Les retrouvailles

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Samedi 15 avril, 10 heures

Une automobile klaxonna. Dimitri repositionna le petit Bouddah au centre de la vitrine avant de sortir accueillir son ami. Personne d'autre ne pouvait jouer de l’avertisseur de si bonne heure ?

Le quadragénaire ne s’était pas trompé, Christophe l’attendait, tout sourire, près du porche.

— Alors vieux, comment ça va depuis le temps ?

— Impec, ça fait du bien de revenir. Le soleil m’avait manqué, adressa Dimitri avec un clin d'oeil à son camarade. 

— Ah ouais, pas trop triste de quitter la grisaille parisienne ?

— Pas le moins du monde ! Les embouteillages ne vont pas me manquer non plus, claironna Dimitri.

— Bon, passons aux choses sérieuses. T'en es où dans tes préparatifs. Il est déjà dix heures passées, les autres ne vont pas tarder !

— Il ne reste plus qu’à installer les tables de salon sur la terrasse et les dresser. Il y en a une que l’on mettra pour le traiteur. Il arrive vers midi donc on a tout notre temps.

— Tu retrouves vite des habitudes méridionales, rit Christophe.

— Allez, on s’y met, sinon on va être en retard, s’amusa Dimitri.

— Là, je te retrouve ! Taquina Christophe.

Dimitri entraîna son ami au fond du jardin, vers la remise qui abritait un tas hétéroclite d’outils de jardinage, un établi de bricolage ainsi que deux tables et une douzaine de fauteuils de jardin.

Ils commencèrent par installer les tables puis revinrent prendre les chaises. Au bout de quelques allers-retours, l’installation prit forme. Il ne restait plus que le dressage.

Les deux compagnons nappèrent puis Dimitri posa le ruban argenté enrobé de ses paillettes au milieu. Ensuite, il plaça les assiettes, les verres ainsi qu’une cigale en cristal à la place de chaque convive. Sans oublier une serviette en tissu enroulée contenant les couverts de chacun.

Enfin, le nouveau propriétaire des lieux sublima le tout avec ses Adonis du Printemps dans des vases finement décorés de cigales dorées.

Christophe se recula pour obtenir une vue d’ensemble et lança :

— Je crois qu’on est fin prêt.

— Ouep. Il ne reste plus qu’à installer la taulo pour le trataire, chantonna l’hôte des lieux.

— Je te suis.

Les deux amis retournèrent vers la remise. Dimitri montra alors des tréteaux et une longue planche en bois qu’ils ramenèrent pour monter le meuble qui supporteraient les plats colorés du repas.

À peine eurent-ils terminés qu’un klaxon annonça l’arrivée du professionnel de bouche.

— On a eu chaud ! s’exclama Christophe.

— Pile à l’heure, renchérit Dimitri en invitant d’un geste de la main son compagnon à le suivre.

Il prit la télécommande du portail, dans le salon, avant de revenir l’ouvrir. La camionnette s’avança sous la houlette de Dimitri qui guidait le conducteur. Ensuite, ils montèrent une chaîne humaine pour sortir les victuailles et les agencer sur le buffet improvisé.

— Voilà, c’est tout bon messieurs. Amusez-vous bien.

— Merci bien. Passez une bonne journée.

— Oh. Elle sera bonne. Ne vous inquiétez pas pour moi, conclut le traiteur d’un sourire contagieux.

Après son départ, Dimitri proposa une bière à Christophe avant l’arrivée des autres. Cependant, à peine avait-il goûté le nectar que le bruit significatif d’une moto parvint à leurs oreilles.

— Ne me dis pas que Maxime fait toujours le fada avec ses montures mécaniques ? sourit Dimitri

— Il ne fait plus de rodéos dans le vieux port ni près des Calanques, il s’est assagi le gaiard !

— Par contre, il aime toujours les virées à ce que je vois. Allons l’accueillir, termina Dimitri bon enfant en se dirigeant vers le portail, Christophe à sa suite.

La bouche du nouveau propriétaire des lieux forma un « O » de surprise en remarquant la passagère de Maxime. Il ne s’imaginait pas un couple aussi mal assorti, du moins avant, car aujourd'hui, avec son blouson en cuir et sa chevelure brune cascadant jusqu’au milieu du dos, Astrid aurait pu faire succomber n’importe quel homme, loin de l’image de la première de la classe qu’elle renvoyait à l’époque.

La métamorphosée s’amusa de l’étonnement de son hôte en lançant :

— Ne reste pas là à bader et viens me caligner !

Christophe bouscula son vieux pote pour qu’il émerge. Ce dernier semblait perdu dans les limbes du passé !

Dimitri se reprit enfin en venant à l’encontre des deux nouveaux arrivants et en les enlaçant.

— Je me gaudis de vous revoir.

— Comment tu trouves ma nouvelle bécane ? s’enquit Maxime.

— Elle en jette !

— Et niveau vitesse, je te garantis qu’elle en a dans le ventre.

— On la pousse seulement sur les circuits, je te rassure, lança Astrid en adressant un clin d’œil à son compagnon.

— C’est bien de discutailler mais si on entrait, proposa Christophe. C’est l’heure de la goustade.

— Bien dit Boubou !

— Ne vous jetez pas sur le buffet avant l’arrivée des autres, taquina Dimitri.

— C’est toi le capo, conclut Maxime en passant le portail.

Les nouveaux venus s’extasièrent devant le coin floral et la statue de la déesse grecque qui en protégeait du soleil les plus fragiles avant de se diriger vers le buffet.

Astrid demanda lascivement, en jouant avec sa crinière :

— Tu es sûr de vouloir attendre les autres pour goûter ce festin ? Ces verrines me dévorent des yeux.

— Doucement ma belle, j’en veux également, susurra Maxime en mordillant le lobe de sa compagne.

— Il fait soudain chaud les amoureux, si vous voulez, j’ai un endroit parfait pour vous, dit Christophe en désignant de la main, le petit cabanon.

— C’est encore un peu tôt, mais pourquoi pas un peu plus tard, j’ai toujours eu envie de découvrir les joies de carachouno dans un agachoun, rit Astrid en se déhanchant sensuellement.

— En attendant, je peux vous proposer une bière.

C’est alors qu’un nouveau klaxon interrompit la discussion.

— Décidément, à chaque fois que tu me propose une bière, on est dérangé, pouffa Christophe.

— Va savoir, c’est peut-être un signe, lança Dimitri, jovial.

Dans la rue, stationnait une berline bleu métallisé du plus bel effet. En descendirent un couple ainsi qu’une espiègle petite fille de six ans qui se précipita dans les bras de Christophe en lançant des « Boubou » à pleins poumons.

— Doucement trésor, Boubou n’est pas sourd, taquina le papa de la puce, un solide gaillard d’un mètre quatre-vingt dix et d’une bonne centaine de kilos.

Puis aux autres, il lança malicieusement: :

— Elle s’entraîne pour Catariska.

— Cata, quoi ?

— Catariska, ce sera la diva opérette de ma nouvelle création.

— Un vrai petit bourreau, il teste les rôles à sa famille ajouta Coraline, en adressant un clin d’œil à son époux.

— Il t’a choisi quel rôle ?

— Celui de Violette, une rêveuse qui, contrairement aux apparences, ne manque pas de mordant. Elle a moins de vocalises que la Triska, mais a un sacré vanc dóu tron ! répliqua Coraline avec emphase.

Sylvain embrassa sa femme dans le cou en lui chuchotant :

— Tu serais parfaite pour ce rôle.

Un autre coup d’avertisseur sonore signa la fin de cet intermède. Tous se précipitèrent dans la rue pour rencontrer le nouvel arrivant.

D’une familiale noire sortit une femme assez ronde d’une quarantaine d’années, le visage avenant teinté de quelques tâches de rousseur rappelant l'auburn de ses cheveux, coupés courts, suivi d’un homme longiligne, grand, dans les un mètre quatre-vingt-dix, les cheveux noirs de jais, également tout sourire. Deux garçons d’une dizaines d’années les rejoignirent aussitôt, ils se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, de vrai jumeaux qui n’avaient pas encore envie de se différencier : même taille, même poids et même habits !

Christophe s’avança vers Seb et Bastien en s’écriant :

— Vous êtes encore plus beaux que d’habitude les pitchouns.

— Et moi alors ? demanda Samatha, faussement jalouse.

— Tu sais bien que tu es l’orchidée de cette famille, répliqua Christophe en la serrant dans ses bras.

— Toujours aussi charmeur, toi. Tu n’as pas changé.

— Pourquoi changer les vieilles habitudes. Mais on ne va pas rester sur le trottoir alors que la gaudinette nous attend.

— Toujours le premier pour festoyer toi, s’amusa Samuel.

— Hé. Regardez qui arrive avec son chapeau à violettes, s’égaya Coraline.

Du coin de la rue, venait vers eux une femme d’une quarantaine d’années de taille et de poids moyen, une robe aux motifs de pivoines rose pastel, des escarpins beiges et comme l’avait annoncé Coraline un chapeau à violette. Dimitri l’accueillit tout sourire,

— Toujours aussi radieuse Isabelle.

— Bienvenue chez toi, Dim. Tu nous avais manqué. Viens donc par là. Maintenant que le virus s’est envoularé, on peut à nouveau se caligner !

— C’est bien beau tout ça, mais ça ne remplit pas l’estomac, interrompit Christophe malicieusement.

— Tu as raison, il est temps de déjeuner, conclut Dimitri d’un geste de la main afin que ses invités entrent dans le jardin.

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