Chapitre 5 - 2/2

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INFORMATION IMPORTANTE : J'ai remplacé le prénom de Lila par celui d'Ambre parce que j'ai soudainement remarqué que Lisa et Lila étaient trop proches. Et puis je n'aimais pas trop Lila XD Désolée d'avoir soudainement changé d'avis... Dernière chose : je crois que ce chapitre est encore bizarre alors... j'espère que ça ne dérange pas trop. Je ne suis pas encore certaine de ce que je suis en train de faire. Pardon d'avance >_<


L’ombre dansante d’Ambre se découpe à la clarté de la lune dans une étroite ruelle. Sa démarche chaloupée ressemble à une valse avec un compagnon imaginaire. Je chasse cette image de mon esprit alors je m’apprête à la rejoindre, mais elle se tourne brutalement vers moi et stoppe net ma course d’un regard.

— Tu sais danser ?

Je cligne des paupières à plusieurs reprises. Ma vue ou mon ouïe sont-elles en train de me jouer un vilain tour ? À moins qu’il ne s’agisse de mon esprit qui s’est égaré dans un rêve aux dimensions fantastiques.

— Raphaël.

Ambre se rapproche de moi avec cette allure gracieuse qui s’apparente à celle d’un félin guettant sa proie. Me voilà dans la peau de la petite souris faisant face au chat.

— Est-ce que tu sais danser ?

Je n’en ai aucune idée. À cet instant, il me faudrait un dictionnaire pour redéfinir les critères exacts qu’impliquent le verbe « danser ».

— Pe… Peut-être.

Elle me regarde en souriant et glisse sa main dans la mienne de manière tout à fait naturelle. Je frissonne lorsqu’elle pose sa seconde ma main sur mon épaule.

— A… Attends !

On ne peut pas danser en pleine rue au beau milieu de la nuit. On n’a même pas de musique pour marquer le rythme. On ne peut pas danser sans raison, juste sur un coup de tête, entre parfaits inconnus. Pourquoi veux-tu danser maintenant, dans ces conditions et avec moi ?!

C’est ce que j’aimerais dire, mais les mots restent coincés au fond de ma gorge, et je suis persuadé que même s’ils arrivaient par miracle à sortir de ma bouche, ils seraient craquelés et tremblotants.

— Parce que, Raphaël. Parce que. Il n’y a pas d’autre explication. Juste, parce que. Alors arrête de réfléchir sans cesse et laisse-toi vivre.

J’aimerais appliquer son conseil, mais c’est vraiment difficile lorsque la personne qui nous le donne est une fille rencontrée il y a à peine quelques heures. Ne pas réfléchir, hein ? Comment suis-je censé y arriver alors que je n’ai qu’une envie : te demander comment tu sais tout ça !

Ambre fait un pas en arrière et m’attire dans son sillage. Je suis entraîné par ses mouvements aussi volatiles que puissants. J’ai abandonné depuis longtemps l’idée de me débattre ou de protester, ensorcelé par quelques mots, un sourire charmeur et des yeux azurés. Je me laisse guider dans une valse alors que je ne sais pas danser, alors qu’aucune musique ne vient bercer l’atmosphère et que nous sommes en plein milieu de la route.

Je suis sûrement un peu ridicule, un peu maladroit et un peu risible. Peut-être devrais-je m’arrêter tant que ma dignité n’est pas encore trop abîmée. Mais j’ai perdu toute envie de quitter le contact brûlant de ses doigts contre ma peau. Je ne veux plus qu’elle s’arrête de sourire à la lune. Je ne veux plus que son regard se pose sur un autre que moi. Pour une fois, je veux juste me montrer égoïste et simplement profiter de l’instant, loin de tous mes problèmes, loin de ma vie et loin de toi.

Ambre me lâche soudainement. Elle éclate de rire. Juste… comme ça. Sans raison, mais avec toute la sincérité du monde. Je laisse retomber mes bras, sans trop savoir quoi en faire maintenant qu’ils ne tiennent plus l’une des plus belles créatures au monde. Je n’avais encore jamais ressenti une telle sensation de maladresse. Mon corps tout entier me paraît maladroit et pataud. Et elle… Ni le terme d’ange, ni celui de démon ne pourraient lui convenir, tant son existence même ne répond à aucun critère connue.

— Tu danses vraiment mal ! Mais je suppose que tu le sais déjà.

Je hausse les épaules pour lui faire comprendre que je n’ai jamais prétendu savoir danser. Malgré la chaleur de l’été, une bourrasque me tire un frisson et emporte avec elle le sourire d’Ambre. Elle ferme les yeux pour savourer la caresse d’un amant imaginaire contre sa peau. Mon cœur loupe un battement. On dirait tellement… toi.

— Est-ce que je t’ai effrayé ?

Je ris nerveusement. Demander ça après m’avoir entraîné dehors pour danser au milieu de la rue et m’avoir murmuré des paroles incompréhensibles… Qu’elle s’en préoccupe soudainement est plus effrayant que touchant. Nous échangeons un regard incompréhensible.

J’essaye de répondre à sa question, mais les mots se coincent au fond de ma gorge. Je retente une nouvelle fois de prononcer quelques mots, en vain. Je serre les poings à m’en faire blanchir les jointures. J’aimerais m’énerver, me débattre avec moi-même, m’arracher les cordes vocales pour avoir la force de produire un son. J’aimerais pouvoir hurler, ne serait-ce qu’un instant.

Résigné, je sors mon portable pour taper une note que je lui montre. Elle se penche avec curiosité, l’ombre d’un sourire accroché à ses pommettes.

« J’ai l’air effrayé ? »

— Tu as l’air en manque.

Sa réponse me désarçonne. Me prend-elle pour un drogué ou quelque chose s’en approchant ?!

« En manque de quoi ? »

— Oh ça… D’amour, de gentillesse, de passion, de vie… Je n’en sais rien ! Ou tout du moins, je n’en savais rien. J’ai eu la confirmation il y a quelques instants.

J’aimerais vraiment faire un test d’alcoolémie actuellement. Si tout ceci n’est pas un rêve, je ne peux pas croire être totalement sobre en faisant face à ce genre de personne.

« Si tu as eu la confirmation de ce que tu cherchais, de quoi suis-je en manque ? »

Ambre pose un doigt sur ses lèvres. Le sourire qu’elle affiche m’attriste sans que je ne puisse en comprendre la raison.

« Pourquoi tu m’as amené ici ? À cause de cette histoire de manque ? »

— Pourquoi faut-il qu’il y ait toujours une raison à tout ? On est triste parce qu’on a vécu un événement malheureux, on est heureux parce qu’on est entouré des gens qu’on aime, on est amoureux parce qu’on est fait l’un pour l’autre… Tu crois vraiment à ça ? Il n’y pas besoin d’une raison pour ressentir des choses ou agir sur un coup de tête.

Elle me regarde à nouveau avec cette malice et cette lueur indéchiffrable. Un éclat d’étoile sur le point de faire chavirer mes mondes. Ambre monte sur le trottoir lorsqu’une voiture passe. Elle flâne sur quelques mètres avant de s’arrêter brusquement devant une voiture noire. Alors que je la suivais jusqu’à présent en silence, un pressentiment me somme d’arrêter quelque chose qui n’est pas encore arrivé. Quoi qu’elle puisse avoir envie de faire, ce n’est certainement pas une bonne idée…

— On vole cette voiture ?

— NON !

Le son de ma propre voix me rassure. J’avais peur de ne plus être capable de prononcer un seul mot avant plusieurs jours, mais il semblerait que les situations d’extrême urgence soit toujours une solution à mon silence. Néanmoins, je suis prêt à employer la force pour empêcher Ambre de commettre un délit.

— Je rigolais, me taquine-t-elle.

Elle passe un doigt sur le toit et finit par s’assoir sur le parechoc. Je prie pour qu’aucune alarme ne se déclenche ou que, pire encore, des policiers débarquent et nous arrêtent. Je ne saurais même pas quoi donner comme explication pour justifier notre comportement… Il vaudrait sans doute mieux que je me déclare ivre directement pour éviter les complications.

— Est-ce que tu as déjà vu des lys s’enflammer ?

Que raconte-elle encore ? Je secoue la tête de droite à gauche dans l’espoir que cette conversation s’arrête là. J’en viendrais presque à regretter d’être sorti. Je veux retourner dans l’appartement de Lucas, me bourrer la gueule et oublier cette soirée où la lune s’est décidée à me séduire.

— Certains papillons ne peuvent pas se contenter des fleurs les plus banales. Ils sont en quête d’autre chose, d’un idéal inaccessible. Ils cherchent la plus belle des fleurs. Celle qui sera parfaite.

Elle s’interrompt le temps de reprendre sa respiration, puis reprend :

— Mais cette fleur n’existe pas. Ce que les papillons cherchent en réalité, c’est la lumière des étoiles. Et je me dis parfois… souvent… que s’ils pouvaient atteindre cette éclat, ils s’y brûleraient.

J’ai la sensation que, pour une fois, Ambre ne parle pas de moi. Je ne suis même plus certain du destinataire de ses paroles. Peut-être que ses mots sont adressés à une tout autre personne.

— Je suis désolée Raphaël.

Je me place devant elle pour ne plus la quitter des yeux. Je ne suis pas un papillon en quête de la lumière des étoiles, mais je ressens cette brûlure dont elle parle, au contact de l’azur de ses prunelles. C’est un océan qui n’est jamais calme. Des vagues qu’aucun bateau ne pourra jamais dompter. Une énième fois, je me demande qui est Ambre.

— Je me sers de toi. J’utilise ta douleur pour me préserver de la mienne.

Pour la première fois depuis que je la connais, Ambre arbore un visage grave. Elle murmure alors quelque chose que je ne comprends. Quelques mots que je crois pourtant deviner, sans savoir comment je peux les connaître.

« Je suis un papillon à la recherche des étoiles ».

Je me redresse et tourne les talons. Mes pas se muent en course effrénée. Je fuis cette fille, ses idées sans queue ni tête, ses paroles envoûtantes. J’ai peur de tomber sous son emprise et de ne plus pouvoir m’en défaire. Son dernier aveu ne fait que me conforter dans l’idée que nous n’avons rien à faire ensemble. Pourtant, une petite part de moi, rien qu’une petite, souhaite faire volte-face et la retrouver…

J’arrive devant le bâtiment de l’appartement de Lucas, essoufflé. N’ayant aucune envie de retrouver l’ambiance étouffante de la fête de mon ami, je préfère m’assoir sur les marches et attendre Ambre. Oui, je suis fou de vouloir l’attendre et de ne pas simplement retourner à l’intérieur. Je suis fou, fou de tristesse…

Je ramène mes genoux contre ma poitrine et pose ma tête contre eux. Je veux me réveiller ou décuver ou simplement que le monde disparaisse. J’ai soudainement envie d’être quelqu’un d’autre. Avoir l’opportunité de changer de rôle, de ne plus être moi. Je ne veux plus être moi…

Cette pensée est aussi aiguisée que le sentiment qui s’en accompagne. Je ne devrais pas penser ainsi, j’ai tellement de chance comparé à d’autres. Le but n’est pas d’être quelqu’un d’autre mais de m’accepter tel que je suis. C’est peut-être bien plus dur, mais c’est ce qui est important. Plus important que le reste. Plus important que toi…

En sentant une larme s’échapper de mes paupières, je m’imagine une autre vie, comme j’ai pu le faire tant de fois auparavant. Un monde dans lequel mon frère et mes parents seraient toujours là. Où je rigolerais avec mes amis insouciamment. Une réalité parallèle dans laquelle je ne t’aurais jamais rencontré et où je n’aurais jamais eu à souffrir à ce point.

Un bruit de pas me tire de mes rêves éveillés. Je relève la tête pour faire face à Ambre qui fixe mon visage comme si elle pouvait y discerner toutes les pleurs qui l’ont strié. J’essuie les derniers restes de ma tristesse du revers de ma manche.

— P-pourqu… quoi ?

Ma voix qui se fendille est un calvaire. Mais Ambre a déjà compris le sens de ma question. Pourquoi m’avoir emmené avec elle ? Pourquoi toutes ces paroles ? Pourquoi cette danse ? Pourquoi…

— Je n’ai dansé avec toi pour une seule raison.

Et j’aimerais la connaître.

— Pour que tu admettes que ce n’était pas avec moi que tu voulais le faire.

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