1. Visite surprise - 1/4

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   Rien dans l’atmosphère n’aurait pu laisser présager qu’un violent orage allait éclater dans les minutes à venir. Les geais et les grives piaillaient joyeusement dans les arbres. Les grenouilles coassaient bruyamment sur le bord de la rivière, en contrebas. Néanmoins, cela ne pouvait pas durer.

  Un calme mystérieux s’installa aussitôt. Plus de chants d’oiseaux, ni de bruits d’animaux ou d’insectes. Un silence assourdissant et particulièrement étrange dans un lieu qui, d’ordinaire, débordait de vie.

  Soudain, le vent se leva. Léger, d’abord. Puis, il devint plus insistant. Puissant. Couchant l’herbe et les fleurs sur son passage, sifflant entre les branches des énormes chênes, les secouant avec force et les faisant grincer. Voilà maintenant quelque temps qu’elles n’avaient plus l’habitude de se faire malmener de la sorte.

  Le ciel était d’un noir d’encre. On pouvait seulement apercevoir quelques étoiles qui exposaient fièrement leurs lumières entre les nuages menaçants. Les animaux s’étaient sans doute placés en sécurité. L’orage était proche. Le vif éclat d’un éclair embrasa l’horizon au loin, pendant une demi-seconde, puis l’air aux alentours se mit à gronder. Néanmoins, tous n’étaient pas à l’abri.

  Un homme apparut. Il paraissait venir de l’orée de la sombre forêt. Il semblait étrange de trouver quelqu’un à l’extérieur à une heure si tardive. Et pourtant, il était bien là.

  Il avança dans la plaine, son manteau ballotté par le vent, puis s’arrêta quelques instants. Il retira sa capuche, dévoilant un visage sur lequel le passage des années avait laissé des traces. Ses cheveux avaient perdu un peu de leur vitalité, permettant d’entrevoir différentes nuances de gris. Son regard traduisait sa fatigue. Malgré cela, il s’illumina lorsqu’il observa le paysage qui s’offrait à lui.

  Il n’était pas venu ici depuis plusieurs années. Toutefois, en scrutant le domaine ainsi que l’extraordinaire édifice qui se dressaient devant lui, il ressentait le même émerveillement que dans ses jeunes années. Avec, en plus, une pointe de nostalgie.

  Son lourd travail lui permettait de beaucoup voyager et il avait ainsi eu l’occasion de voir de nombreux bâtiments tous plus étonnants les uns que les autres. En revanche, aucun n’arrivait à la cheville de celui-ci. Le monument était évidemment très beau, mais il s’en dégageait une aura mystique que l’on ne retrouvait nulle part ailleurs. Sa profession l’amenait peu à venir ici, c’est pourquoi il avait décidé de ne pas déléguer cette mission, pourtant de moindre importance, et de s’en occuper personnellement.

  Alors qu’il s’apprêtait à entrer dans le bâtiment, le ciel gronda à nouveau et de grosses gouttes commencèrent à tomber. Voilà qui annonçait une nuit humide. Il s’engouffra à l’intérieur, les énormes portes de chêne sombre se refermant sur lui.

  Rien n’avait changé. Tout était exactement comme dans ses souvenirs. Il ferma les yeux et sourit, s’imaginant un instant de retour dans ses jeunes années. Celles-ci avaient été, sans aucun doute, les meilleures de son existence. Néanmoins, il n’était pas ici pour se repasser sa vie en mémoire. Il avait à faire.

  Il faisait sombre, la plupart des torches fixées au mur de pierre étaient déjà éteintes. Il emprunta les grandes marches de marbre qui se dressaient devant lui et se mit en route. Il s’aventura de couloir en couloir, d’escalier en escalier, certain de l’endroit où il se rendait.

  Bien qu’à la première observation tout semblait exactement comme dans ses souvenirs, il avait le sentiment que les salles avaient été déplacées et qu’aucune ne se trouvait au même endroit qu’auparavant. Connaissant la réputation de l’établissement, il n’aurait pas dû être surpris néanmoins, il était maintenant perdu. Et personne sur sa route pour l’aider.

  Peut-être sa mémoire lui faisait-elle défaut ? Il décida de retourner à l’entrée. Peut-être s’était-il seulement trompé de chemin ? Il s’apprêtait à se remettre en marche lorsqu’il entendit un frottement non loin de lui. Léger, presque imperceptible.

  Il fit volte-face et vit deux yeux anormalement jaunes briller à l’autre bout du couloir. Il plongea sans réfléchir la main dans la poche droite de son manteau, prêt à se défendre s’il le fallait. Les globes dorés se rapprochèrent avant de dévoiler un homme d’une quarantaine d’années. Il poussa un soupir de soulagement et replaça nonchalamment sa main, il allait pouvoir demander son chemin.

— Monsieur le ministre ? l’interpella l’individu avec surprise. Que nous vaut l’honneur de votre visite ?

— Monsieur Tarr, répondit celui-ci, je m’excuse de vous importuner à un tel horaire. Je suis venu afin de m’entretenir avec madame la directrice. J’ai des informations qui pourraient l’intéresser.

  Tarr sembla étonné d’apprendre qu’un haut fonctionnaire de l’État connaissait son nom. Il acquiesça avec un sourire.

— Je ne pense pas que l’heure tardive sera un problème. Suivez-moi, je vais vous conduire jusqu’à elle.

  Il lui emboita le pas, pas question de le perdre de vue. Il constata qu’ils retournaient en direction de l’escalier de marbre. Il ne s’était pas trompé, le bureau de la directrice avait bel et bien changé de place.

— J’imagine que vous devez être en pleins préparatifs, s’enquit-il en montant les marches.

— En effet, ce n’est malheureusement pas ma période préférée, mais il faut passer par là si nous voulons que l’année se déroule sans encombre. Sans compter que grâce à vous, nous remettons sur pieds un évènement qui n’avait pas eu lieu depuis de nombreuses années. C’est très gratifiant, cependant, je dois avouer que c’est aussi beaucoup de travail.

— J’en conviens et j’en suis désolé, assura le ministre qui ne semblait pas en penser un mot. Pourtant, je n’ai aucun doute sur le fait que ce sera un succès retentissant.

  Il suivit Tarr dans le dédale de couloirs et arriva finalement devant un élégant accès en érable blanc. Ce dernier toqua à la porte, attendit une réponse qui ne vint jamais puis entra.

— Madame la directrice ?

  Il y eut un mouvement à l’intérieur du bureau puis une voix légèrement chantante déclara :

— Oliver ? Que me voulez-vous ? Nous sommes au beau milieu de la nuit.

— Toutes mes excuses, mais monsieur le ministre de l’Éducation est présent, il souhaiterait s’entretenir avec vous.

— James est ici ? s’étonna-t-elle avec une pointe de plaisir. Eh bien, qu’attendez-vous ? Faites-le donc entrer.

  Tarr sortit la tête du bureau par l’entrebâillement de la porte et fit signe au fonctionnaire de l’État qu’il pouvait le suivre.

  La pièce était somptueuse. C’était une grande salle circulaire à l’intérieur de laquelle l’on trouvait de nombreuses étagères remplies d’ouvrages en tout genre. Les immenses fenêtres devaient être une importante source de lumière en pleine journée. Ce soir-là, seuls quelques bougies et les éclairs qui embrasaient le ciel permettaient d’y voir un peu plus clair.

  Il y avait également d’étranges objets. Peut-être des instruments de calcul ou d’astronomie, qui semblaient léviter au-dessus de leur table d’exposition. Au centre de la pièce trônait un imposant bureau en chêne massif. Derrière lui se dressaient deux colonnes de marbre qui soutenaient le poids d’un balcon de verre. Sur la droite, entre deux bibliothèques, se trouvait une mystérieuse porte noire.

  Face au bureau se tenait une élégante femme, d’âge mûr, aux longs cheveux blancs. Elle était assise sur un impressionnant fauteuil de cuir rouge et eut un large sourire lorsqu’elle vit entrer le ministre dans la salle.

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