34. Nage en émotions troubles

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Alken

Alors que notre taxi nous dépose à l’hôtel, je reçois un SMS d’un des membres du comité qui nous informe qu’ils auront deux heures de retard et ne seront là que vers dix-huit heures pour la signature des contrats et documents de remise du prix du concours.

— Oh mince, on va devoir rester à l’hôtel encore deux heures. Ils ont un souci et ne seront là qu’en début de soirée, informé-je Joy qui vient de sortir du taxi.

— D’accord…

— Ne t’inquiète pas, dis-je en voyant son hésitation et son regard un peu troublé, même si j’en ai très envie, je ne vais pas en profiter pour renouveler mes avances. Tu m’as dit que tu avais besoin de temps, j’ai bien compris. Je te propose d’aller essayer un peu la piscine de l’hôtel en attendant. J’ai vu qu’ils offraient tout ce qu’il faut à leurs visiteurs de marque. J’adore nager et ça nous ferait du bien, un peu de détente, non ?

— Oui, on peut faire ça, ça ne nous fera pas de mal, tu as raison, sourit-elle en s’engouffrant dans l’hôtel.

J’ai une nouvelle fois l’impression qu’elle me fuit, qu’elle cherche à éviter tout rapprochement. J’admire sa force de caractère car moi, même si je sais que c’est interdit, j’ai du mal à résister aux envies et au désir qu’elle fait naître chez moi. C’est tellement fort, tellement puissant que je dois me faire violence pour éviter d’y céder. Aller nager me fera vraiment du bien et devrait calmer mes ardeurs.

Nous nous adressons à la réception qui nous oriente vers le sous-sol où nous sommes accueillis par un jeune homme discret et bien musclé, genre maître nageur qui passe son temps à la musculation. Le regard gourmand qu'il pose sur Joy m'énerve même s’il me semble qu'elle ne le remarque même pas. Il nous remet un kit chacun et nous nous retrouvons dans les vestiaires. Il n'y a pas d'autres clients et Joy, sans aucune gêne, se déshabille sous mes yeux. Je m'empresse de fermer la porte pour éviter que le gars d'Alerte à Malibu ne puisse mater.

— Eh bien ! Tu ne perds pas de temps, l'interpellé-je en ôtant à mon tour mes vêtements.

— Pourquoi attendre ? dit-elle en me tournant le dos avant d'enlever ses sous-vêtements.

— Tu as décidé de me torturer ou quoi ? Bon sang, Joy, je suis désolé, mais je ne peux pas maîtriser mon corps et encore moins mes envies, expliqué-je en détournant mon regard alors que mon sexe se tend.

J'essaie de me concentrer sur le petit sac qui vient de nous être remis pour trouver le maillot de bain qui est censé s'y trouver et oublier la vue du corps nu de ma partenaire de salsa. Mais tout mon corps sait qu'elle est là, nue, à proximité.

— Fallait pas rentrer en même temps que moi dans le vestiaire, si tu ne supportes pas de me voir nue, Smith.

— Ce que je ne supporte pas, c'est de ne pas pouvoir te toucher, répliqué-je en m'approchant derrière elle. J'ai envie de toi, Joy et ça, je ne peux rien y faire.

— On appelle ça le self-control. Ça se travaille, tu sais, rit-elle en se retournant, sursautant de me voir si proche d'elle.

— Avec toi, je ne veux pas me contrôler. Je veux juste oublier le reste du monde, sauter dans un futur où l'on pourrait être libre de se retrouver. Juste un homme, une femme que rien n'empêche de faire une partie du chemin ensemble.

Je me baisse, frôlant son ventre nu afin d'enfiler mon maillot qui vient enfermer mon érection qui reste cependant bien visible sous le tissu tendu.

— Tu penses vraiment que ce serait possible ? Tu as quasiment le double de mon âge, tu es mon prof, que veux-tu qu'il puisse se passer entre nous au juste ?

Ça fait mal, ça. Oui, c'est vrai, je pourrais être son père, et alors ? C'est si grave que ça ? Elle pense vraiment que quand je la vois, je la trouve trop jeune ? Que l'âge est important ? Énervé, je la contourne.

— Non, tu as raison. Rien n'est possible avec un vieux con comme moi. Je vais aller nager, ça me fera du bien. Dépêche toi de me rejoindre ou les membres du Comité vont arriver et tu ne seras même pas mouillée.

— Crois-moi, je le suis déjà. Si tu penses qu'il n'y a que ton corps qui est du genre traître…

Je me stoppe dans mon avancée et me tourne vers elle. J'essaie de garder la tête froide malgré ses propos. Elle me trouve trop vieux et ce ne serait pas correct d'écouter mes pulsions et de la prendre là contre le mur du vestiaire même si mon corps le réclame.

— Quand tu seras passée dans ta tête au-delà du fait que je suis trop âgé pour envisager une relation, tu me feras signe alors. Je suis sûr que ce ne sera pas que nos corps qui nous remercieront.

— Il n'y a pas que ça et tu le sais, Alken. Tu es mon professeur et c'est interdit. Quant à l'âge, en soi, je m'en fous. Mais tout dépend de quel genre de relation on parle.

—Tu veux que je démissionne de mon poste ? Est-ce que cela t'aiderait à me voir comme un homme normal et pas un prof ? Pour la relation, tant qu'on n'est pas deux à l'essayer, personne ne peut dire jusqu'où elle peut aller. C'est un risque à prendre.

— Tu es fou ou quoi ? Démissionner ? Ça ne va pas la tête ?

— Peut-être que oui, je suis fou… Mais oublie tout ça, tu n'as pas l'air d'être sur la même longueur d'onde que moi.

Sans lui laisser le temps de me répondre et de me faire souffrir encore avec ses doutes, je sors du vestiaire et plonge dans l'eau fraîche du bassin pour y faire des longueurs. J’essaie de ne pas trop penser à ses réponses, à son désir avoué mais aussi à son refus d’envisager une relation que ce soit pour la différence d’âge ou le fait qu’elle soit mon élève à l’ESD. J’avoue que je suis perdu quand je pense à elle et, en ce moment, comme je ne fais que ça, je ne sais plus trop où j’en suis. Est-ce que j’envisagerais sérieusement de démissionner pour pouvoir être avec elle ? Oui, je le crois. Mais vu son manque d’enthousiasme, je ne vais pas faire cette folie. Cela n’aurait aucun sens.

Un bruit de plongeon derrière moi, des vagues dans la piscine. Je sais qu’elle m’a rejoint, mais j’essaie de rester concentré et de ne pas penser à ses divines courbes qui se meuvent à proximité. Nous passons ici un bon petit moment à jouer ainsi aux parfaits inconnus qui partagent un bassin, chacun cherchant à ne pas se marcher dessus et à respecter l’espace privé de l’autre. Cependant, quand elle sort de l’eau et s'installe sur le rebord du bassin, je ne peux m’empêcher de me rapprocher d’elle. Je lève les yeux vers son corps qui me fait tant fantasmer et me moque gentiment d’elle.

— Déjà fatiguée, la jeune ? Tu as utilisé toute ton énergie ?

— J’admire le spectacle. J’ai le droit ?

Je souris et l’éclabousse un peu alors qu’elle bat des pieds pour répondre à mon attaque aquatique.

— Il n’y a pas de spectacle à admirer, tu vois ! Je suis sûr que tu es au bout du rouleau et que, même en nageant sans les bras, jamais tu ne me rattrapes !

— Je ne suis pas une grande nageuse, sourit-elle. Pour être honnête avec toi, j’ai peur de l’eau. Alors une piscine avec personne dedans ou presque, c’est l’idéal.

— L’idéal pour quoi ? demandé-je en appuyant mon regard sur sa poitrine un peu à l’étroit dans le maillot prêté par l’hôtel.

— L’idéal pour ne pas avoir la trouille et ne pas me couler toute seule en paniquant. T’emballe pas Smith, répond-elle en me tirant la langue.

— Moi, m’emballer ? Jamais !

Je lui tire alors sur les jambes pour la faire glisser à nouveau dans l’eau et elle se retient à mon cou pour se raccrocher à quelque chose et éviter ainsi de couler. Son corps vient immédiatement se coller au mien et elle ondule en se pressant peau contre peau. Mais, trop vite, elle se rend compte de ce qu’elle est en train de faire et fait mine de me couler avant de s’éloigner dans un crawl gracieux mais pas très efficace. J’admire la vue quelques secondes avant de m’élancer à sa suite. Je la rattrape sans peine et finis la longueur sans forcer loin devant elle. Quand elle me rejoint, elle me tire la langue avant de venir poser ses mains sur mes épaules. Alors que j’ouvre la bouche pour lui voler un baiser, elle s’appuie sur moi et m’utilise comme levier pour sortir du bassin. Je me retrouve dans l’eau tout seul après avoir presque bu la tasse alors qu’elle s’échappe vers la douche sans m’attendre. Elle va vraiment me rendre fou, cette brune capable de me chauffer et de me résister ainsi.

Je me donne le temps de faire encore quelques longueurs avant de sortir à mon tour. Je prends une rapide douche et la retrouve dans le lobby de l’hôtel en grande conversation avec deux hommes, la cinquantaine, qui sourient quand ils me voient approcher.

— Bonjour. J’espère qu’elle n’a encore rien signé qui m’engage, si ?

— Bonjour Monsieur O’Brien. Non, rien n’est signé encore, sourit-il. Bravo pour votre performance, c’était magique ! Vous formez un beau couple tous les deux.

— Je vous remercie, avec une danseuse comme Joy, c’est un bonheur de partager des moments de danse comme pendant le concours.

— Eh bien, c’est parfait, parce que l’on va vous demander de vous reproduire ensemble maintenant que vous l’avez emporté ! Vous allez avoir pas mal d’obligations, en réalité, mais en échange, vous allez recevoir dès à présent un chèque de quinze mille euros chacun et on va trouver une date pour votre petite semaine de farniente - salsa à Cuba. Beau programme, n’est-ce pas ?

— Nous reproduire ensemble ? répète Joy avant d’éclater de rire. Faites attention aux mots que vous utilisez, la directrice de l’ESD n’aimerait pas trop ça… De quelles obligations parlez-vous au juste ?

— Ah, je vois que Mademoiselle est joueuse. En ce qui me concerne, vous faites bien ce que vous voulez tous les deux tant que ça vous permet de danser comme ça. Eh bien déjà, il va y avoir pas mal de sollicitations pour des interviews, mais cela pourra se faire chez vous, à Lille. Il y a des journalistes assez fous pour braver le froid et la pluie, je ne comprendrais jamais comment vous faites pour survivre à ce temps de misère. Bref, il y a déjà une date de prévue avec Daniel de la Revue Internationale de Danse. Il me semble que vous l’avez rencontré.

Il m’énerve avec ses remarques sur le Nord. Et puis, quelle idée de nous refourguer ce Daniel une nouvelle fois. Il n’en a pas déjà eu assez avec la première interview ?

— Pas de soucis pour faire les interviews, c’est normal de vous faire un peu de publicité, indiqué-je poliment. D’autres obligations ?

— Il y aura sûrement la participation à deux ou trois spectacles que nous sommes en train d’organiser. À nos frais, bien entendu. Et si cet hôtel vous plaît, vous y serez les bienvenus. D’autres questions ?

Il nous tend alors un contrat qui comporte une quarantaine de pages avec de nombreuses clauses que Joy et moi parcourons rapidement. Ils peuvent nous solliciter jusqu’à cinq fois pour des dates de spectacle, ce qui est plutôt pas mal. La semaine à Cuba est en all inclusive, avec la possibilité de se produire aussi là-bas si les conditions le permettent. Nous passons rapidement en revue les dates pour nous mettre d’accord sur une semaine fin février et après leur avoir à nouveau serré la main, nous les quittons pour la Gare du Nord où nous attend notre TGV. Joy a l’air ravie pour le chèque et la semaine à Cuba. Moi, je suis heureux de la voir si souriante et je fais tout pour ne pas briser la bulle de tranquillité dans laquelle nous sommes actuellement. Nous nous installons dans le train et mon téléphone bipe, me signifiant l’arrivée d’un nouveau SMS.

Bonjour chéri. C’était très bien le spectacle, j’étais dans la salle et j’ai adoré. Tu as été magique. Donne-moi une seconde chance, je te promets que tu ne le regretteras pas. Bisous.

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