Un jour, une nuit, la dernière.

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Je prends conscience dans un train. Il est bondé. Les passagers sont rivés sur leur téléphones. Comme d'habitude. Je m'extirpe du wagon, sors de la gare et me dirige d'un pas rapide vers mon bus. J'y retrouve mes amis. Nous squattons l'avant du véhicule et deux d'entre eux descendent au même arrêt que moi. Tandis qu'ils s'apprêtent à rentrer à pied, je décide de me poser sur un rocher près de l'arrêt de bus. Il me salue de la main, que je leur rends avec un grand sourire. Je sais que je dois les revoir ce soir pour une réunion de famille. Est-ce que ce sont des amis, des cousins ou même les deux ? Je n'en sais trop rien.

Je tente d'observer l'environnement autour de moi. Je perçois, plus que je ne vois, la forêt qui borde la route et le rocher sur lequel je suis assise. J'ai mon téléphone à la main, qui débite une musique stridente dont je ne comprends pas les paroles. Je l'éteins, autant pour moi que pour la jeune femme assise à coté de moi. Celle-ci, rivée sur son téléphone, s'est même décallée avec un air ennuyé.

Je hausse les épaules et me désintéresse d'elle. Je lève les yeux sur le ciel bleu où seul deux nuages le remplissent. La forme d'une de ses vapeurs naturelles me fait rire. Je sors mon téléphonne pour le prendre en photo. Un mille-patte géant s'extirpe de la forêt pour fendre le ciel.

Il me fait penser à notre famille, qui est un peu spéciale. Des souvenirs ou serait-ce plus une sensation de savoir que nous sommes des change-formes. Chacun des membres de ma famille a la possibilité de se changer en un animal. Je le sais même si je ne l'ai pas encore vu.

***[Ellipse]***

Je suis chez moi. C'est un grand appartement en longueur, de ce que je vois. L'entrée s'ouvre sur le couloir, qui mène, sur sa droite, au salon et continue sur la cuisine. Je sais qu'un cellier existe mais je ne le situe pas encore. Toute la famille est réunie. Les oncles, les tantes, les vieux, les jeunes, les cousins, les cousines, bref, une grande famille réunie pour une soirée.

Je suis dans le couloir avec mes deux amis-cousins et une cousine. Nous sommes en train de nous décider à jouer au chat et à la souris mais avec une touche de notre famille : les serial Killer et les victimes. Ma cousine et moi partons nous cacher tandis que mes amis-cousins se préparent à nous traquer.

Ma cousine se fait prendre la première. Je suis dans le salon, en train de tourner autour de la table pour empêcher un de mes cousins de me planter avec ses griffes de métales. Contrairement au apparences, cela ne reste qu'un jeu où nous rigolons énormément.

Fatiguée de courir, je me réfugie dans la cuisine auprès des adultes. Ils sont tous absorbés par quelque chose sur le mur. Une étagère ou une télé, je n'aperçois pas très bien l'objet mais j'entends toutes leurs voix qui débatent.

Près de mon père, je me sens à l'abri. Mon cousin rôde dans le couloir, attendant mon retour. Je profite de cette pause pour réfléchir à une stratégie pour délivrer ma cousine, emprisonnée dans le cellier. Une porte situé dans la cuisine y mène et une autre dans le couloir. Je compte feinter auprès de mon poursuivant et passer par la cuisine.

Chose faite, j'arrive quelques secondes avant lui et pénètre dans le petit couloir qui constitue le cellier. Je me bat avec lui et je suis sur le point de gagner lorsque des mains viennent chatouiller mes côtes. Je hurle de surprise et je vois mon autre ami-cousin caché entre deux petits tonneau, un sourire timide mais franc aux lèvres. Ma cousine, sous sa forme de chat sort de l'obscurité, dépitée d'avoir perdu.

Les serial Killer ont gagné la partie et nous rigolons à gorge déployée.

***[Ellipse]***

Je suis réveillée par mon volet qui claque lourdement contre ma fenêtre. Je sors difficilement de mon lit et me dirige vers lui. Il me faut plusieurs seconde pour stabiliser ma vue et comprendre que le loquet censé le retenir est dévissé. Je me met en tête de le revisser et tout en le faisant, j'observe les alentours. Sur un balcon proche de moi, je vois plusieurs enfants assis autour d'une table et se tenant par la main avec une jeune femme aux cheveux blonds et courts. Ils chantent et bien qu'il n'y ai pas de larmes, l'ambiance n'est pas joyeuse. Je me rends compte que de nombreuses fenêtre de la ville sont allumées. Derrière l'une d'elle, à ma gauche, j'apperçois un homme. Il porte l'uniforme d'un pilote d'avion et alterne entre regarder par sa fenêtre le ciel et parler à son talkie walkie.

Je me concentre de nouveau sur mon volet. J'ai presque réussi à revisser l'attache. Le vent semble être tombé car mon volet ne bouge plus. Je me concentre de nouveau sur la tablée en face de moi. Les enfants chantent une chanson triste, très triste dont je ne perçois pas les paroles. Ils ont les joues couverts de gouttes d'eau. L'adulte avec eux aussi et elle tente de les rassurer.

Je regarde de nouveau le pilote. Il porte à présent sur son uniforme un gilet par balle. Après un dernier message à son talkie walkie, il baisse la tête, la secoue et éteins la lumière de la pièce.

En voulant refermer ma fenêtre, je croise le regard de la jeune femme. Il dégouline de larmes, de morve et de bave. Mais ce qui me choque le plus et commence à me terrifier c'est son regard de désespoir. Un regard rempli d'une horrible et oppressante tristesse. Un sentiment de fatalité s'abat sur moi. Je ferme rapidement ma fenêtre. Ils ont cessé de chanter et dans ce silence, j'entends au loin de nombreuses sirènes de pompier, de police dans les rues et ce qui semble être des cris aussi. Je me précipite au rez de chaussée pour tenter de trouver mes parents.

La maison a quelque peu changée mais je ne m'en préoccupe pas. Je vois surgir de l'entrée ma mère et mon père qui l'appostrophe.

" De toute façon, il n'y aura plus de voiture demain! "

Ils sont habillés comme en hiver. De la porte entrouverte, j'apperçois de la neige. Pourtant, ce matin encore il semblait faire bon. Je remarque les yeux rougis et humides de ma mère et ses lèvres qui tremblent.

Je la questionne du regard, maintenant très inquiète sur ce qui se passe. Elle me répond simplement avec lassitude.

"Nous en discuterons demain".

Pourtant je sais, je ressens que je n'aurais pas de réponse demain. C'est plus par ressentit que je comprends ce qui se passe. Une idée se forme dans ma tête et un puzzle se construit. Tous ces gens qui regardaient leur téléphone, ne regardaient qu'une seule et même chose. Quelque part dans le ciel, un objet se dirige vers nous et nous, petite planète, sommes sur son passage. Je pense que de nombreux essais ont été tentés pour nous sauver mais que la dernière information reçue marque la fin d'un infime espoir. Je sais, je le ressens. Il n'y aura pas de demain.

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