Servitude.

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C’est curieux comme parfois appeler un chat un chat est délicat, mais ceux qui me lisent savent que je ne déteste pas ces ambiguïtés.

Ma maîtresse est la chatte de ma compagne !

Elle se nomme Perle ! C’est le nom qui figure sur ses papiers, mais elle en a d’autres, le Chat, Perlette, Mistinguett, Bianca, la Castafiore, Léontine, voire Léontine sarrasin du biniou.

Elle est d’une grande beauté. Robe : blanc, crème et Tobby. Signes particuliers : queue ébène et extrémités blanches. Je ne vous reparlerais pas de ses yeux, le premier chapitre y étant consacré. Pin-up, elle fait la couverture.

Elle est entrée dans nos vies suite à un appel d’une association Sévrienne, signalant un chaton trouvé en forêt domaniale de Meudon. Ne faisant ni une ni deux, ma chère et tendre vole au secours de la pauvre bête. Visite chez le vétérinaire Clodoaldien, au nom remarquable, qui suit nos Yorkshires. Elle serait issue d’un métissage – pourquoi utiliser le mot croisement pour les animaux, alors que celui de métissage n’est pas réservé aux humains – sacré birman et siamois tibétain. Siamois tibétain ? Quésaco ? Les chatons issus du mariage entre siamois et burmese sont appelés Tonkinois s’ils ont le poil court, et Tibétains s’ils ont le poil long. Vaccination et tatouage.

Ce vétérinaire explique volontiers qu’il serait impropre de parler de domestication au sujet des chats « le chat est un commensal de l’homme ! » Erreur, cher docteur P, je n’ai pas l’opportunité de vous le dire, car il y a bien longtemps que Perle ne fréquente plus les toits dagovéraniens, mais ces dernières années cet animal a fait de moi son domestique.

Je suis son serveur de restaurant, elle vient, passe commande et repart. Je deviens son cuistot, je prépare l’un de ses nombreux repas, le place en hauteur (hors de portée de la York). La chatte revient deux ou trois minutes plus tard, elle me hèle « liftier ! » elle ne monte seule, sur sa zone de nourrissage (située à 86 cm au-dessus du sol), que lorsqu’elle est seule. Âgée de seize ans, elle ménage son arthrose.

Je vous ai dit qu’elle était bavarde, c’est un euphémisme, les chats miaulent, ronronnent, grognent, feulent et crachent. Comme tous ses congénères, elle utilise ces modes de communication, mais en plus elle trompette, non pas comme une grue, un signe, un renard ou même un aigle, elle trompette comme un dragon. Enfin, elle claironne, je vais essayer de vous expliquer le sens que je donne à ce verbe. Je parle d’une pratique qui tend à disparaître en milieu rural et qui a disparu des villes, depuis que l’usage de haut-parleur sur la voie publique est soumis à autorisation ; lorsqu’un cirque s’installait dans une ville, de 50 000 hab., des véhicules sonorisés sillonnaient les bourgs et hameaux des environs, claironnant les jours et horaires des représentations. Cela peut paraître incroyable, mais il arrive fréquemment que Perle entre dans la maison, en clamant pendant plus d’une minute parfois plusieurs « Je suis ici, c’est moi, je suis Perle, la plus belle, hello, vous m’avez vue, entendue, admirée ». Les caresses ne l’arrêtent pas, elle visite toutes les pièces dont les portes ne sont pas fermées, et parfois elle repart, ne cessant ses annonces qu’une fois à l’extérieur.

Cette Felis silvestris catus, est exigeante. Que ce soit en qualité de serveur, de cuisinier, de liftier, ou de portier, car quand la demoiselle a décidé de sortir par la porte de la véranda située à deux mètres de la chatière, par la fenêtre du bureau, ou que je lui ouvre la porte fenêtre pour accéder au balcon (la maison est semi-enterrée les deux niveaux sont accessibles de plain-pied, en bas par la façade sud-est, en haut par la façade nord-ouest, nous vivons en haut, le bas n’est utilisé que lors des grands raouts familiaux, enfants et alliés, petits-enfants, et un arrière-petit-fils ☺) quand elle veut quelque chose c’est immédiatement, elle réclame vocalement pendant une minute, puis en cas de non-satisfaction de sa demande, elle tapote ma jambe, griffes rentrées, une fois deux fois, au-delà de trois, elle attrape mon pantalon d’une griffe et tire légèrement jusqu’à ce que je lui obéisse. Il en va de même si elle désire s’installer sur mes genoux. Ceux dont j’annote les textes se sont peut-être demandé pourquoi entre deux annotations, il y a parfois un trou pouvant aller jusqu’à vingt minutes, dans 90 % des cas, la bestiole en est responsable, je ne compte plus les interruptions qu’elle a provoquées pendant la rédaction de ce chapitre.

C’est une chatte coquette, tous les jours, habituellement vers dix-sept heures, elle demande à être brossée, elle adore ça. Mais elle est infidèle ! Lorsque « L », l’un de nos petits-fils est à la maison, elle ne cesse de lui faire la fête, et c’est à lui qu’elle réclame, quotidiennement, sa séance de brossage.

Néanmoins, elle est indépendante, elle a investi, réquisitionné, annexé la véranda (31 m²), elle y est chez elle. Généralement lorsque je vais me coucher elle s’y installe pour la nuit, dans le cas contraire j’ai, entre trois heures trente et quatre heures trente, le plaisir d’être réveillé par des miaulements. Si je n’entends pas ou ne réagis pas, elle marche sur moi et va jusqu’à la porte, puis revient et recommence, en dernier recours elle fait sa pelote sur mon cuir chevelu. Mais il est très rare qu’elle en arrive à cette extrémité, car lorsqu’elle me piétine sur son chemin pour aller à la porte, il y a sa maîtresse, qui avant d’être piétinée une seconde fois, exprime avec son pied qui me pousse, délicatement, hors du lit : « si tu ne cédais pas à tous ses caprices… »

De la tombée de la nuit, au lever du soleil, elle traine dehors à la recherche de camarades de jeux, mulots et campagnols, qu’elles ramènent ore militari dans sa véranda. Heureusement, lorsqu’elle entre, par la chatière, avec un invité, elle émet un son très particulier, mixage de miaulement et de ronronnement, lointain cousin du roucoulement des pigeons. Ce qui nous permet de fermer la porte de l’appartement. La vétérinaire angoumoisine, qui la suit, dit « si elle vous rapporte une proie vivante, c’est qu’elle espère encore vous apprendre à chasser, si elle vous l’apporte morte, c’est que votre cas est désespéré ». À mon avis, c’est parce qu’elle est joueuse, elle adore les lâcher, pour le plaisir de les guetter, les capturer à nouveau, éventuellement les stimuler d’un petit coup de patte si la proie reste immobile, et de recommencer. Jeu particulièrement cruel dit du chat et de la souris. Et lorsqu’à notre tour, nous tentons, et finissons par la capturer, cela ne l’amuse pas. Elle repart bien vite en expédition à la recherche de nouveaux camarades de jeux.

Depuis un an elle n’est plus apte à attraper les mésanges, elle n’est plus aussi souple et vive qu’avant, et les mésanges, nos pensionnaires à plein temps, la connaissent et donc se méfient d’elle. La féline est joueuse, mais ce n’est pas une meurtrière, jamais aucun oiseau n’est mort, c’est juste un peu compliqué de les faire sortir de la véranda (deux rongeurs sont morts de peur en dix ans).

Nous formons un couple classique du théâtre « maître et valet », je suis le valet, elle est ma maîtresse.

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