3. Une journée pleine de rebondissements - 4/4

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— Comme je te l’ai dit, je suis le professeur Tarr. J’enseigne la magie élémentaire à Castel-Lapis.

  Il se redressa sur sa chaise avant de reprendre.

— Il s’agit d’une des plus prestigieuses écoles de sorcellerie qui puisse exister. Beaucoup de familles rêvent d’envoyer leurs enfants dans notre établissement. Malheureusement nous ne pouvons pas accepter tout le monde, comme tu t’en doutes.

— Je suis désolé, monsieur Tarr, l’interrompit Ethan, mais je ne suis pas intéressé par votre académie. Je n’ai aucun attrait particulier pour les tours de magie.

— Les tours de magie ? répéta-t-il avec surprise. Je te parle de véritables prouesses, pas de vulgaires subterfuges pour les humains.

  Il est complètement fou.

— À vous entendre, la sorcellerie existe vraiment, lui fit remarquer Ethan.

— C’est le cas, assura le professeur avec conviction. Je suis un mage. Tu en deviendras un, également.

  Cet homme avait visiblement perdu l’esprit.

— N’importe quoi, ne put s’empêcher de s’esclaffer Ethan.

  Tarr sortit de la poche de son manteau un bout de bois d’environ vingt centimètres. Il était fin et élégamment sculpté avec des gravures en or en forme de spirales. Il effectua un mouvement sec avec et laissa Ethan bouche bée.

  Il sentit un léger soubresaut et regarda en direction du sol de sa chambre. Il se frotta les yeux plusieurs fois afin de s’assurer qu’il n’était pas en train de rêver. Celui-ci était progressivement en train de s’éloigner puisque le lit sur lequel il était assis lévitait dans les airs et se rapprochait peu à peu du plafond de la pièce.

  C’est quoi ce délire ? Quelqu’un a mis quelque chose dans mon repas ? Impossible… Je n’ai rien mangé ce soir. Ne me dis pas que la magie existe vraiment !

  Le professeur secoua à nouveau son instrument et la couchette reprit sa place avec douceur.

  Ethan continuait de se pincer le bras, mais il était bien éveillé. Il contemplait son interlocuteur, la bouche grande ouverte et le regard béat. C’était le plus beau jour de sa vie. Il avait lu de nombreux ouvrages où lui étaient narrées des histoires fabuleuses et voilà qu’il découvrait maintenant que tout était vrai. La magie était réelle.

  Il resta silencieux à observer Tarr avec admiration. Celui-ci attendait patiemment qu’Ethan prenne la parole. Néanmoins l’étincelle qui brillait dans les yeux du garçon s’effaça à mesure qu’il prenait conscience d’une chose. Il n’avait pas le moindre pouvoir surnaturel.

— La magie existe véritablement… murmura-t-il. Et ne vous méprenez pas, c’est super. Mais vous faites toujours erreur sur la personne, ajouta-t-il à contrecœur. Je ne suis pas un sorcier.

— Tu es humain, Ethan.

  Celui-ci acquiesça. S’il le savait, pourquoi avait-il pris la peine de venir le voir ?

— Et tu es aussi un sorcier.

  Ethan voulut répliquer, mais Tarr leva la main pour lui faire signe de se taire.

— La magie est une mutation génétique. Les sorciers et sorcières héritent ce gène de leurs parents. Les deux géniteurs doivent absolument posséder le don, sinon l’enfant naitra sans le moindre pouvoir.

— Vous… Vous pensez que mes parents étaient des sorciers ? l’interrogea Ethan, abasourdi.

— Pas vraiment. C’est très improbable. Le monde des hommes et celui des sorciers ont très peu de relations entre eux. Je doute que deux mages aient choisi de s’installer ici. Et le gouvernement semble de cet avis également.

  Il s’approcha d’Ethan afin de l’observer attentivement dans les yeux.

— Non, tu es une exception, continua-t-il dans un murmure. Si nous ne nous trompons pas, tu es le premier humain à développer de lui-même le gène depuis des millénaires. Comme si celui-ci était subitement apparu.

— Je n’ai pas le moindre pouvoir magique, déplora Ethan avec dépit. Je serais bien incapable de faire voler ne serait-ce qu’une plume.

— Vraiment ? Répondit Tarr avec un haussement de sourcil. C’est étrange… Ne s’est-il rien produit d’inhabituel dernièrement ?

  Ethan n’eut pas à réfléchir bien longtemps, cela l’avait bien assez fait cogiter. Il s’était bien passé des choses inexplicables dans la journée. Il ne comprenait pas comment Cédric s’était retrouvé propulsé dans les airs lorsqu’il l’avait attaqué. Dans le même temps, l’orage qui faisait rage dehors était apparu à une vitesse suspecte.

  Il ne fallait pas non plus oublier l’étrange sphère lumineuse qui l’avait percuté et conduit à perdre la mémoire quelques jours plus tôt. Mais comment pouvait-il savoir tout ça ?

— Vous voulez dire que…

  Le professeur Tarr ne le laissa pas terminer sa phrase et acquiesça avec un sourire.

— Ce n’était pas volontaire, s’excusa Ethan précipitamment.

— Et c’est bien normal, le rassura Tarr. Tant que la marque d’un sorcier n’est pas activée par une école, il est impossible de contrôler la magie. De plus, les manifestations magiques sont plutôt rares chez les enfants.

  Une marque de sorcier ? Ethan n’avait rien qui pouvait ressembler de loin ou de près à une telle chose. Cependant, le professeur et son établissement commençaient à éveiller sa curiosité, alors il décida de ne rien dire.

  Tarr sembla constater que le garçon semblait se détendre. Il paraissait moins sur la défensive à présent.

— Me crois-tu ? demanda-t-il au jeune homme.

— J’en ai envie. Pourtant, il faut quand même avouer que tout ceci est invraisemblable.

— Rassure-toi, le ministère de l’Éducation magique ne se trompe jamais sur les nouveaux élèves.

  Ethan leva un sourcil. Ils avaient vraiment leur propre gouvernement ?

— Mais vous enseignez quoi dans cette école, exactement ?

— Notre établissement a pour objectif d’apprendre à tous les jeunes sorciers et sorcières à maîtriser et recourir à leurs pouvoirs dans la vie quotidienne et à bon escient. Ce que tu seras en mesure de réaliser à la sortie de l’école dépasse ton imagination.

  Malgré ses efforts, le professeur Tarr sentait bien qu’Ethan restait hésitant. Il voulait le rassurer. Plus il en saurait et plus il serait à même de prendre une décision.

— Les élèves avec qui tu vas passer l’année n’ont, eux aussi, jamais utilisé la magie. La seule différence entre eux et toi, c’est qu’eux savent déjà ce que c’est de vivre dans le monde magique. Mais rassure-toi, tu ne seras pas à la traîne pour autant. Ils ne sont, eux non plus, jamais allés dans une école de magie. Tous les jeunes sorciers doivent obligatoirement se rendre dans une académie élémentaire de premier cycle afin d’apprendre à lire, écrire, compter, etc. Il serait inconcevable de former un enfant qui ne possède pas des connaissances de base et qui ne démontrerait pas des aptitudes d’apprentissages.

  Il laissa quelques secondes à Ethan afin d’assimiler les informations avant de continuer.

— J’en viens donc à la question la plus importante et la raison principale de ma présence. Souhaites-tu faire tes études à Castel-Lapis ?

— Oui, répondit Ethan sans même y penser.

  Le sort en était jeté à présent. Il savait pourtant qu’il prenait un risque en acceptant. Le professeur Tarr et la directrice semblaient persuadés qu’il était un sorcier, néanmoins que se passerait-il s’ils se rendaient finalement compte qu’ils avaient commis une erreur ?

  Son interlocuteur frappa dans ses mains d’un air satisfait et se mit sur ses pieds.

— Parfait. J’ai hâte de voir ce dont tu seras capable.

  Il fouilla dans une poche de son manteau et en sortit une petite enveloppe carrée de couleur verte qu’il tendit à Ethan.

— Tiens, c’est pour toi.

— Oh, merci beaucoup monsieur, répondit Ethan qui ne savait plus où se mettre. Il ne fallait vraiment pas.

— Ce n’est rien. Vois ça, comme un cadeau de bienvenue.

  Mais avant que le garçon ait pu en découvrir le contenu, il ajouta :

— Il est préférable que tu attendes d’être dans le monde des sorciers avant de l’ouvrir, si ça ne te dérange pas.

  Ethan, déçu, acquiesça silencieusement et déposa l’enveloppe sur un coin de son bureau.

— Je me suis entretenu avec père Daniel avant de venir te rencontrer, lui apprit Tarr. Évidemment, je ne lui ai pas dit la vérité. Il pense que je suis le directeur d’une école de cuisine. Il faut quand même que tu saches qu’en rejoignant Castel-Lapis, tu dois renoncer définitivement à l’orphelinat. Tu ne seras pas en mesure de revenir. Pas même pour les vacances scolaires.

— Je m’y attendais, déclara Ethan qui n’était pas attristé par l’idée de quitter le refuge et de ne plus jamais revoir ni Cédric ni sœur Madeleine.

— Tu ne pourras pas non plus rester à Castel-Lapis durant les congés d’été, mais rassure-toi, nous ne te jetterons pas à la rue pour autant.

  Tarr rangea soigneusement la chaise sur laquelle il était installé quelques secondes plus tôt.

— Avant que je te laisse, as-tu des questions ? demanda-t-il à l’adresse d’Ethan.

— Euh… Oui. Comment dois-je m’y prendre pour me rendre à Castel-Lapis exactement ?

  Le professeur se frappa violemment le front.

— Crotte de gnome ! s’exclama-t-il. Comment ai-je pu oublier un élément aussi important ?

  Il replongea la main dans sa poche et en ressortit une petite carte plastifiée de couleur blanche.

— D’abord, il est primordial que tu comprennes quelque chose, Ethan. Le monde des sorciers est… Comment dire ? murmura Tarr qui semblait chercher ses mots. Oui, voilà. Il s’agit d’un univers parallèle à celui dans lequel tu vis actuellement. Je veux dire par là qu’il n’est possible de s’y rendre que par l’intermédiaire d’un portail magique.

  Il tendit le billet à Ethan. Celui-ci n’avait pas la moindre inscription, néanmoins il devint vert à son contact.

— J’ai demandé à père Daniel à ce que tu sois accompagné à Paris, demain. Présente cette carte à la personne qui s’occupe du guichet de la tour Eiffel, c’est elle qui t’escortera jusqu’à notre monde. Il prévoit ton arrivée pour quatorze-heure, alors ne soit pas en retard.

— Je montre la carte à la caisse de la tour Eiffel, à quatorze heures. Compris, répéta Ethan pour mémoriser les informations.

— Bien, il est temps que je file, déclara Tarr avec un sourire. J’ai encore à faire et tu as besoin de dormir. Une grosse journée t’attend demain.

  Il tendit la main à Ethan, qui serra cette dernière. Puis il ouvrit la porte de la chambre.

— À très vite, lança-t-il avant de refermer celle-ci derrière lui.

  Ethan n’avait pas changé de position depuis l’arrivée du professeur. Il se mit sur ses pieds et fit les cent pas, ses pensées défilant à toute allure. C’était la journée la plus folle qu’il n’avait jamais connue.

  Il venait d’apprendre qu’il était un sorcier et qu’il était accepté dans une prestigieuse école de magie qui se trouvait dans un univers parallèle. Cerise sur le gâteau, il quittait définitivement l’orphelinat dès demain. Tout ceci était invraisemblable, mais il s’agissait, à n’en point douter, du plus beau jour de sa vie.

  La nuit était bien avancée à présent. Et une nouvelle journée forte en émotions l’attendait. Il décida finalement de se coucher dans son lit et s’endormit aussitôt, le sourire aux lèvres.

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