Jean-Edouard (Fin)

14 minutes de lecture

En les voyant disparaitre au détour du couloir, Jean-Edouard affichait un sourire figé qui fondit sans problème lorsqu’il se retrouva enfin seul. Il était décidément temps que tout ce beau monde s’en retourne à leurs occupations. En fait, depuis le début de cette entrevue, il en était à se dire, en son fort intérieur, que ce genre de chose ne serait pas possible très longtemps. Au fil des quolibets à peine masqués, alors qu’il faisait tout pour faire bonne figure, l’inquiétude le rongeait déjà, mille questions l’assaillaient, sans qu’aucune réponse ne soit en mesure de le rassurer. Seigneur tout puissant, qu’allait-il devenir ? Les efforts demandés cette dernière heure étaient déjà très largement au-dessus de ses forces, alors que penser d’une journée entière ainsi. Et d’une semaine entière… Voire, horreur suprême, le reste de sa carrière, ainsi, plié sous ces incessantes moqueries à peine masquées! Une boule vissée au creux du ventre, Jean-Edouard connut tout à coup la peur.

— Tu parles de diplomates mon pauvre Jean-Ed ! De gros trous du cul oui ! Tous dans le même sac et hop, tout ce beau monde à la mer !

Jean-Edouard tenta bien de répondre à cette analyse pour le moins expéditive et sans nuances, mais il était tellement épuisé qu’il finit par y renoncer. Et puis qu’aurait-il pu dire ? Raisonnablement ? Avait-il lui-même confiance en tous ces gens qui, eux aussi, à leur manière, affichaient à volonté deux visages bien distincts selon les circonstances? Etaient-ils seulement défendables ?... Au final, la vrai question serait : Etait-il vraiment judicieux de se battre pour rester membre d’une corporation qui, il le sentait bien, au nom d’une norme qui ne donnait pas son nom, ne voulait plus de lui ?...

S’il n’existait visiblement pas de réponses franches à apporter, Jean-Edouard était par contre habité d’une seule certitude: il s’agissait bel et bien de son univers, celui dans lequel il évoluait depuis plus d’un quart de siècle maintenant. C’était sa famille, avec ses qualités et ses défauts, il n’en connaissait pas d’autre et il ne voulait pas, surtout pas la perdre. C’était tout ce qui lui restait du temps béni où tout allait si bien pour lui. Ce fut ce point précis qu’il voulut défendre, becs et ongles, auprès de son alter-ego, écoute un peu… euh… Machin, il va falloir qu’on se mettre d’accord tous les deux…, mais l’autre partie de la chimère le vit bien vite arriver avec ses gros sabots, or il n’était pas du tout d’humeur à s’en laisser compter, Stop, stop, stop !... Stop Jean-Edouard ! Je t’arrête tout de suite, tu vas dires des conneries. Je connais déjà par cœur tout ce que tu veux me faire gober, alors un conseil : Garde tes beaux discours pour tes grands amis. Maintenant que je suis là, il va falloir que tu fasses avec. T’inquiète pas, tu vas voir, on va bien se marrer…

Le train de Légende semblait tanguer de plus en plus dangereusement, et Jean-Edouard se serait presque risqué à parier qu’il était maintenant près, tout près de dérailler…

*

Dans la salle de réunion, les plus grands diplomates s’étaient réunis en première urgence. Vladimir Poutine venait de succéder à Boris Eltsine, paraitrait-il grâce à des urnes encore plus bourrées que les électeurs, et l’affaire suscitait déjà quelques polémiques qu’il s’agissait de lever le plus habillement possible. Toute l’Europe était en émoi, l’individu n’ayant pas acquis ses titres de noblesse en fervent défenseur des Droits de l’Homme.

quitte  Ce fut la première véritable mission qui fut confiée à Jean-Edouard depuis son retour. Contrairement à ses inquiétudes, une fois son cas observé par tous et sous tous les angles, une fois toutes les sottises dites autour du sujet, tout rentra à peu près en ordre et il put reprendre un travail très proche de la normale. Il y avait certes moins de prestige qu’auparavant dans ce qu’il entreprenait, cependant Jean-Edouard ne désespérait pas de retrouver bientôt une position dominante. Il était à ce sujet plutôt confiant, il constatait avec joie qu’il n’avait pas perdu la main et de plus, ce n’était pas pour lui déplaire, son double semblait enfin calmé, il faisait quotidiennement profil bas lors des moqueries qu’il subissait encore, de loin en loin, et se risquait même à dormir lors des réunions un brin ennuyeuses ! Peut-être avait-il été à l’écoute de sa demande, peut-être était-il devenu respectueux de son travail, peut-être même, pourquoi pas, avait-il compris toute l’importance de sa mission, toute la grandeur de sa fonction.

Ce jour là, donc, une fois l’affaire Boris suffisamment étudié, Jean-Edouard eut dans l’idée de servir un petit laïus dans lequel il remercierait ses bien chers collègues de leur bienveillance, de leur tolérance, sans oublier de louer leur grandeur d’esprit, qualités somme toutes indispensables pour le bon déroulement de l’exercice diplomatique. Il savait que le compliment de bon aloi était bien perçu dans son milieu, et il ne voulait surtout pas passer pour un ingrat. Il avait donc, la veille, préparé soigneusement un petit discours dans ce sens, dans lequel il expliquerait par la suite, dans les grandes lignes bien sûr, les raisons de son absence, et déclamer sa joie à l’idée de retrouver enfin sa chère confrérie.

Lorsqu’il se leva pour s’éclaircir la voix, Mesdames et Messieurs, mes bien chers confrères, je vous demande un peu d’attention s’il vous plait, tous autours de la longue table ovale, pourtant fatigués de leur précédent labeur, posèrent leur regard sur lui. Des murmures s’élevèrent, jusqu’à former un tel brouhaha que Jean-Edouard dut lever ses deux bras en signe d’apaisement, un peu de calme s’il vous plait… S’il vous plait !... Je vais rester bref. C’est avec une profonde et sincère joie que je me retrouve aujourd’hui parmi vous. Oui, votre vue ne vous trompe pas : je suis devenu, bicéphale. Le cas est assez rare, je vous l’accorde, puisque mon docteur persiste encore aujourd’hui à me dire que ce n’est rien !

Petits rires gênés dans l’assemblée. Jean-Edouard les laissa passer puis reprit, avec cette fois un fond de trémolo dans le timbre, Mes amis, mes frères..., lorsqu’il fut subitement coupé sans ambages, Stop!... Stop. Allez Jean-Edouard: arrête-moi ce cirque! Tu t’adresses à une bande de cons qui vont te tailler des costards sur mesure dès que tu auras le dos tourné ! Il y a longtemps que tu en as marre, avoue-le ! Alors qu’est ce que tu fous, là, à leur bouffer le cul ? Allez: envoie-moi chier tout ça et parts faire pousser des chèvres à la campagne ! Je sais que tu en crèves! Allez Jean-Edouard… S’il te plait… Pour une fois… Une seule fois dans ta vie. Allez, un peu de courage, soit un homme. Un vrai.

Jean-Edouard resta ainsi, immobile devant une assemblée médusée. Il pensa soudain à faire taire cette bouche incongrue mais il était trop tard : les choses étaient dites. Il chercha à bredouiller quelques excuses mais il vit dans les regards que la tentative serait inutile, voire nuisible à sa cause. Le fait était que, de mémoire de diplomate, on n’avait jamais assisté à pareille offense, même lors de la réunion des organes subsidiaires de l’Unfccc qui, comme chacun sait, furent pourtant particulièrement pénibles. Jean-Edouard ne pouvait plus prononcer un seul mot sans que celui-ci ne se retourne sur lui. Il était définitivement coupable, et condamné par tous.

Sans attendre plus, il fut promptement éjecté par un gros homme subitement surgit derrière lui, bête et musclé, d’une allure et d’une nature peu commodes, sans qu’il n’offre la moindre résistance.

*

Notre pauvre hère déambulait maintenant dans les rues grises et froides. Il fallait le voir courber l’échine, et traîner longuement son désespoir dans la lourdeur crasseuse de la ville. Son beau monde s’était évanouit, il avait disparu comme s’il n’avait jamais existé. Plop : comme une bulle de savon. Etait-il possible qu’il vécût d’illusions jusqu’à ce jour ? Le monde était-il vraiment aussi noir qu’il le voyait maintenant ? Non : dans son idée la vie était naturellement belle, et il y avait toujours une bonne raison à la souffrance. Or la raison principale nourrissant la sienne n’était autre que cette espèce de clone pour le moins hargneux. Et rien d’autre.

Il s’arrêta devant la longue glace d’une vitrine vendant de la dentelle pour dame, non pas pour admirer les sous-vêtements savamment mis en valeur par des mannequins habilement calibrés, mais pour contempler de nouveau son hideux reflet par transparence. Planté là, fixant sa douleur droit dans les yeux de l’autre, il laissa alors remonter toute la colère dont il était capable, sans même tenter une seule seconde de la contenir, Voilà, on y est… Finalement tu as eu ce que tu voulais, hein, espèce de… De… De vaurien ! Maintenant j’ai tout perdu, à cause de toi ma vie est fichue ! Alors qu’est-ce que tu veux de plus, qu’est-ce que tu vas trouver encore à m’arracher ? Le cœur ? L’âme ?, et les passants le voyant s’invectiver de la sorte détournaient le regard, pensant certainement avoir affaire à un fou.

A vrai dire l’Alter-ego, pourtant violement interpelé, resta aussi muet qu’une star de cinéma des années 1920. Ses yeux demeuraient obstinément fermés et il affichait le sourire bienheureux de celui qui avait correctement accompli sa tâche. Jean Edouard savait intimement qu’il aurait pu le secouer dans tous les sens, rien n’y aurait fait. Il serait resté dédaigneux, sourd à sa souffrance, à sa solitude naissante et appelée à durer. Saisi subitement d’une sévère montée d’aigreur, Espèce de… De… De tête de mort !, Jean-Edouard s’en retourna à l’hôtel, dans lequel il avait conscience de passer ses dernières nuits. Avec le divorce houleux qui s’annonçait, le manque d’argent ne tarderait pas à se faire cruellement sentir, et sa luxurieuse chambre risquait fort de se transformer en sombre cloaque, perdu dans les bas-fonds d’une banlieue sauvage.

Jean Edouard resta ainsi prostré presqu’une semaine pleine, devant une télévision en fonctionnement de jour comme de nuit. Jusqu’au moment où, assistant pour la quantième fois à un flot d’images sanglantes, il fut subitement traversé d’une idée lumineuse en voyant, sur TF1 pour ne pas la nommer, une femme agoniser dans une baignoire à remous, la tête bercée par des bulles rougeâtres. Une idée qu’il jugea géniale une fois qu’il l’eut tournée et retournée dans tous les sens. En peu de temps, sa décision fut bien murie et plus aucune zone d’ombre ne subsistait. Il se leva, sortit sans prendre le temps d’éteindre son petit écran, et s’en alla gaillardement en direction la première armurerie présente sur son chemin.

 L’intérieur du petit commerce sentait la cire, le miel et le bois frais ; le plancher craquait à chacun de ses pas, et une horloge tictaquait sagement sur le fond. A sa gauche trônait un grand placard dans lequel étaient pendus quelques beaux fusils, aux côtés d’autres jouets coupants pour les uns, perçant pour les autres, et tous plus ou moins contondant au cas où la fonction première devait montrer quelque signe de défaillance. Jean-Edouard prit le temps de tout regarder avant de se diriger vers un vendeur qui, étonné de ce qu’il avait en face de lui, ne savait trop quels yeux fixer. Jean-Edouard fit mine de ne rien remarquer. Pour tout dire, il commençait à en prendre l’habitude et c’était maintenant une action presque naturelle chez lui. Il fouilla ses poches, sortit sa carte de porteur d’arme qu’il posa sous les yeux de l’armurier, avant d’expliquer brièvement son idée, un petit trou suffit, que ce soit propre vous comprenez, il ne s’agit pas d’en mettre partout. Le professionnel le comprit du premier coup et s’en donna à cœur joie, je vois, il vous faut un petit calibre… Humm… Regardez-moi ce modèle par exemple… Vous voyez ? Ça tiens dans une main sans problème, pas de recul… une vraie petite merveille. Jean Edouard, qui n’y connaissait fifre, jugea que pour le prix il n’y avait rien à redire, d’autant plus que l’objet était livré avec deux cartouches alors qu’une seule lui aurait largement suffi. Il sortit sa carte JPMorgan Palladium pour payer, en espérant qu’il n‘était pas encore passé par la tête de Mathilde de la bloquer, mais le sourire du vendeur, puis le bruit du tiroir-caisse le rassurèrent définitivement sur ce point.

Durant tout le temps du négoce, Jean-Edouard Second avait l’œil ouvert mais ne pipa mot. Face à tout ce petit manège il resta des plus discrets, mais un homme avisé n’aurait pu passer outre son petit air amusé. De fait, une fois la porte du fourbisseur refermée derrière eux, il eut l’envie soudaine d’exprimer une petite opinion personnelle  je sais bien ce que tu prépares, Jean-Edouard. Grosse, grosse, très grosse erreur!, mais Jean-Edouard n’en était plus à accorder le moindre crédit à ce qui pouvait sortir de cette bouche maudite. Il rentra à l’hôtel du plus rapidement qu’il put puis, solidement campé devant le miroir de la salle de bain, il chargea son arme et la braqua sans trembler entre les yeux de ce qu’il ne voulait plus voir, sans montrer l’ombre d’une hésitation, Regarde ta face une dernière fois parce que pour toi l’histoire se termine ici. Or la tumeur, pourtant en très mauvaise posture, ne sembla pas perturbée le moins du monde, Ecoute tu fais comme tu veux Jean-Edouard. Mais si je peux me permettre un petit conseil… ça fait une éternité que tu m’étouffes, non ? Et aujourd’hui que je suis là tu veux me flinguer ?... Je serais toi je réfléchirais quand même un peu…

— Arrête ton baratin tu veux ! Tu ne t’en sortiras pas comme ça. Depuis ton apparition j’ai tout perdu, absolument tout, dans quelques mois je vais me retrouver clochard et il faudrait en plus que j’en sois heureux ? Tu attends des félicitations peut-être ! Ecoute : Ma décision est ferme. Hors de question de continuer comme ça.

Dans ce cas faites-donc Monsieur De Nonce ! Faites donc, je vous en prie !

Par l’esprit provocateur qu’on lui connaissait maintenant bien, à moins que ce soit dans le but d’aider dans sa démarche notre bien brave bicéphale, le second visage ouvrit alors sa bouche bien large. Jean-Edouard fourra le pistolet dedans et tira les deux balles. D’affilées. Sans plus réfléchir. Pan, pan.

La tête vola en éclats instantanément et seuls quelques lambeaux de peau restèrent suspendus sur la base du cou. Ils mirent une dizaine de jours à sécher, puis ils se détachèrent complètement, laissant derrière un brin de peau aussi lisse qu’auparavant.

Suite à ce véritable coup d’éclat tout rentra dans l’ordre, du moins d’un point de vue purement physique. Si bien que Jean-Edouard, homme tout nouvellement libéré de sa pénible entrave, put enfin entreprendre la reconquête d’une vie normale. Il commença en ravalant une légère rancœur vis-à-vis de Mathilde qui, le fait était évident, l’avait gentiment évincée de sa vie à l’instant précis où il avait le plus besoin d’elle. Etait-ce dont ce que l’on attendait d’un couple ? N’était-ce pas justement lorsque le pire arrivait que l’on pouvait compter sur la robustesse de ses bases ? Les questions étaient certes intrigantes, mais Jean-Edouard décida néanmoins de faire l’impasse, après tout cela faisait partie d’une époque révolue, il était inutile de vivre avec ses ressentis, la vie était bien trop courte pour encore perdre du temps à des foutaises. Il  entrepris donc quelque démarche susceptible de provoquer un début de rapprochement, si, si Mathilde, je te jure, je suis maintenant tout à fait normal, pareil qu’avant, pas un poil qui dépasse, et Mathilde, qui en était justement à se gratter la tête devant les comptes tout autant multiples qu’obscurs de son futur ex-mari, pour certains situés en Andorre où sur les iles Caïman, allez donc comprendre pourquoi, se dit au final qu’un peu de répit serait plutôt bienvenue, histoire de voir un peu plus clair dans toutes ces histoires à fâcheuse tendance pécuniaire. Elle accepta donc le rendez-vous que lui proposa son mari guéri durant lequel, entre foie gras et iles flottantes, elle ne manqua pas d’imposer ses conditions, il faut me comprendre Jean-Ed, tu m’as fais beaucoup de mal tu sais, maintenant je suis un peu frileuse. Et Jean Edouard, trop heureux de la tournure que daignaient prendre les évènements, entra de plein pied dans la faille : il accéda, sans aucune réserve, à toutes les demandes de sa belle compagne.

Dès la semaine suivante il reprit domicile. C’est dire l’entrain qu’il dût mettre à la reconquête de sa douce ! Au départ, pour passer ses nuits, il devrait néanmoins se contenter du canapé en cuir de vachette, bien sûr, cela faisait partie des conditions de base, mieux vaut avancer par étapes tu comprends, te savoir suffisamment loin de moi m’est fondamental pour retrouver un semblant de confiance… Jean Edouard comprenait, bien sûr. Il comprenait même très bien.

Cette étape passée, n’étant pas des moindres, il se mit alors en tête de recouvrer sans plus tarder sa place au sein de la Confrérie. Or la chose ne fut pas aisée, loin de là ! A vrai dire ses collègues avaient la rancune tenace, têtes de cons était somme toute une suite de vocables suffisamment violents pour fâcher durablement quelques gentilshommes. Jean Ed dut négocier âprement, et ce ne fut qu’après avoir admis de terribles concessions qu’il put retrouver une place de subalterne, allez c’est d’accord De Nonce. On te prend à l’essai pour commencer. Si tu te tiens sage et que tu fais tes preuves, va savoir, dans une petite décennie on rediscutera des clauses de ton contrat… Cela te convient-il? A vrai dire cela fit sérieusement grincer des dents notre diplomate mais il fit profil bas et accepta cette sous-condition, merci ! Merci beaucoup les amis. Je saurais me montrer digne de la confiance que vous avez placée en moi.

Quelques mois s’écoulèrent ainsi, entre une femme qu’il s’appliquait chaque jour à reconquérir, un soir au restaurant, un autre les mains chargés de fleurs, et un travail dans lequel il redoublait d’efforts pour montrer bonne figure, traitant avec un ennui croissant des dossiers dont personne d’autre ne voulait, dans un bureau qui ressemblait par certains points à un une espèce de placard à balais. Et on pourrait penser, à le voir ainsi vivre, qu’il était complètement sorti d’affaire. Sans nul doute qu’avec un peu de temps, au vue des capacités dont il sut fait preuve dans le passé, il retrouverait assez vite une situation dominante, et qu’il la dépasserait même, ayant pris bonne leçon de sa grande mésaventure. Effectivement, c’était bien là le chemin qui se traçait, et rien n’aurait pu arrêter notre vaillant guerrier, si ce n’était qu’un jour, au saut du canapé, il prit du même coup un violent mal de tête et une toux qui s’avéra persistante, et ce malgré un traitement au sirop et autres pastilles parfumés à l’eucalyptus. Sur le coup il  n’y prit pas plus garde, pensant qu’il s’agissait d’une simple bronchite, mais la situation se dégrada assez rapidement. Il ressentait maintenant de violentes douleurs dans la cage thoracique, à chaque quinte, et l’inquiétude commença à l’envahir quelque peu. Cela dura sans amélioration durant encore plusieurs jours.

Un fameux matin, il se mit à tousser sans parvenir à s’arrêter, jusqu’à cracher dans l’évier blanc de la salle de bain un méchant caillot de sang gros comme un œuf de caille. Là, il ne traîna pas : il courut aussitôt retrouver son docteur qui, au vue de l’urgence, l’accepta sans discutailler alors qu’aucun rendez-vous n’avait été pris.

Après l’avoir fait asseoir, alors, comment va notre bien cher jeune homme aujourd’hui ?, il enfila ses longs gants blancs puis se mit à examiner son patient sans attendre de réponse. Il palpa, scanna quelques organes non visibles, Mmmm… D’accord…, puis il empila par la suite tous les clichés fraichement développés dans un ordre bien précis, et prit même le temps de les examiner un instant. Il avait un air grave, je vois, je vois, mais pas ennuyé le moins du monde. Cette fois on voyait bien qu’il savait exactement à quoi il avait à faire, il montrait une maitrise parfaite de son sujet, ce qui était plutôt rassurant pour Jean-Edouard, qui pouvait cette fois espérer entendre autre chose que ce n’est rien. D’ailleurs, il s’adressa à lui d’un ton presque léger, Eh bien docteur, pouvez-vous enfin me dire ce que j’ai ?, et à cet instant, l’homme en blouse blanche leva des yeux brillants et lui répondit sans ambages :

— Eh bien mon cher Jean De l’Edouard vous avez… Disons trois bons mois devant vous. Peut-être même quatre… Avec un peu de chance.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Terry Torben ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0