Chapitre 24 - 1403 -

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Chapitre 24

Rejoint par Karlo et Stazek nous finissons la nuit au Puma qui demeure notre repaire malgré notre réussite. La colère étant passée, je laisse place à la réflexion, nous n’avons pas beaucoup d’options devant nous. Mes deux compères me supplient de présenter mes excuses à Hubert, tandis que je reste convaincu que nous devons dégotter un nouvel associé.

— Scar a raison… me soutient Tito. Au pire, on pourrait travailler en direct avec le gars d’Hubert…

— Encore faudrait-il le connaître…

Je suis épuisé par cette conversation. Je voudrais oublier cette soirée maudite qui a fait ressurgir tous mes démons. Je me trouve de nouveau de l’autre côté du mur, assailli par la colère, à devoir contempler cette richesse qui demeure une barrière entre Agnès et moi. J’aimerais changer ma condition, être quelqu’un de respectable, accéder à leur milieu fermé. Retrouver Agnès et avoir une vraie discussion avec elle. Comprendre comment nous en sommes arrivés là, pourquoi elle n’est jamais revenue au Puma, pourquoi elle ne m’a pas recontacté.

J’ai si mal de savoir qu’elle va se marier, avec cet imbécile par-dessus le marché. Pourquoi l’a-t-elle choisi lui plus que moi ? J’ai eu beau essayer de l’oublier le constat est là : je suis malheureux !

Je bois pour cesser de penser. Mes amis parlent et s’interrogent. Je n’ai plus envie de trouver une solution ce soir, de trancher, de me positionner. J’ai besoin d’analyser la situation et pour le moment je n’y arrive pas. Elle occupe toutes mes réflexions, toute ma tête, tout l’espace. Entre deux coupes avalées cul sec pour chasser les images affreuses d’Agnès en mariée, je fume. Je voudrais quelque chose de plus fort cette nuit, une substance qui détruirait le négatif pour ne conserver que le positif. Un produit qui embellirait ma vie. Non, je dois garder les idées claires, je ne suis pas un camé, un drogué. Je suis simplement saoul. Je coupe la parole à Karlo et m’appuie sur Stazek pour annoncer que je vais rentrer.

— Déjà ? me demande Tito.

— Reste si tu veux…

— On peut te ramener ! propose Karlo.

— T’es en état de conduire ? se soucie Tito.

— Ça va !

Pour le leur prouver, je me tiens droit, debout…

Je salue les videurs en sortant et me dirige vers mon coupé sport. Le parking est lugubre et le lampadaire au-dessus de ma voiture isolée ne fonctionne plus. Je ne m’inquiète jamais de l’endroit où je range ma bagnole, Diabla est dedans pour veiller sur elle.

J’appuie sur le bouton et les clignotants se mettent en marche. Ma chienne est à l’intérieur, assise sur le siège du conducteur. D’habitude, elle couine pour exprimer sa joie quand elle me voit, mais à ce moment-là, elle aboie de manière agressive avec insistance et gratte à la vitre. Je comprends que quelque chose l’inquiète et avance ma main sur la poignée de la porte afin de rassurer ma fidèle compagne et la libérer au plus vite.

Je n’ai pas le temps de me retourner que je reçois un choc violent sur la tête. Assommé, je tombe à terre. Les coups pleuvent, sans pouvoir me défendre ni me protéger. J’en prends dans le ventre, dans le torse qui me bloque la respiration et les plus ardus sur le crâne. Je me recroqueville en position fœtale et compte les secondes, je me bats contre moi-même pour tenir bon, pour ne pas perdre connaissance face à la douleur qui m’assaille de toutes parts. Je serre les poings et les dents en priant pour que cela cesse. Je me retiens de hurler malgré la souffrance insupportable que j’éprouve. Les secondes sont interminables, les minutes et les coups n’en finissent plus. Il fait nuit, je suis au sol, mes yeux sont si enflés que je ne vois plus rien.

Quand enfin tout s’arrête, je suis aveugle, sourd, vide, quasi mort. Il me semble que ma tête va exploser, que mon cœur est bloqué, je n’éprouve plus rien, mon cerveau est comme anesthésié par la douleur si vive. C’est une détonation intense qui me plonge un peu plus dans l’enfer. Je connais les coups de fusil, c’était moins puissant, plus rapide.

Durant quelques instants, je me demande si l’on m’a tiré dessus. Je n’ai pas plus mal que tout à l’heure et ne ressens pas de blessure supplémentaire. Ma tête continue de bouillonner, mais j’arrive à lever le bras pour me toucher le visage. J’entrouvre les yeux. Cela est très difficile. L’obscurité s’estompe petit à petit et la lueur d’un lampadaire un peu éloigné apparaît. Je reconnais la silhouette d’Hubert qui s’en va, entouré de quatre hommes. Il n’a pas compris mon message lors du dîner. Il se veut le plus fort.

Je me détends, m’aide des bras pour me redresser à grand-peine et tenir assis comme je peux, adossé à la voiture. J’aperçois mes mains recouvertes de sang, je suis bien amoché, merde ! Il n’y a plus personne autour de moi, ils ont bien choisi le moment. Ils étaient plusieurs sur moi, ces races de mort. Le lâche, il n’a pas eu le courage de m’affronter seul.

Je reprends mon souffle, enfin. Mon thorax me fait mal à chaque respiration. Je dois avoir des côtes cassées. Lorsque je me tourne vers ma voiture, j’aperçois une vitre explosée et des morceaux de verre un peu partout. J’émets aussitôt un sifflement pour appeler Diabla. Aucune réaction… Je siffle à nouveau et insiste en tentant de me lever. La peur remplace la douleur. Je suis effrayé par ce que je vais découvrir.

Où est Diabla ? Pourquoi ne répond-elle pas ? Je la nomme en ramassant mes clefs tombées par terre durant la bagarre et m’acharne à me hisser jusqu’à elle. Elle gise sur mon siège, une plaie ronde entre les deux yeux.

— NOOONNN ! Diabla ! Diabla !

J’ouvre la porte pour la secouer, lui remue la tête, je hurle, je crie tout mon désespoir de la découvrir ainsi, ma plus fidèle amie. Pourquoi ? Pourquoi elle ? Il a tué ma chienne. Je suis anéanti, si triste, si malheureux. Le chagrin que je ressens à ce moment-là est insupportable. Je ne maîtrise plus vraiment mes gestes. Je pousse Diabla sur le siège passager et me hisse tant bien que mal au volant. J’essuie mon visage d’un revers de manche tandis que des larmes mélangées au sang me coulent jusque dans le cou. Je démarre la voiture pour foncer droit devant. Sans réfléchir, je conduis à une vitesse folle. Dans un premier temps, je veux me rendre chez Hubert pour lui faire la peau. Je vais le tuer, il va payer ce qu’il m’a fait. Je suis capable de le saigner avec mon couteau. J’ai aussi mon fusil dans le coffre… Il doit souffrir comme il me fait souffrir ce soir. Celui qui s’en prend à moi hérite des pires représailles.

Et puis, la douleur dans mon thorax me rappelle à l’ordre. Les larmes salées qui roulent encore et encore sur mon visage me brûlent. Je ne distingue plus très bien la route à cause de mes paupières gonflées. Une longue plaie sur ma main gauche me tiraille et m’empêche de saisir comme il faut le volant. Je dois reconnaître que je ne suis pas en état d’affronter Hubert et ses mercenaires. J’espère ne croiser personne, je zigzague, car j’avance un peu à l’aveugle. Chaque mouvement de tête me vrille le crâne, j’ai de plus en plus de mal à respirer et me tenir assis.

Alors je file à vive allure, complètement amoché, toujours droit devant, jusqu’à me retrouver au pied de l’appartement d’Agnès. Pourquoi là ? Je n’en sais rien. Je ne souhaite qu’une chose, qu’elle soit présente. Je descends de voiture et sonne à l’interphone avant de me laisser glisser au sol. La douleur est trop grande, je ne tiens plus debout. La douce voix d’Agnès répond et j’arrive à murmurer :

— C’est moi ! Agnès, s’il te plaît ! Aide-moi !

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