Mazdef Alpha

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Mes pas claquent.

Mon cœur aussi.

Leur rythmique est un assaut physique aux murs du palais. Les vitres, les miroirs, tout n'est que répercussion de mon être agité par l'exceptionnel. En effet, aujourd'hui sera ma récompense.

Lorsque j'ouvre les portes laquées, le marbre renvoie leur son millimétré dans le couloir comme une vague invisible que je sens refluer derrière moi. Je pénètre le bureau, et toujours mes souliers marquent à la fois une mesure temporelle et une présence spatiale. En parcourant la pièce, je me révèle à chaque fois la grandeur de mon minuscule. Je suis si petit dans ce bureau qui me rendra si grand.

Mes pas cessent.

Mon cœur presque.

Je suis au centre de la rosace. Au centre de l'officiel. Le Président annote quelque chose sur une feuille, d'une plume que le banal qualifierait d'extravagante par sa touffe aux couleurs vives sur fond d'anthracite. Sans me regarder, il griffonne ainsi d'une manière génératrice d'un agacement certain chez ma personne.

Être sujet à la sensibilité exacerbée de ma condition demande un effort constant. J'en déplore l'état critique de l'instant.

- Fils. Nous y sommes. Le grand jour.

Oui.

Un sourire.

Il continue.

- Il y a longtemps, je t'ai promis que le monde t'appartiendrais.

Je sens monter l'instant.

- Néanmoins les choses sont un peu plus compliquées que ça.

Mon sourire s'affaisse.

- Avant d'accéder à la Présidence, tu dois apprendre une chose et en effectuer une autre.

Bon, tout à l'air simplement formel.

Mon père retire le Gant qui recouvre sa main et le pose délicatement sur le bois lisse de l'office. Je ne l'ai jamais connu sans ce Gant. Sa main blanche est dorénavant nue, puisqu'il ôte le seul ornement, une bague retirée de l'auriculaire qui vient se calfeutrer dans un petit boîtier avant même que je n'ai pu distinguer quoi que ce soit de symbolique.

- Tu apprendras à te servir de ça en temps voulu. Maintenant, il ne te reste plus qu'une chose à faire.

Il hésite.

- Un complot se trame, et entend me faire passer pour ce que la population pense de moi. Nos plus proches collaborateurs sont impliqués, et n'hésiterons pas à rendre à leur convenance une justice qui leur semble bonne. Sache que je ne partage pas cette vision, pour des raisons qui devraient t'apparaître un jour ou l'autre. N'ayant absolument aucun intérêt à prendre à la légère la fomentation de ce mouvement, je me dois malgré tout de situer son origine en mon nom propre, ce qui me garantit une certaine marge de manœuvre. Néanmoins le plan ne saurait se passer d'une petite dose de dramatique, et c'est là que tu interviens.

Je me contracte.

- Le peuple veut ma mort. Le peuple pense que je le dupe et l'opprime. Le peuple raconte que l'Histoire revient en arrière. Et mon devoir en tant que dictateur proclamé par la situation d'urgence que tu connais aussi bien que moi est malgré tout de répondre à ses attentes, voire de les dépasser.

Je suis perdu.

- Ecoute-moi bien, Jean. Tu vas devoir faire quelque chose à l'encontre de certains principes moraux inenvisageables. Tout est déjà réglé.

Il se lève et se dirige vers une vitrine. J'observe ses actions d'un regard minimaliste, tendu par la situation. L'ignorance me mène au doute et à l'incertitude, ma tenue se décontenance.

- Te souviens-tu de ces fameux tromblons d'artillerie si chers à ton grand-père ? Ceux que le Roi de France lui avait offerts en symbole de reddition. Comme tu le sais, ils n'ont jamais été utilisés en duel par quiconque.

Il a ouvert la vitrine et observe les deux pièces.

- Si je t'ai accordé autant de pouvoir au sein de Gouvernement, ce n'est pas seulement par amour pour toi mon fils. Je resterai fidèle à l'humanité, et me dois de pouvoir rebondir à toutes les situations, même si cela me coûtera de sacrifier un être cher.

La tension.

Il me tend un pistolet.

- Tu vas être arrêté pour trahison, d'ici quelques instants.

Agitation.

Il s'empare de l'autre.

- Je vais compter jusqu'à trois. À trois tu décideras de ton destin.

J'entends des pas heurter le marbre dur et sec.

- Un. Soit tu acceptes de pourrir blessé par balle pour l'humanité, et tu ne fais rien d'irréfléchi. En joue.

Il me vise de son arme.

Je réplique.

- Deux. Soit tu suis mon plan ficelé de manière tout-à-fait sécurisée pour toi et les autres, mais à la faveur d'un acte que tu devines à présent.

La porte s'ouvre.

Groupes d'interventions armés.

- Trois.

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