Souvenir d'un autre été

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L’adrénaline possède une définition propre à chacun. Selon moi, elle a la forme filamenteuse que prend le vent s’échouant sur ma tête casquée. Celui du boulet invisible qui m’entraine au plus proche du goudron chaud ; quand la route s’allonge et se déforme.

La sensation cuirée de mes gants fait barrage au voile bruyant qui frappe toutes les parcelles de mon corps. Je ne parviens à sentir les hanches de Clément qu’à travers les tampons transpirants qui recouvrent mes doigts. Je le serre comme je peux, c’est le chaos en dehors du scaphandre. Je sens ses bras vibrer, crispés sur le manche qui nous dirige vers l’horizon. Le vent n’a ni forme ni odeur, et pourtant il appuie sur mon torse et mes bras avec une force plus grande que nous. Je l’entends me crier aux oreilles ce sifflement aigu et assourdissant qui signifie que j’approche progressivement du sentiment de liberté. Je reconnais l’effluve amer de l’essence qui vient se nicher dans la gorge pour y rester et donner le goût si singulier du pétrole. Celui qui s’accompagne du bruit sourd des pistons en action qui nous propulsent vers la sensation grisante de vitesse. Je sens la chaleur remonter de mon col, au menton, aux lèvres humides, et jusqu’aux yeux, me brouillant presque la vue.

Je ferme alors les yeux, synchronise mes sens dans le seul but d’immortaliser la configuration spatio-temporelle à l’origine de ce sentiment de plénitude. Ce même sentiment qui reviendra à chaque évasion par les yeux clos. Je me rappelle les grains de colza pénétrer mon nez, sur une durée qui avoisinait l’heure, car ils nous avaient accompagné sur des kilomètres de chemin. Je me rappelle les vibrations du pneu qui avale le bitume et remontent sur les chevilles, les cuisses, et l’assise brulante sur laquelle je repose. Je me rappelle sentir mes jambes cramponnées à celles de Clément, dans une intime symétrie, une véritable symbiose dans l’envie de vivre l’expérience à fond. Ce vent bruyant et violent, contre lequel nous avançons, nous grise.

L’adrénaline a pour moi cette forme-là. Celle de la vie qui ne tient qu’au bout de son cuir auquel je m’accroche avec une confiance aveugle. Elle ne s’est manifestée alors que lors de ces quêtes de l’inconnu et de l’aventure sur les routes de l’Europe. L’adrénaline a pris la forme d’une moto.

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