SUITE 3 et fin

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La seule vie sociale de Blanche Neige reposait sur une amitié fraternelle qui liait le couple aux nains. Les projets professionnels de Gontran les avaient même rapprochés de sorte qu’ils ne se sont jamais perdus de vue au cours de ces vingt années. Joyeux et Grincheux ont été les premiers à rejoindre l’équipe de Gontran qui dirigeait sa société de constructions immobilières et d’urbanisme. La bonhomie de l’un compensait le mauvais caractère de l’autre mais leur implication sur les chantiers était sans pareil. Le charisme de Joyeux appuyé des relations de Gontran dans le royaume a permis de développer l’affaire à tel point que sa réputation de travail sérieux avait supplanté la renommée de sa femme de par sa beauté transfigurée ou de son tragique destin.

Simplet, moins à l’aise avec des expériences nouvelles mit plus de temps à intégrer l’équipe mais ne fut pas longtemps en reste car un poste lui a été réservé : il assistait le responsable des achats pour s’assurer de la conformité du matériel reçu et à part quelques erreurs anodines exceptionnelles, Gontran avait une totale confiance en lui. Timide eut plus de mal à trouver sa place car il hésitait et tergiversait pour choisir quel métier choisir, quelle tache dans l’entreprise lui conviendrait pour s’épanouir. Il avait renoncé de travailler à la pierre de taille, malgré sa compétence acquise dans les grottes, et pourtant si demandée dans les demeures de standing. Après s’être noyé dans les affres de la plomberie, il a essuyé un échec dans le domaine la peinture, puis il s’est cassé les dents sur la maçonnerie. À l’heure de la fibre optique, il a envisagé de s’y consacrer convaincu par Dormeur de le suivre dans ce nouveau projet.

- Si seulement Atchoum pouvait être là avec nous… dire que mon père s’en est pris aussi  à lui, ce petit être sans défense !" se lamentait Blanche Neige. Elle faisait allusion à cet ami disparu qui lui manquait toujours quand elle avait un moral en berne, encore plus que de coutume. Atchoum, le plus faible des nains avait succombé des suite d’un problème pulmonaire accentué par un trop-plein de poussière inhalée sur des travaux lors de sa présence sur   différents chantiers. Personne ne l’a mentionné ouvertement mais tout le monde avait à cette époque soupçonné Adélard le père Blanche Neige d’avoir soudoyé un employé, collègue d’Atchoum pour le pousser à sa perte en envoyant ce dernier examiner un chantier de démolition infesté de poussière et d’amiante. Atchoum, soumis à son supérieur et soucieux de bien faire, s’était abstenu de faire allusion à son allergie à la poussière ; complexé, il refusait toujours de mentionner cette insuffisance notoire et elle aura eu raison de sa santé en l’emportant à jamais. Peu de temps après sa disparition son chef d’équipe avait démissionné pour une vie désormais oisive prétextant un héritage soudain.

Soudain un coup fort et puissant retentit sur la porte d’entrée de la cabane de Prof comme si on voulait la défoncer. Exhortés de leurs pensées moroses, Prof et Blanche Neige sursautèrent. 

  •  Tu attends quelqu’un ? Demande Blanche Neige

Prof n’a pas le temps de répondre que dans l’immédiateté de sa question, la porte s’ouvre avec un rai de lumière laissant apparaitre Gontran sur le seuil. Il rentra dans la pièce plongée dans la pénombre. Son visage radieux éclairait à lui seul la pièce et surprise de cette entrée théâtrale, Blanche Neige et Prof le regardaient sidérés. Survolté, il parlait avec précipitation, hurlait presque. Il avait abandonné la retenue polie qu’il affichait à l’ordinaire :

 -   Ma mie ! Vous êtes bénie ! je savais que je vous trouverai en ce lieu et réjouissez-vous ! c’en est fini de votre malheur. A l’invitation du frère de votre père, désigné pour exécuter sa succession, je reviens tout juste de votre château familial dont LUI, va hériter.

- Je me doutais bien que je n’aurai rien ! dit-elle en haussant les épaules. Quelle importance a cette information Gontran ? Blanche tapait du bout de ses doigts la table…

- Votre oncle m’a fait mander pour l’aider à vider le palais qui n’en est plus un d’ailleurs : rien à regretter de ce côté-là. Je ne vous avais pas informée de cette démarche pour vous épargner, mais à cet instant je ne peux pas garder ce que je sais. En fouillant les coffres remisés dans les décombres et en triant les papiers entassés, les grimoires, et autres archives poussiéreuses, nous avons découvert des formules magiques qui ont le pouvoir de remettre en l’état les effets des sortilèges qui vous ont été jetés.

Sceptique, Blanche ne voulait pas connaitre les désillusions de faux espoirs :

-  Mais comment savez-vous que cela remet en ordre les maléfices de mon père et ma marâtre ?

 

Deréchef, Gontran s’approcha du lampadaire le plus éclairé et sort de sa veste un parchemin enroulé qu’il déplia :

- « Ecoutez : « Formule pour annuler la recette de la crème à enlaidir magique ». Il y a plusieurs dates apposées au crayon à côté et la dernière est celle où tu as mis …

- Tais-toi ! Le tutoiement traduisait l’état excédé de Blanche Neige dégoûtée de ses remémorer ses souffrances

- Les apothicaires du royaume s’attèlent en ce moment même à trouver les remèdes. Dans leur laboratoire, ils étudient les dosages et autres paramètres, et se chargent de réunir les ingrédients pour la concocter et vous l’administrez dès qu’elle sera prête. »

Les jours qui suivirent furent vécus avec une tension survoltée. L’ambiance avait cependant le charme des périodes suggestives de moments heureux à venir. Ces quelques jours d’attente, de torture morale remplirent d’espoir le couple et tous leurs proches. La confiance en la providence revenait d’heure en heure pour leur procurer une harmonie dans leur relation ressemblant à celle du début de leur idylle. Ils prenaient leur mal en patience tentant de se divertir le mieux possible. Gontran avait rompu avec son habitude de sortir le soir jusqu’à point d’heure, il tenait à rester auprès de son épouse, prêt à toute éventualité. Blanche Neige se surprenait de sa propre sérénité, elle se décontractait de se savoir en sécurité sans personne qui lui veuille du mal.

Le foyer sous l’impulsion des nains aussi impatient d’une issus heureuse garantissait une humeur et une ambiance à l’air de fête : tout le monde avait tellement langui de savourer ce moment ! L’épouse si souvent délaissée avait recouvré son sourire ; ce sourire si exceptionnel et rare depuis ces derniers lustres travestissait maintenant la laideur en grâce. Mais chacun restait sur le qui-vive de la mélancolie envolée chez de Blanche Neige ; on scrutait la moindre trace d’inquiétude, de souci ou de nervosité qui surviendrait. Par bonheur, aucun ne se lisait sur son visage.

Et pendant ces quelques jours, les chimistes travaillaient sans vergogne sur ladite formule.

Le cinquième jour, le coordinateur de l’équipe en charge de réparer le maléfice lancé, s’annonça sans prévenir. Il était sûr de lui et sans attendre, intima Blanche Neige d’avaler la potion contenu dans le tube à essai.

« Je reviens demain pour constater le miracle que j’attends. Passer une journée sans ombrage de crainte et à votre réveil, vote vie sera transformée. »

Les rêves de la nuit furent un peu mouvementés par des cauchemars dans la chambre de Blanche Neige. Au lever du soleil, le château était plongé dans un profond silence. Les six nains et Gontran attendaient nerveusement le verdict du réveil de Blanche Neige. Derrière la porte, un cri les terrorisa et n’y tenant plus Gontran poussa la porte avec fracas pour découvrir sa femme qui avait laissé tomber à terre son foulard, et le foulait négligemment pour s’avancer vers son mari avec le magnifique sourire de ses vingt ans.

L’assemblée intimidée de découvrir ou de re-découvrir la femme épanouie qu’ils avaient oubliée, n’en revenait pas et restait sur sa réserve dans leur épanchement de joie.  La famille devait rattraper vingt ans de bonheur gâché par des traitements lourds de psychotropes, et d’angoisses de malveillance potentielle. Les enfants furent allés chercher et le plus jeune des enfants fut le plus troublé car sa maman, même si elle était méconnaissable à ses yeux, elle resplendissait. Dans un élan d’enthousiasme, le prince Gontran décida de proclamer cette date comme jour férié pour les années à venir.

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