Les sorcières de la mer asséchée

15 minutes de lecture

La jeztyrnak est un démon dans la mythologie kazakhe

qui apparaît aux gens sous la forme

d’une belle femme aux longs ongles en cuivre

Elle dit : «Je veux aller à Paris !», et moi, je pensai : «Qu’est-ce que c'est banal !». Et je l'emmenai ici, dans ce pays inconnu, étendu sur de vastes plaines entre deux parties du monde, je lui promis des edelweiss dans les montagnes, des coquelicots rouges dans les steppes et des navires abandonnés sur le sable. Elle se fâcha un peu contre moi lorsque je lui annonçai qu’au lieu de croissants sur les quais de la Seine nous aurions au petit déjeuner une boisson à base de lait de jument fermenté, mais je savais qu'elle était une aventurière dans son âme et qu'elle apprécierait cette expérience car personne ne lui avait jamais proposé quelque chose de pareil.

***

Nous décidâmes de prendre des risques jusqu'au bout, nous visitâmes rapidement des lieux touristiques artificiels et clinquants et nous allâmes à la recherche de quelque chose de vrai, d’authentique, soigneusement caché aux voyageurs européens.

— Allons-y à pied, dis-je alors que nous étions dans une petite ville près de l'endroit où la mer autrefois se répandait, mais qui n'était plus qu'un désert de vent et de sel blanc.

— Tu es fou, répondit-elle en souriant mais je vis dans ses yeux : "Bien sûr... seulement à pied !"

Nous obtînmes des cartes en papier ne voulant pas trop nous fier à Internet, nous nous préparâmes après avoir rempli nos sacs à dos une traversée de trois jours.

— Et vous n'avez pas peur? nous demanda l’employé de l’agence de voyages qui s’occupait de nous et qui était à la fois traducteur, guide et conseiller. Il refusa catégoriquement de nous accompagner mais promit d'attendre notre arrivée au lieu du rendez-vous avec une voiture, des provisions et de l'eau trois jours après.

— Et pourquoi aurions-nous peur? Il y a beaucoup de bandits? demandai-je impoliment.

— Non, les bandits sont dans les villes, qu'est-ce qu'ils feraient dans le désert? rit mon interlocuteur. Vous ne serez que vous deux, seuls, la nuit. Et cette mer... Vous ne pouvez pas imaginer ce que les gens voient là-bas ! Vous pourriez rencontrer une jeztyrnak ou une kuldirgish !

Et il rit de nouveau lorsque j'essayai de répéter ces mots.

Abandonnant mes vaines tentatives, je demandai :

— Ce sont vos monstres locaux? Ceux qui kidnappent des enfants, boivent du sang, tuent du bétail et séduisent les jeunes hommes? Chaque pays en a.

— Oui, c’est à peu près ça, répondit mon guide en souriant.

— Écris-moi ces mots, je ne les retiendrai jamais comme ça. Je ne pourrai pas les prononcer, alors je les écrirai sur ma page Facebook, que d'autres souffrent aussi en essayant de les lire !

Il me le promit et nous quitta, et à notre tour, nous partîmes, ma bien-aimée et moi. Nous n’étions pas habitués à marcher si longtemps, c'était la première fois que nous étions complètement seuls entourés par de nombreux kilomètres. Le soleil brûlait fort pendant la journée, la steppe nous chantait des chansons de criquets et de petits oiseaux, et la nuit, nous nous cachions sous notre tente, solidement emballés dans des sacs de couchage, tels des colis en provenance de pays lointains, paraissant intrus dans ce monde étranger.

Ce monde-là changeait la nuit, se remplissait de fraîcheur, de cris d'animaux et de lointains bourdonnements de voitures. Nous ne sortions pas de notre tente avant le lever du jour, ayant peur de rencontrer la nuit dense, si inhabituelle pour nous, enfants de la grande ville, échangeant des phrases courtes et des petites blagues. Nous étions sûrs de notre sécurité à l’intérieur, et tout nous paraissait très romantique. Chaque matin, nous semblions nous convaincre encore une fois de notre invincibilité, rencontrions un nouveau jour et continuions notre chemin.

Nous atteignîmes des navires le troisième jour, comme c’était prévu. Nous les avions déjà vus sur des photos, ces navires qui semblaient être là pour amuser le vent et le sable, image si bizarre dans les steppes arides. Le sel se sentait à chaque inspiration — c'est tout ce qui restait de la mer autrefois profonde : du sel et des navires rouillés jusqu'à l'os.

Dans notre admiration sans borne, nous ouliâmes que ce n'était ni une attraction ni un plateau de cinéma, mais la cicatrice d'une tragédie qui avait englouti des villages et des villes, et avait chassé les gens loin de leurs maisons. Nous ressentîmes tant d’émotions qu’à un moment, je me sentis fatigué, incroyablement fatigué, et quand je regardai ma bien-aimée, je compris qu'elle aussi n'était plus intéressée par les photos prises en sautant d’un rocher à l’autre pour trouver le meilleur cadre. Elle arrêta même de sourire et se calma d’un coup. Je montai la tente en silence et proposai de dormir un peu avant la dernière étape - notre guide devait nous attendre à quinze kilomètres de cet endroit.

— Pourquoi il n’y a personne ici? lui demandai-je après m’être allongé dans la tente. — Je ne sais pas, répondit-elle. Peut-être que c’est juste une coïncidence.

Je n'aimais pas sa voix, elle était faible et comme délavée. Je la regardai et j'eus peur : la fille de mes rêves était pâle, elle respirait souvent, la sueur couvrait son front, elle tremblait, même s'il faisait assez chaud.

— Qu'est-ce qui ne va pas, bébé ? Tu es malade ?

Elle n'était jamais tombée malade, c’était d'autant plus c’était effrayant de la voir ainsi, au milieu de la steppe, où il y avait des dizaines de kilomètres entre nous et des villes, où les téléphones portables affichaient obstinément le message "pas de réseau".

— Je ne sais pas... Je suis fatiguée... Je me sens bizarre, comme si... comme si ma batterie était à plat…

Elle essaya de sourire, mais même cela lui fut difficile. Je lui donnai de l'eau et j'essayai de trouver dans la trousse de premiers soins quelque chose qui pourrait l'aider, comprenant parfaitement à quel point c’était inutile. Je ne savais pas du tout ce qu'elle avait. Et que faire ? Elle ne pourrait pas aller au rendez-vous avec le guide. Les gens... Oui, elle avait raison, peut-être que personne d'autre n'était venu aujourd'hui pour voir les bâteaux abandonnés, mais il n'y avait aucune garantie que quelqu'un viendrait demain ou même dans une semaine.

— Écoute, bébé, essaie de dormir. Tu te sentiras mieux. Je reviendrai aux épaves s’il le faut, et si quelqu'un en voiture est là, je leur demanderai de nous déposer. Et s'il n'y a personne, nous partirons plus tard, lorsque tu auras eu du repos.

Elle me fit signe de la tête et ferma les yeux mais elle ne réussit pas à s'endormir. Elle tremblait légèrement, agitait les jambes comme si elle ne pouvait pas calmer la douleur, en essayant de changer de position mais ne faisait que gémir, cela ne lui apportait aucun soulagement. Je m’assis à côté d'elle et lui caressai la tête, et mes mains commencèrent à trembler aussi, de peur pour elle. Et si elle avait quelque chose de sérieux ? Et si rester ici et attendre était une mauvaise idée ? Peut-être fallait-il faire quelque chose en urgence ? Et je pris une décision.

— Je vais y aller maintenant, mon coeur. Je serai rapide. Reste ici, tout ira bien.

Je ne pouvais plus attendre, je me glissai hors de la tente et me dirigeai vers les navires. Soudain, je crus entendre des voix. "Pourvu qu'ils parlent anglais ! pensai-je ». Je n'aurais pas eu la force de tout expliquer avec des gestes et des mimiques.

Bientôt, je les vis, un groupe de trois femmes qui se tenaient derrière un navire loin de moi.

— Hé ! leur criai-je. Excusez-moi ! Je suis ici !

Je ne savais tout simplement pas quoi crier d'autre pour attirer leur attention, je courus pour contourner le navire, en espérant pouvoir expliquer ma situation et leur demander de l'aide. À un moment, je compris que je ne les voyaient plus parce que le navire me les avait cachées, et j'eus peur qu'elles partissent sans m'attendre. Ou peut-être me prenaient-elles pour un fou ou un criminel et ne voudraient-elles pas me parler. Je courus plus vite, j’eus l’impression que ce foutu navire ne finirait jamais, et que le vent essayait de me renverser. Une forte rafale souleva, du sol, du sable fin du sol qui me boucha le nez et les yeux. Je dus m'arrêter et attendre que les larmes enlèvent les petits grains piquants de mes yeux.

Je couvris mon visage de mes mains, je rouvris les yeux quelques instants après et tout à coup, je vis l'une de ces femmes. C'était une jeune fille, elle se tenait à côté de moi et me regardait.

— Excusez-moi! Ne partez pas, s'il vous plaît, j'ai besoin d'aide! Parlez-vous anglais?

— Oui, bien sûr. Qu'est-ce qui s'est passé? me demanda-t-elle.

Je soupirai avec soulagement : elle me comprenait, un problème de moins. Je pus finalement la regarder. Une très belle jeune fille, avec des traits de visage fins et une peau impeccable. Ses habits n’avaient rien d’extraordinaire, elle avait l’air d’une touriste européenne. La seule chose que je trouvai inhabituelle était ses cheveux — deux longues tresses noires atteignaient presque ses genoux.

— Ma petite amie... Elle est tombée malade, elle a besoin d'aide, commençai-je rapidement. Nous sommes attendus avec une voiture, mais c'est loin, elle ne pourra pas y arriver à pied.

Je réussis à lui expliquer ce qui s'était passé.

— Avez-vous une voiture? demandai-je avec espoir.

Elle fit non de la tête.

— Et avez-vous une connexion? Peut-être une radio, le téléphone ne fonctionne pas ici…

— Non, me sourit-elle. Ne vous inquiétez pas, tout ira bien. C'est l'air, on dit que beaucoup de gens se sentent mal à cause de cela. La mer est asséchée et la terre semble être malade…

Elle arrêta de sourire, comme si cela lui faisait mal d'en parler, mais un instant plus tard, tout redevint comme avant — un doux sourire réapparut sur son visage.

— Et où sont les autres? J'ai vu que vous étiez trois…

— Oui, trois. Elles sont parties plus loin, et je suis restée en arrière. Elles ne sont pas loin, je les rattraperai.

— Alors, que dois-je faire?

J'étais désemparé: il n'y avait pas de voiture, ce qui signifiait que je ne pouvais pas emmener mon amée à l'hôpital.

— Ne vous inquiétez pas. Je vais rejoindre mes copines et nous resterons avec votre petite amie jusqu'à votre retour. Vous avez dit que vous étiez attendu. Allez-y, vous arriverez dans environ trois heures, et une demi-heure après vous serez ici avec votre voiture. Nous veillerons à ce que tout se passe bien avec votre amie.

Alors qu'elle parlait, sa voix me calmait. Je fus séduit par cette belle inconnue : ses cheveux, ses traits du visage parfaits, sa silhouette élégante. Ses mains attirèrent mon attention — ses ongles longs étaient recouverts d'un beau vernis cuivré. Elle remarqua mon regard et sourit à nouveau, ce qui me mit mal à l'aise.

— Excusez-moi, je vous fixe tellement... Ce doit être difficile de maintenir une manucure en voyageant dans des endroits comme celui-ci.

Je réalisai que je disais des bêtises.

— Excusez-moi, je ne voulais pas vous offenser. Ce n'est pas souvent qu'on voit des ongles si soignés en randonnée. Vous êtes aussi venue à pied ici ?

— Ne vous inquiétez pas, vous ne m'avez pas offensée. Oui, nous préférons tout visiter à pied, toujours. Maintenant, il est temps pour vous de partir, dépêchez-vous, et je vais aller dans votre tente.

Soudain, je repris mes esprits. Que faisais-je ? Je parlais à une étrangère alors que j'aurais dû partir depuis longtemps !

— Juste une question ! Comment vous appelez-vous ? demandai-je alors qu'elle s'éloignait déjà de quelques pas.

— Daria, me répondit-elle. Mes amis m'appellent Didi.

— Merci, Didi ! lui lançai-je en la regardant partir.

***

J’arrivai à destination sans encombre et je me précipitai avec joie vers la voiture de notre guide dès que je la vis. Il fut visiblement surpris de me voir seul.

— Où est Bethany? demanda-t-il en premier.

Je lui racontai tout, en n'oubliant pas de mentionner les « gentilles » filles qui étaient restées avec ma bien-aimée jusqu'à mon arrivée.

— Trois touristes femmes? s'étonna-t-il. Des étrangères?

— Je ne sais pas, difficile à dire. Elle parlait anglais sans accent, elle avait des vêtements européens, mais elle-même était asiatique. Très belle, ajoutai-je je ne savais pas pourquoi.

— Et les autres?

— Je n'ai parlé qu'à une seule, j'ai vu les autres de loin.

— C'est étrange... Je n'ai pas entendu parler d'un autre groupe d'étrangers... Mais elles auraient pu venir elles-mêmes, sans passer par l’agence. Es-tu sûr qu'elles viennent d'Europe?

— Non, je ne suis pas sûr... Elle avait des cheveux très longs, c’est plutôt inhabituel... Et aussi des ongles de couleur cuivrée, je n'ai jamais vu de filles avec des ongles aussi longs chez nous !

Mon interlocuteur pâlit.

— Des ongles longs ? De couleur cuivrée ? Et tu es sûr que c'était du vernis ?

— Oui. Quoi ? De quoi parles-tu ?

— Réfléchis bien et dis-moi ! Est-il possible que ses ongles soient en cuivre, en vrai cuivre ?

Je regardai le guide avec stupéfaction, il avait l'air vraiment effrayé.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

Il s’agita, me poussa vers la voiture, la démarra et a continua de marmonner :

— Encore une fois ? Ce n'est pas possible ! Elles ne peuvent pas revenir.

Je ne pus me taire et je criai :

— De quoi tu parles ? Qu'est-ce que ses ongles ont à voir avec ça ?

Il arrêta la voiture à peine en marche, se tourna vers moi et parla très rapidement :

— Je sais que ça a l’air fou, mais je pense savoir qui c'est... Je les ai déjà vues... J'ai vu une femme avec des ongles en cuivre... Personne ne m'a cru à l'époque, mais je sais, je suis sûr, que c'était elles, ces sorcières.

Il parla dans sa langue, mais ensuite, comme s'il se réveillait, il revint à l'anglais :

— J'avais seulement six ans. Que six ans ! Ma mère m'avait demandé de surveiller ma petite soeur qui avait trois ans, nous avions joué ensemble dans la cour de la maison. Mais elle s'était ennuyée dans la cour : nous sommes sortis dans la rue, nous sommes allés assez loin, et nous nous sommes finalement perdus dans la steppe. Cette femme... Elle est venue quand nous pleurions tous les deux sans savoir quoi faire... Elle a dit qu'elle veillerait sur ma petite soeur pendant que je courrais chercher de l'aide, que je trouverais quelqu'un pour nous ramener à la maison. Elle a dit que ma soeur était trop petite pour venir avec moi. J’ai eu confiance en elle et je suis parti, j'ai trouvé mon chemin vers le village, j'ai rencontré des adultes qui nous cherchaient déjà. Mais je n'ai jamais revu cette femme, ni la petite Daria…

— Daria ? Ta soeur s'appelait Daria ?

— Oui, mais tout le monde l'appelait…

— Didi ?

Mon interlocuteur me regarda avec étonnement :

— Comment le sais-tu ?

Je venais juste d'ouvrir la bouche pour répondre lorsque soudain une rafale de vent se leva à nouveau, comme lorsque j’étais près des navires. Tout était recouvert de sable et de poussière, la route n'était plus visible. Le vent ne cessait pas, il fit sombre d’un coup et nous fûmes pris de peur.

— Je ne pourrai pas conduire si la tempête de poussière ne se calme pas, dit le guide avec effroi. Mais nous ne pouvons pas non plus laisser Bethany seule là-bas. Allons-y doucement, peut-être que ça va aller.

Il redémarra la voiture et roula doucement quelques mètres. La panique m'envahit. Je ne trouvais pas ces histoires de sorcières aux ongles de cuivre très convaincantes, notre guide croyait probablement aux légendes locales et se sentait coupable pour sa sœur disparue. Mais ma bien-aimée, laissée sans aide, complètement malade, loin de moi, était tout à fait réelle et l'obscurité qui s'abattait ne me permettait pas d’aller la retrouver. "Et son prénom?" pensai-je, mais je rejetai immédiatement cette idée. Une simple coïncidence! La voiture allait de plus en plus vite, les phares anti-brouillard permettaient de distinguer la route à quelques mètres devant nous et j'eus une faible lueur d'espoir. Si cela continuait ainsi, nous pourrions y arriver en moins d'une heure! Je voulais juste voir les navires, trouver la tente et une fois la tempête de poussière passée, nous pourrions aller en ville, à l'hôpital, puis partir d'ici, de ce pays. Je commencai déjà à regretter de ne pas avoir choisi Paris, au lieu de cette contrée éloignée. Le conducteur était trop concentré sur la route pour me parler, j'étais également silencieux, répétant dans ma tête la prière que j'avais apprise dans mon enfance, espérant que cela nous aiderait à arriver plus rapidement et que je trouverais ma fiancée saine et sauve.

Quand je répétais les mots familiers pour la centième fois, les yeux fermés, je ressentis un choc terrible — la voiture avait heurté quelque chose à pleine vitesse. Ma ceinture de sécurité me retint, mais j'éprouvai quand même de la douleur dans tout mon corps. Une fois le premier choc disparu, j'appelai mon conducteur, demandai s'il allait bien. Il ne répondit pas. J'avais du mal à comprendre ce qui se passait, je sortis de la voiture et je commençai à inspecter les environs. Finalement, la conscience me revint et je compris ce qui nous était arrivé. Nous avions heurté la structure en fer d'un navire, en sortant de la route sans le comprendre. Mon guide n'était pas attaché et le choc l'avait projeté en avant. Il s’était cogné la tête contre une poutre en métal et ce coup lui avait été fatal.

Comme un fou, j'errais autour de la voiture, autour du navire, essayant de trouver dans l'obscurité de sable qui avait tout enveloppé, la tente et ma bien-aimée. Je criais jusqu'à ce que ma voix se brisât et je réalisai que j'étais complètement seul ici, et il me sembla que j'étais tout seul dans le monde entier…

***

Je me réveillai à l'hôpital local. Des touristes qui étaient venus admirer les navires abandonnés nous avaient trouvés, mon guide malchanceux et moi. Personne n’avait revu Bethany ou Daria. Je restai dans ce pays aussi longtemps que mon visa le permettait pour organiser des recherches, mais elles ne donnèrent rien.

La veille de mon départ, un vieil homme vint me rendre visite avec une jeune interprète. Je ne le regardais même pas, tant j'étais indifférent à ce qui se passait autour de moi.

— Je suis désolé pour ta fiancée, me dit-il après un long silence. Mais tu ne la trouveras plus. Elles prennent des petites filles et des jeunes femmes depuis longtemps. Même quand j'étais enfant, tout le monde avait peur des jeztyrnaks. Mais le pire, c'est ce qu'elles en font. Pars. Il vaut mieux que tu ne rencontres plus ta fiancée.

J'étais déjà épuisé, de recherches vaines, de désespoir et de chagrin, mais un mot familier me fit me retourner et regarder mon visiteur.

— Comment vous avez dit ? Ce mot ! Mon guide, qui est mort pendant la tempête de sable, l'a également prononcé, mais il n'a pas eu le temps de l'écrire !

— Pars, répondit simplement le vieil homme.

— Mais pourquoi ? Pourquoi font-elles cela ? Qui sont ces femmes étranges ?

— Il y avait la mer ici autrefois... Elles venaient voir les gens, mais elles ne leur faisaient pas de mal... Parfois, elles aidaient même... Maintenant, il n'y a plus de mer. Elles sont désespérées et essaient de la retrouver. On dit qu'elles prennent des filles pour trouver celle qui pourrait tout ramener comme avant... C'est une sorte de croyance qu'elles ont... Ou bien se vengent-elles des gens... Qui sait ?

***

Je partis mais ma vie ne redevint jamais comme avant. Et sept ans plus tard, je commencai à faire des rêves. Ma Bethany venait me voir. Ses cheveux roux courts avaient poussé en deux longues tresses, presque jusqu'aux pieds. Elle m'appelait, tendant les mains vers moi, et je ne pouvais pas détourner les yeux de ses beaux doigts fins ornés de longs ongles en cuivre. Elle viendra bientôt me chercher, comme le fit la petite Didi pour son frère. Mais pour l'instant, j'ai le temps de faire une chose importante. Je ferai tout mon possible pour que les gens agissent, et peut-être qu’ensemble, nous y arriverons, nous ferons en sorte que la mer revienne à sa place, que le désert recule, et que des navires majestueux naviguent à nouveau sur des vagues bleues.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Olessya Bondaruk ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0