8/52 - J'abandonne

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Bon.

Ok. C'est confirmé.

Me voilà bien ennuyée.

Tu vois, je ne suis pas de ces gens. Je ne suis pas une fangirl, un cliché qui s'excite devant un beau visage au mieux sélectionné, au pire façonné selon des critères absurdes. Ah ! mais, je ne peux pas dire que je suis l'inverse non plus. Je ne suis pas une forteresse amère qui crache sur ses émotions ou celles des autres, si prédéfinies soient-elles. Je respecte les fluctuations hormonales de l'adolescence, et les rêves pathétiques des gens qui souffrent de leur solitude... même si, poussés à l'extrême, il arrive que leur spectacle me désespère.

Alors, explique. Qu'est-il arrivé ?

Qu'est-il arrivé, ce jour où, comme si souvent, j'entrais chez mon amie, exaspérée intérieurement par sa fâcheuse habitude à laisser la télévision allumée en permanence. Qu'est-il arrivé, quand mon œil odieusement attiré par l'écran a saisi ton image en une microseconde ? J'ai pouffé, tourné les yeux, et suis revenue presque immédiatement, les sourcils froncés, rendue méfiante par ce sentiment d'intrigue totalement incongru...

Il faut que tu comprennes quelque chose : j'aime la Beauté. Je l'aime vraiment, je ne peux pas vivre sans elle. Je la cherche de partout, je la poursuis et m'en imprègne avec autant d'intensité que la chaleur des rayons du soleil ou la fraîcheur d'une eau douce. Je la vois dans un vide, l'entends dans un Silence, la sens, la lis, la touche dans les plus petites et les plus laides choses du quotidien. Mon sens de la Beauté ne s'accorde pas à ton image a priori. Là, en scrutant un peu mieux, ton visage n'a que trop peu d'imperfections. Équilibré par le maquillage, amélioré par la lumière, sublimé par le cadre... Rien ne va ! D'ailleurs, bien au-delà de ça, comment saisir la Poésie d'un être à travers un écran ? Quand ni chaleur ni énergie ne peut être ressentie ? Ça n'a pas de sens.

Et pourtant, je te suis, je ne peux plus nier maintenant... Il y a quelque chose.

En admettant ma défaite, j'ai laissé l'émotion se changer en béatitude, j'ai glissé mon regard de partout, jusque dans les mouvements choisis et les faux regards, jusque dans la contemplation du ridicule, à l'écoute des fausses notes. Mais le sourire vient en premier, même dans la moquerie, mon rire est un Amour qui sort en gouttelettes.

« Comment ? Comment peut-on être aussi beau ? »

Mais ça m'énerve quand même ! Aaah ce que ça m'énerve, d'en être à regarder des séries médiocres, à chercher des images, à écouter des sons qui me font horreur, pour fouiller, trouver la plus petite pépite du véritable toi qui ressort derrière la couche de filtres qui te dissimulent ! À quoi bon ? Hein ? Ce n'est pas comme si j'allais te croiser dans la rue, on ne vit même pas dans le même pays ! Je ne comprends pas ta langue, nous n'avons ni les mêmes codes, ni les mêmes médias. Alors ta Poésie, c'est évident, je ne pourrai jamais la saisir dans son entier.

J'abandonne. J'abandonne d'avance. Parce que je suis comme ça, réaliste. Je te garde pour mes rêves lointains qui savent trier les éclats de rire, la voix profonde, l'apparition fugace des dents, l'oeil grave, le froncement espiègle du nez, le mouvement des longs doigts, l'agitation hilare du corps dans son ensemble. Ils savent bien faire, les rêves. Ils savent où te trouver quand je t'efface de mon quotidien.

Je ne saurai jamais rien de toi, mais je t'ai vu. Tu m'as émue. Un instant.

Merci.

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