26. Ashton

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Le trajet pour rejoindre nos potes se veut bien trop court à mon goût. Avoir les jambes de Sav blottie contre mon corps et ses mains enroulées à ma taille me procurent toujours le même plaisir. Le sentiment de liberté que j’ai toujours éprouvé en enfourchant ma bécane s’en trouve exacerbé avec elle dans mon dos. C’est d’ailleurs une des raisons qui me pousse souvent à tourner en boucle quand on part en balade ou même parfois juste avant de rentrer. Vivement que je sois libre ! Dès que ce sera le cas, je fais la promesse solennelle de lui faire découvrir la côte ouest en deux roues. Un jour, je lui céderai même le guidon. Cette idée, j’y songe de plus en plus. Me coller dans son dos alors qu’elle nous conduit doit être super excitant.

Arrivé sur notre lieu de rencontre, je pose un pied à terre, coupe le contact et attends que la divine créature derrière moi descende. Kyle, Sarah, Moly et Chayton nous attendent tous les quatre adossés contre la voiture de ce dernier. Un large sourire traverse la tronche de mes deux potes au moment où ils nous voient débarquer. Les filles ne nous calculent même pas, bien trop absorbées par leur discussion. D’ailleurs, ma rouquine part vite les rejoindre, après m’avoir claqué un simple baiser du bout des lèvres sur les miennes.

— Prêt à escalader, mon pote ? me salue Chayton en me donnant une accolade virile.

— Et comment !

À quatre heures de marche environ s’ouvre un véritable petit paradis. Je n’ai qu’une hâte, le faire découvrir à celle qui donne une impulsion chaque jour à mon cœur. Serais-je mort sans elle ? Il y a de fortes chances. Avec Harper, je ne faisais que survivre, rien de plus.  À la fin de ma condamnation, je l’aurais larguée sans état d’âme pour retourner dans ma ville d’origine. J’aurais sûrement repris les combats undergrounds en ayant conscience des risques encourus. La faucheuse m’aurait attendu sagement, dans un coin du ring, où même à la sortie, sous forme d’un gars écœuré de me voir gagner contre son poulain.. Combien de mecs ai-je vu tomber sans jamais pouvoir se relever ? J’ai eu du bol, beaucoup. Jusqu’au jour où on s’en est pris violemment à mon frangin, au lieu de venir directement me confronter pour une putain d’histoire de blé. Quand j’ai quitté la salle, Liam était au sol, l’autre connard en train de lui donner des coups. L’enflure n’a pas supporté qu’on le plume en remportant la victoire. Ce soir-là, il a perdu un max d'oseille. Il ne me connaissait pas, ne m’avait jamais vu me battre, et  pensait que son pote pourrait me foutre à terre. Pas de bol pour lui, il n’y a pas plus coriace que moi entre les cordes.

— Tout va bien, cow-boy ?

Au son de la voix de ma rouquine, ma tête pivote dans sa direction. Elle est en train de porter une attention toute particulière à mes mains. Je réalise, à cet instant, que mes poings sont serrés au point où ma circulation sanguine n’atteint plus l’extrémité de mes doigts. Je ferme les yeux quelques secondes pour chasser les images de mon pire cauchemar de mes pensées. Quand je les rouvre, Sav se tient devant moi. Son inquiétude à mon égard se lit clairement sur ses traits. 

— T’avais l’air bien loin. T’es sûr que tout va bien ? demande-t-elle en posant sa main sur ma joue. 

Tel un chat à l'affût de la caresse de son maître, je me blottis un peu plus contre sa paume. Son contact m’apaise instantanément et m’aide à ériger les derniers remparts entre mes démons et moi. 

— Ouais, je pensais à un truc, c’est tout.

— Liam, hein ? 

Halluciné qu’elle puisse lire si facilement en moi, mes yeux s’arrondissent comme deux billes. Comment peut-elle réussir cette prouesse ? J'ai toujours pris soin de me camoufler derrière un masque pour ne pas montrer mes failles. Personne ne me connaît assez pour deviner ce qui me traverse le crâne, à part Greg peut-être. 

— Je sais que tu le hais et que penser à lui te met en rage, ajoute-t-elle comme si elle sentait le besoin de se justifier.

— Ouais, je pensais à lui.

— Oublie-le. Ici, il n’y a que nous six.

D’une main sur ma nuque, elle force mon visage à descendre vers le sien. À quelques centimètres à peine de sa bouche, son souffle me caresse avec délicatesse. Comme aimanté par sa chaleur, mon bras s’enroule autour de son corps et l’attire à moi pour la presser contre mon torse. Nos lèvres entrent en contact et plus rien n’a d’importance. J’oublie encore une fois tous mes démons qui cherchent à m’entraîner avec eux depuis qu’elle a prononcé le nom de mon enfoiré de frangin. J’oublie ce traître qui a protégé un connard plutôt que celui qui lui a toujours tenu la main. J’oublie que je suis en conditionnelle. J’oublie également jusqu’à nos potes qui doivent sûrement nous attendre avec impatience. Cette fille est ma seule raison d’être à cet instant précis. Je l’aime tellement. Putain, ouais, je l’aime à en crever.

— Oh, les amoureux ! Quand vous voudrez bien vous décoller un peu, on pourra peut-être se mettre en route !

J’ignore qui prononce cette phrase tant elle se noie dans du coton. Toutefois, elle a un effet indéniable sur mon amour qui cesse de m’embrasser et recule d’un pas. J’enroule aussitôt mon bras autour de ses épaules et nous partons à la suite de nos amis. 

L’ascension se fait dans la joie et la bonne humeur. On se chambre, se chamaille comme des mômes. Les filles nous poursuivent, prêtes à nous faire ravaler notre langue à plus d’une reprise. Putain, que c’est bon de se sentir normal ! 

Parvenue au sommet, Sav se stoppe net en découvrant le paysage. Je la rejoins, me blottis dans son dos et glisse mes mains sur ses hanches. La tête sur son épaule, je contemple le paysage qui s’étale devant nous. À l’horizon, des montagnes aux neiges éternelles et en contrebas, un sublime lac, bien plus beau que celui que je lui ai fait découvrir. On reste ainsi un moment, profitant de la quiétude et de la beauté des lieux, sans un mot, jusqu’au moment où les filles appellent ma copine. Comme un seul homme, nous tournons la tête en même temps. Sarah et Molly ont déjà enfilé leurs bikinis. Elles sont superbes, mais bien moins que la fille de mes rêves.

— Tu viens avec nous ? lui demande Sarah.

— Tu devrais y aller, on aimerait bien profiter un peu de notre pote, intervient Chayton.

Sav passe sa tête par-dessus son épaule pour venir me demander la permission, en silence, de les rejoindre. D’un simple sourire, je lui indique qu’elle est libre. Elle n’a pas besoin de mon accord pour aller s’éclater avec ses copines si elle le désire. De toute façon, si je la retiens encore longtemps, les gars vont finir par nous tomber dessus pour qu’on se décolle un peu. C’est vrai que depuis qu’on est vraiment ensemble, on est en permanence scotché l’un à l’autre. On a même décliné deux soirées juste pour se retrouver tous les deux au fond de mon lit. Elle dépose un baiser sur mes lèvres et pars retrouver les deux autres filles. En chemin, elle enlève son short et son top, m’offrant une superbe vue sur son petit cul dont je raffole. Toujours à la même place, je la contemple tandis qu’elle avance prudemment dans l’eau. À cette altitude, je ne sais pas si elle est bien chaude. Vu leurs réactions, ça ne doit pas être le cas.

— Quand t’auras fini de baver sur ta meuf, tu viendras peut-être descendre une bière avec tes potes.

Tout sourire, je me tourne en direction de Kyle, le majeur de ma main droite dressé dans sa direction. Devant mon attitude, il éclate de rire. Pas vexé pour un sou, je me rends jusqu’à eux, récupère une bouteille dans la glacière et m’installe près de Chayton à même le sol. Les yeux fixés sur Sav, je les écoute d’une seule oreille discuter sport. Ils sont en train de débattre sur la meilleure équipe de basket de la NBA. 

— Et toi, t’en penses quoi ? me questionne Chayton.

— Le basket, ce n’est pas ma tasse de thé. 

— Ouais, toi, on te connaît, tu préfères le sport en chambre avec ta rouquine, me charrie Kyle.

Sidéré, je recrache la bière que je venais d’avaler. 

— Je t’avoue, j’adore lui faire l’amour, mais si le basket n’est pas ma tasse de thé, c’est parce que je préfère largement la boxe.

— Mouais, fait Chayton, dubitatif. Je ne vois pas trop l’intérêt de se fracasser la tronche, juste pour le plaisir. 

S’il pense que mon sport de prédilection ne se résume qu’à ça, il est vraiment très loin du compte. C’est tellement plus. Après, je peux le comprendre, lui le pacifiste doit penser que c’est un sport de brutes qui aiment cogner. 

— La boxe, c’est bien plus que ça. Tu développes chacun de tes muscles, tu gagnes en confiance. Sur le ring, tu n’as pas de remplaçant, si tu te blesses, soit t’abdiques, soit tu serres les dents pour clouer ton adversaire au tapis. T’es seul face à toi-même et tes démons. Ça te permet de te défouler, de te libérer l’esprit de tout ce qui t’encombre et de te sentir vivant une fois que tu quittes la salle.

Pendu à mes lèvres, Chayton fronce les sourcils, toujours aussi dubitatif.

— T’as l’air de t’y connaître ? lance Kyle.

Je hoche imperceptiblement la tête. Puis-je leur dire que si je n’étais pas là avec eux, je serais certainement sur le point de passer pro ? Je constate que mes deux potes, même si je les connais depuis un peu plus d’un an, ne me connaissent pas réellement. Bien moins en tout cas que la fille sublime devant moi qui vient d’émerger de l’eau, tout sourire, et plaque ses cheveux flamboyants en arrière. Bordel, qu’est-ce qu’elle est sexy !

— T’en as fait ?

Perdu dans ma contemplation aphrodisiaque, j’ignore lequel de mes deux potes vient de prononcer cette phrase. 

— Ouais, réponds-je sans quitter ma douce des yeux. Sans, j’aurais encore plus mal tourné.

— Et ça ne te manque pas ? Non, parce que vu comme tu en parles ça a l’air d’être une véritable passion pour toi et si jamais ça te branche, je connais une petite salle à moins de vingt bornes du ranch.

Là-dessus, j’ai toujours été clair avec eux sur ma condition. En même temps, pas très compliqué à comprendre, puisque dès qu’ils me proposaient une escapade en dehors de ma zone autorisée, je refusais. 

— Si, ça me manque.  Mais avec tout le taf que j’ai, je t’avoue que j’arrive à m’en passer.

— Si jamais t’as envie d’aller y faire un tour, te gêne pas pour le dire… Bon et si on allait rejoindre nos sirènes. 

Nos ? Bon, ok, Sav est ma meuf et Molly, celle de Chayton, mais il aurait dû utiliser vos, non ? À moins que… Je me tourne vers lui et mes pensées se confirment. Mon pote qui me chambre en permanence à cause de ma jolie rouquine en pince pour sa collègue. Je ne relève pas de suite, mais la journée est loin d’être finie. Tôt ou tard, je trouverai bien un moment pour lui rendre la monnaie de sa pièce. C’est donc avec la banane jusqu’aux oreilles que je finis par descendre ma bière. 

— Pourquoi t’as l’air de vouloir te foutre de ma poire ? se rembrunit Kyle.

Au lieu de lui répondre, je joue avec mes sourcils pour bien le faire chier. L’heure de ma petite vengeance a sonné, mon pote.

— Va te faire foutre, Davis ! cingle-t-il. Si jamais tu lui en touches un mot, je te refais le portrait.

J’explose de rire.

— J’aimerais bien t’y voir. Dans ton équation, t’as oublié que j’ai été boxeur.

— C’est quoi le problème ? intervient Chayton.

— Rien, laisse tomber. C’est entre lui et moi. 

Aussi affûté que ceux d’un aigle, les yeux de notre pote passe de Kyle à moi, en cherchant à capter ce qu’il vient de se passer. Je lève les mains paumes vers le haut, feintant d’ignorer ce qui vient de se produire, pendant que Kyle retire son t-shirt, très mal à l’aise, je crois, de s’être fait griller. 

Tout de suite après, j’en fais de même et file sans demander mon reste retrouver ma belle naïade. Mon arrivée au pas de course asperge les deux qui n’ont pas encore osé se mouiller plus haut que les genoux. Elles pestent contre moi en me traitant de gros connard écervelé. D’un sourire, je les convaincs qu’elles ont complètement raison à mon sujet jusqu’au moment où le corps froid de Sav qui se blottit contre le mien me surprend.

— T’es glacée, grogné-je.

— L’eau est super froide, mais tellement revigorante.

Devant sa mine enfantine, je ne peux que succomber à son charme. Ses démons sont loin derrière elle, tout comme les miens. Satisfait de la voir si épanouie, je fais fi des frissons qu’elle me procure alors qu’elle se colle un peu plus contre moi. Puis, je l’embrasse avec une tendresse dont je m’ignorais capable avant de tomber amoureux. 

— Putain, Ash, tu ne pourrais pas la lâcher un peu qu’on puisse nous aussi profiter de notre copine ! 

Non, jamais.

Amusé par la remarque de Sarah, je souris tout contre la bouche de Sav. Les gars nous rejoignent l’instant suivant et je peux à nouveau goûter aux lèvres de ma rouquine sans être dérangé. Je m’habitue à  la température de son corps qui reste encore frais malgré notre étreinte. Mes mains glissent le long de son dos pour venir se mouler à ses fesses. Ce petit cul que j’adore mater et palper sans aucune discrétion. La chaleur monte dans mon organisme, mes reins crépitent et je me tape une gaule d’enfer alors que nous sommes incapables de nous lâcher. Entre elle et moi, c’est tellement intense. 

Notre bulle explose à l’instant où on reçoit des trombes d’eau sur la tronche.

— Putain ! m’emporté-je. Vous n’avez pas passé l’âge de ce genre de conneries ?

Tous sont hilares, même Sav, devant mon sale caractère. Un frôlement, un simple putain de frôlement sur mon avant-bras de la part de ma chérie, m’apaise aussitôt. D’un regard complice, elle m’indique ses intentions. Elle veut se venger de leur mauvais tour de passe-passe qui a mis un terme à notre baiser. Je hoche la tête, prêt à entrer moi aussi dans le jeu. Et c’est ainsi que nous passons le reste de l’après-midi à nous amuser comme des gosses. C’est tellement bon de se sentir si léger. Depuis combien de temps n’avais-je pas ressenti cette plénitude, cette sensation d’être vivant ? Et tout ça, grâce à eux, mais surtout grâce à elle.

En fin de journée, nous montons les tentes. Taquin, je n’arrête pas de jouer avec Sav qui me râle dessus en retour. Je m’amuse tellement que je perds de vue ce que nous sommes en train de faire et nous terminons bon dernier. Encore heureux, il ne s’agissait pas d’être le plus rapide de l’équipe. L’avantage d’avoir traîné, et de m’être bidonné  à plus d’une reprise, c’est le feu de camp qui est déjà allumé quand nous rejoignons nos potes.

— En tout cas, ce n’est pas grâce à toi qu’on aura pas froid ce soir, grogne Kyle qui s’est sûrement tapé  toute la charge du bois à ramener.

— Moi, si, plaisante ma rouquine en se collant un peu plus contre moi.

— Ouais, j’ai aucun doute sur la manière dont il va s’y prendre… Hmmm Savannah. Oh, oui, Ashton, encore.

Les joues de ma chérie deviennent écarlates sous sa gêne tandis qu’il explose de rire. Avec une autre fille qu’elle, j’en aurais sûrement fait de même, mais là je préfère rester sérieux pour ne pas rajouter plus à son malaise. 

— T’es trop con, intervient Sarah.

D’un coup Kyle redevient sérieux. Il la dévisage quelques secondes, avant d’attraper une brochette sur le barbecue improvisé. Le repas se déroule dans une excellente ambiance. On se marre en se remémorant nos souvenirs de lycée. Seule Sav reste sur la réserve. Vu sa morosité, elle doit certainement penser à son ex ou son ancienne meilleure amie. Ça me fait chier de la voir replonger ainsi en arrière alors qu’on est là, tous les deux, à profiter d’un super moment. Je me penche vers elle et pose un baiser sur le haut de son crâne pour lui rappeler ma présence. Elle me sourit et ça me suffit pour zapper que, juste avant, elle ne pensait certainement pas à moi.

— Et si on jouait à « je n’ai jamais », lance Molly. Ça pourrait être drôle.

D’un commun accord, on se lance dans le jeu. Les premières phrases sont plutôt softs, on apprend ainsi à se connaître un peu plus, mais très vite le jeu dégénère. Du moins en ce qui me concerne.

— Je n’ai jamais couché avec la copine de mon frère, lance Kyle en me fixant.

Personne ne boit sauf moi. Ce petit con l’a fait exprès pour me foutre mal à l’aise. Son sourire goguenard me le confirme. Il veut jouer, très bien, on verra qui aura le dernier mot.

— Tu n’avais pas à boire, me chuchote Sav. Ton frère n’était pas mon mec.

En guise de réponse, je pose mes lèvres sur son front et comme c’est à mon tour de prendre la parole, je porte mon attention sur Kyle et me lance : 

— Je n’ai jamais eu envie de foutre Sarah dans mon lit.

La grimace de Kyle m’arrache un sourire. C’est un prêté pour un rendu, mon gars. Il fixe la brune, puis sa bouteille, puis moi. Je n’en perds pas une miette. Son hésitation me fait sourire comme un con. Sous le regard de la principale intéressée , mon pote finit par poser sa bouteille sans avoir descendu une seule gorgée. Et à voir le sourire ravageur que lui lance Sarah, il n’y a aucun doute qu’ils vont passer une excellente nuit tous les deux.

— Tu m’expliques, mon cœur ? me questionne Sav en fronçant son petit nez.

Mon organe vital manque un battement devant ce surnom. Putain, me voilà à raffoler de ce genre de petits noms ridicules ! Dès que mes ex tentaient de le faire, j’avais tendance à me renfermer, mais là je suis comme un gosse devant une énorme barbe à papa. 

— Tu sais que tu me plais de plus en plus, Cortes ?

Son sourire me donne envie de l’emmener sous la tente maintenant, d’autant plus que sous ma cage thoracique, c’est carrément la salsa à présent. Bon, devant son air de diablesse, je ne parle pas de ce qui se passe sous mon froc.

— Je n’ai jamais dit « je t’aime », entends-je Molly prononcer.

Tout le monde boit et moi j’hésite entre murmurer ses trois mots au creux de l’oreille de ma belle ou garder ma bouteille à sa place. En même temps, si je n’avais pas autant la trouille des conséquences, ça serait fait depuis longtemps. Depuis l’instant même où je me suis rendu compte que j’étais totalement et irrévocablement amoureux d’elle. J’hésite encore quand Kyle reprend la parole.

— Je ne suis jamais resté plus de six mois sans coucher. 

À nouveau au tour de mon pote et à nouveau quelque chose qui m’est destiné. 

— C’est quoi ton foutu problème, Kyle ? Tu me cherches des noises ou quoi ?

Devant ma réplique, l’ambiance se plombe. Tous m’observent comme si en l’espace d’un instant, j’étais devenu un foutu alien, même Sav. Puis tous boivent et moi je reste à rager intérieurement en fixant ma bouteille.

— Sérieusement ? T’es vraiment resté plus de six mois sans baiser ? Bordel, mec, comment t’as réussi à tenir ? me chambre Chayton.

— Ouais, avec la taule et Harper qui voulait attendre, je suis resté plus de dix-huit mois sans le faire. Mais depuis que je suis avec Sav, je me suis bien rattrapé. 

— Donc pour toi, je ne suis là que pour te combler de ce coté là, grogne ma rouquine.

Je tourne aussitôt la tête vers elle. Vexée, elle a croisé les bras sur sa poitrine et fulmine en fixant l’horizon. D’un doux mouvement de mes doigts sur sa joue, j’attire son visage vers moi.

— Il n’y a pas que ça, princesse. Ne va pas t’imaginer n’importe quoi !

— Et y a quoi d’autre ?

Devant sa colère, je me sens comme un enfant sur le point de se faire réprimander. 

— Je suis dingue de toi. De ton corps. De tout ce que tu es… Je t’aime, Savannah, murmuré-je à son oreille pour qu’elle seule m’entendre.

Les derniers mots se sont échappés sans que je ne puisse les retenir. Le cœur à l'agonie, j’attends sa réaction, mais elle reste là à m'observer sans réagir. Était-ce trop tôt ? Est-ce que ses sentiments pour moi sont différents ? J’ai à présent la trouille de sa réaction, de ce qu’elle pourra dire et qui risque de me donner l’uppercut le plus violent de toute ma vie. De son abandon. Ses iris s’arriment aux miennes. J’ignore ce qu’elle cherche à déceler dans mes pupilles, mais elle semble sonder mon âme avec intensité. 

— Je t’aime, répété-je, cette fois conscient des parolesqui quittent mes lèvres. 

Elle pose sa main sur ma joue et je m’y blottis.

— Je t’aime aussi, me déclare-t-elle.

D’un coup, je viens d’être propulsé au paradis. J’espère juste, tout au fond de moi, que sa déclaration ne va pas se transformer en malédiction. Sans prêter gaffe aux ricanements de mes potes dans mon dos, je me lève, tends la main à mon amour et nous nous dirigeons vers notre tente. Derrière la toile, à l'abri des regards indiscrets, je veux lui prouver que mes mots ne sont pas des paroles en l’air et que les siens me touchent bien plus qu’elle  peut l’imaginer.

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