44/52 - Exsangue

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Mes yeux reviennent sans arrêt à lui. Je le sens évoluer autour de moi, avec son énergie crépitante, fatiguée, qui s'acharne à le maintenir en éveil. Il est là, tout sourire, plus jovial que jamais, à soulever les enfants à bout de bras pour les faire rire. Il est là, bondissant ; il plonge dans l'eau avec l'élégance d'un oiseau. Il est là... il s'accroche pour rester. Mais il est tout au bord de basculer en arrière. Sa Beauté est épuisée, presque ternie. Il n'en manque pas, pourtant ; sa Poésie est toujours là, palpable, visible sous les craquelures de ses émotions. Tout est mal recouvert sous les élans de rire.

Il suffirait d'un pas, pour glisser jusqu'à lui.

Donne-moi tes mains, n'aie pas peur.

Il suffit de trouver ses yeux clairs. Poser mes doigts sur ses bras. La paume blessée de ses mains. Un sourire, rassurant. N'aie pas peur.

S'il te plaît, n'aie pas peur.

Là, il n'y a pas besoin de plus. J'ai tant de feu en moi, je t'en donne volontiers. Prends tout ce que tu veux. Prends-le, prends.

Ses mains au départ fuyantes se pressent peu à peu sur mes poignets. Son masque s'évapore, son regard se voile aux alentours et s'allume pour moi. Sans couleur. Il brille. Sa bouche se détend, il ne dit plus rien.

Ma peau fourmille ; je frissonne de froid au contact de la sienne.

Tu vas mourir. Il y a trop de fuites. Léger comme un bout de papier sec, tu t'envoles toujours plus loin des doigts qui cherchent à t'attraper. Tu vas mourir.

Le calme règne en moi. Je déverse doucement toute ma chaleur dans ce corps exsangue. Il ouvre les lèvres, ses paupières s'affaissent sans se fermer, il ne me lâche pas du regard. Mon cœur s'emballe, à la vue de la vie qui revient en lui, à la vue de sa Beauté qui s'ébroue, de l'ivresse qui le fait se pencher vers moi et enfoncer ses doigts dans les muscles de mes avants bras.

Je glisse en avant, armée de tendresse, pour l'enlacer en plongeant mon visage dans son cou. J'entends la douceur de son souffle à mon oreille. Il ne dit rien. Il ne rit pas. Il rayonne. Mon feu, il n'en prend plus. Son eau s'est remise en mouvement. La sentir bouillonner de fraîcheur est un plaisir enivrant. Je suis heureuse.

Merci.

Nos quatre bras s'ouvrent. Les énergies se séparent souplement, comme deux bulles de savon. Il sourit, à nouveau, plus vif que jamais. Il m'en ferait défaillir d'émotion. Il m'en rendrait presque avide.

Encore... Laisse-moi goûter encore...

Sagement, je m'incline en avant, et souris à mon tour.

Va, bel oiseau. La terre te suis partout, tu vivras, je le sais.

Ma main se referme dans le vide. Il s'est détourné, il a fui.

Va, l'oiseau... Inondé de Beauté et de Joie.

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