facteur est déjà passé ? Il n'est que huit heures pourtant, s'étonna Lisa devant l'enveloppe posée à ses pieds.

Ce simple pli blanc, sans nom d'expéditeur et surtout sans timbre, n’affichait que son prénom écrit à l’encre bleue.

Bizarre, se dit-elle.

Une fois l’enveloppe déchirée, Lisa se rendit compte que le texte de la lettre était incompréhensible, un véritable charabia de glyphes et de dessins étranges. Qui avait donc pris la peine de lui déposer un message pareil ? Était-ce une blague de mauvais goût ? Une énigme peut-être ?

Lisa s'assit sur le perron pour réfléchir. Elle pouvait parfaitement prendre le temps de faire des recherches à la bibliothèque pour découvrir ce que représentaient les signes. Mais ce serait criminel de gâcher ainsi cette matinée.

Songeuse, elle parcourut distraitement les lignes de symboles du regard. Une image de chocolat chaud s'imposa soudain à son esprit. Elle scruta la page plus attentivement, pour déterminer ce qui avait amené une pensée aussi incongrue par cette chaude journée d'été.

— Mais oui ! s'exclama-t-elle. L'Infini, c'est ce café dans le centre commercial… Alors, si c'est un endroit, les chiffres qui suivent doivent être une heure ! Un rendez-vous, c'est cool ! 0830 ?

Elle fourra la lettre dans son sac et s'élança dans la rue d'un pas sautillant, toute excitée à l'idée d'avoir si facilement résolu cette devinette. Son enthousiasme retomba d'un coup quand elle jeta un coup d’œil à sa montre. Vingt minutes pour parcourir à peu près deux kilomètres ? Elle accéléra et dépassa une famille étonnée de voir cette fille foncer ainsi un samedi d'été.

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