43. Affliction

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Rys.

— Ils pensent tous que c'est ma faute ! Je vois la façon dont ils me regardent. Ils me blâment pour la mort de Nikanor, je le sais ! Mais ce n'est pas ma faute, Amarys ! Tu me crois, n'est-ce pas ? Je n'ai jamais rien voulu de tout ça !

Les épaules de la petite princesse tremblèrent alors qu'elle sanglotait à nouveau.

— Je vous crois, princesse, murmura Amarys, retenant ses propres larmes alors qu'elle essayait de réconforter sa maîtresse désemparée.

***

Le matin tragique de la mort de Nikanor avait commencé avec Julia qui voulait aller à une exhibition privée dans une caserne, et exigeait que son époux souffrant de fièvre depuis quelques semaines l'accompagne. Habitué à ses complaintes, le gouverneur ne prit guère la peine de l'écouter. La rédaction de sa thèse sur le monothéisme lui permettait d'oublier son mal et ne souffrirait par conséquent d'aucune interruption.

Quittant les appartements de son conjoint dans une rage silencieuse, Julia se changea et grimpa sur un char.

L'intendant Persis, plus soucieux de la réputation de son maître que de celle de sa maîtresse, informa Nikanor que Julia avait quitté le palais sans escorte. Si à Aetherna, les femmes étaient autorisées à agir comme bon leur semble, à Philippos, il s’agissait de la plus grande des impudences. Persis proposa d'envoyer des licteurs à la poursuite de la furie, mais le gouverneur refusa, déterminé à avoir une conversation sérieuse avec son épouse. Il commanda une monture à l'écurie.

Une heure plus tard, le cheval revint sans son cavalier.

Alarmé, l’intendant rassembla les gardes et sortit à la recherche de son maître. Ils retrouvèrent Nikanor à deux mille de la caserne de Skorpio, le cou brisé par une chute.

L'inquiétude dévora le cœur d’Amarys. Le palais dans la tourmente pleurait la disparition du maître et maudissait son épouse à cause du tort qu’elle avait causé. Personne ne se soucia du sort de cette dernière. Julia avait été abandonnée, laissée entre les mains de n’importe quel brigand tapi sur la route.

Paniquée, Rys longea les portes du palais éclairées par les derniers rayons du soleil qui dardaient sur les allées. Tournant la tête de droite à gauche, les larmes brouillant sa vision, elle faisait les cent pas, hébétée, essayant de forger des pensées rationnelles. Les dalles de pierres brûlaient sous ses pieds.

Finalement, au crépuscule, la princesse arriva la tignasse ébouriffée par le vent.

— Amarys ! hurla-t-elle depuis le hall d'entrée. Fais remplir mon bain d'eau tiède, et apporte-moi quelque chose à manger !

Rys transmit les instructions à Catia et, presque certaine qu'elles ne seraient pas exécutées, courut après sa maîtresse.

Julia faisait des allers-retours dans ses appartements tel un chat enragé. Elle ne remarqua ni la pâleur de sa servante, ni son comportement étrange.

— Ma princesse... Julia... Où étiez-vous ?

— Comment oses-tu m’interroger ? Je n’ai pas à justifier mes actions auprès d’une esclave !

La maîtresse s’affaissa misérablement sur son divan.

— Je n'aurai de comptes à rendre à personne, pas même à mon mari !

Les lèvres de Julia étaient flétries, la peau ayant perdu de sa souplesse à cause de la chaleur. Chaque bouffée d’air lui semblait pénible et elle ramenait constamment ses paumes vers son front, signe évident de déshydratation. Amarys lui présenta une coupe d'eau citronnée.

— Tu trembles, constata Julia en levant les yeux vers sa serve. Étais-tu si inquiète pour moi ?

Elle posa la coupe de côté et prit la main de Rys.

— Toi, au moins, tu m'aimes vraiment.

— Où étiez-vous, princesse ? demanda encore l'esclave en s’asseyant auprès de sa maîtresse.

— Je voulais rentrer à Aetherna, répondit Julia en haussant les épaules. Mais j’ai réalisé que cela ne servirait à rien. Père me renverrait simplement. Me voici donc de retour dans ma prison morne.

—Alors vous n’êtes jamais allée à la caserne ?

— Pas du tout. Oncle Kallian pense qu'il n'est pas convenable de s'y rendre seule.

La princesse se leva pour aller errer près d'une fenêtre. Amarys pouvait voir l’orage arriver. Comment annoncer la triste nouvelle ? D’un geste enragé, Julia retira les épingles de ses cheveux et les jeta sur le sol. La serve, toujours attentive au moindre mouvement de sa princesse, se pencha pour ramasser les épingles avant de les ranger. Ce fut ensuite l’immense lit à baldaquin qui rebondit sous la fureur et le poids de son propriétaire.

Les cheveux de sa maîtresse s'étalaient en boucles lâches, brillant d'un rouge éclatant sur la taie d'oreiller blanche. Rys lissa les mèches épaisses avec ses doigts. Elle cherchait ses mots, sachant combien il serait difficile d'expliquer la situation.

— J'aurais dû aller voir les combats, déclara Julia. Un petit scandale aurait été bénéfique pour cette vieille souche de gouverneur ! Ne dois-je rien faire d'autre que de rester ici pour le reste de ma vie, pendant qu'il se plonge dans ses ennuyeuses études sur les religions de l'Empire ? D'ailleurs, qui les lira ? Cela n'intéresse personne !

La colère empourprait les joues de l'épouse rebelle.

— Je le méprise.

— Oh, ma princesse, soupira la servante en se mordant la lèvre, ne dites pas de telles choses.

— Je sais à quel point tu l'affectionnes, mais il est tellement ennuyeux. L’homme le plus ennuyeux que j'aie jamais rencontré, malgré tout son intellect supposé. Et peu m'importe qu'il le sache !

S'élançant vers l’entrée, Julia l'ouvrit et cria à travers le péristyle.

— Tu m'entends, Niko ? Tu es ennuyeux !

Mortifiée, Amarys se précipita vers la porte, poussa sa maîtresse de côté et la referma.

— Que fais-tu ? s'écria la petite Altesse d'une voix aiguë.

— Ma princesse, taisez-vous, je vous en prie. Le Gouverneur est… mort.

Quelques instants passèrent en silence. Julia resta immobile, regardant la porte, puis son esclave. Il était évident qu'elle n'avait pas encore compris ce qui se passait.

— Qu… Qu'as-tu dit ?

Le visage figé, les yeux hagards, la veuve recula comme si elle avait été frappée.

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