3. Journée de m*rde

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LAURE

*

28 avril.

Émergée en sursaut à cause de la sonnerie de ce que je crois être mon réveil, je tâtonne sur le dessus de ma table de chevet à sa recherche. L’objectif est de l’éteindre. Le hic ? C’est que je ne l’atteins pas et pourtant, la musique ne retentie plus. Et ce n’est pas le pire. Non, au contraire, c’est juste une goutte d’eau qui fait déborder un vase. Vase qui éclate quand je réalise que ce n’est pas mon réveil qui sonne, mais mon portable !

C’est la douche froide.

Mon corps se redresse de lui-même, mes yeux s’écarquillent. Mon attention se dirige droit vers l’objet qui se remet à vibrer et chanter. Merde ! Il est quelle heure ? Pourquoi c’est lui qui sonne et non, mon foutu réveil ? Je me frotte les paupières avant de lire le prénom de la personne qui en est à sa troisième tentative d’appel.

— Lilian ! hurlé-je en décrochant.

— Du calme. Tu viens de me détruire le tympan.

La voix chaleureuse de mon ami a le don d’apaiser les pulsations de mon cœur. Sauf que…

— Je suppose que tu n’as pas vu l’heure. Je te l’annonce, tu es l’heureuse gagnante du premier retard de la semaine, ma chère patronne.

— Quoi ?

Nouveau cri.

Et je me retourne vers les nombres lumineux qui auraient dû enclenchés l’alarme me permettant de me lever dans les temps. Je cligne plusieurs fois les yeux, secoue la tête de droite à gauche. Et crache mon venin. Lilian l’accueille avec son rire. Il se moque de ma réaction, trop habitué à mes grognements ronchons.

— Je me secoue. J’arrive.

— T’inquiète, avec Marine, on a décalé ton rendez-vous à cet après-midi. Mais Pierre n’avait pas l’air de bonne humeur.

Pierre… Notre collaborateur sur un des projets d’envergures que nous dirigeons. Et surtout le casse-pieds de service quand il s’agit de rajouter des contraintes au cahier des charges. Toujours à la dernière minute. Bien sûr. Je soupire de plus belle et Lilian s’en amuse. Puis m’ayant donné toutes les informations nécessaires à me faire enclencher la quatrième vitesse, il ne tarde pas à raccrocher. Un, deux, trois… et quatre ! C’est parti ! Je fonce sous la douche, l’eau qui me coule sur le crâne est le remède parfait pour mettre mes sens en éveil.

Pour me vêtir, même si j’entends encore la voix de ma mère gronder – en avril, ne te découvre pas d’un fil – je n’en fais qu’à me tête. Un short, c’est parfait ! Et la nostalgie du souvenir de Maman n’aura pas gain de cause, surtout quand je remarque le soleil éclatant briller à travers mes fenêtres.

— Désolée, maman. Promis, si je suis malade, je ne m’en prendrais qu’à moi, murmuré-je.

Je traverse mon appartement à toute vitesse, manquant de peu de me cogner dans le coin de la table. Puis, je sors. Une première fois… Mon sac ! Purée, mais pourquoi ? Ce matin ne ressemble à rien. J’entre à nouveau et mon genou vient taper dans le coin du mur. Non mais ça fait mal ! Je sautille sur place, frottant tant bien que mal ma jambe pour tenter de faire disparaître la douleur. Mon sac est là, à m’attendre. Je l’attrape, regarde en arrière « au cas où » et c’est le départ. Ce n’est pas trop tôt !

Si normalement, je file au bureau à pied aujourd’hui j’ai besoin de ma voiture. Je dois traverser les ruelles de Bordeaux pour vérifier la mise en place de nos affiches préventives. Mais comme tout marche de travers, j’aurais aussi dû me douter que j’allais avoir le droit à tous les feux de signalisation au rouge. Je me serais contentée d’un seul, sauf que… non. Le hasard ou le sort me joue un tour. D’ailleurs, peu importe comment on l’appelle puisqu’il s’acharne sur moi depuis tout à l’heure.

Une affiche à droite.

C’est parfait. Pile au-dessus des poubelles de tris. Elle aura l’impact qu’on attendait d’elle. Le bonus ? Elle est biodégradable et avec la pluie, il est prévu qu’elle disparaisse petit à petit pour laisser apparaître le vrai message de notre compagne publicitaire.

Satisfaite, j’enclenche le kit main libre et ordonne à mon auto de contacter Lilian. C’est son projet. Il a le droit à des félicitations.

— Oui ?

— Je fais le tour de tes pancartes. C’est génial. La ville les a placées pile aux endroits recommandés, annoncé-je enjouée.

— Top ! Mais Laure, tu conduis ?

Oui, je conduis. Pourquoi cette question ? Ah, j’ai pigé ! Il ne va quand même pas oser ? Et pourtant, si ! Lilian dans toute sa splendeur me demande si je ne risque pas de causer un nouvel accroc. Les accidents, ça me connait. J’ai une fâcheuse tendance à rêvasser en voiture. Trop penser est mauvais pour mon pauvre véhicule qui sort d’un séjour chez le carrossier. Je ris jaune.

— Fais attention.

— Oui. Oui. On se retrouve dans cinq minutes au bureau ? Tu seras là ?

— Pas de soucis ! Pierre a pris la fuite. Tu as un joli cadeau du nom de « dossier » sur ton établie. Faute de te voir, il a réussi à t’assaillir.

Nous plaisantons encore un instant avant de couper court à notre conversation. Nous aurons le plaisir de passer la journée ensemble. Mon agence de design est peut-être petite mais nous ne nous arrêtons que rarement. Combler par le travail et les projets qui nous sont envoyés, lui comme moi, nous épanouissons dans notre métier.

— Pas encore ! râlé-je.

Mes pensées s’arrêtent nettes face à un énième feu rouge. Ça suffit ! Ce n’est pas ma journée. C’est clair. Et apparemment, elle ne s’arrange pas. Merde, c’était quoi ça ? Une secousse me surprend. Ma voiture avance sans que j’appuie sur la pédale d’accélérateur. Son mouvement par contre… il est accompagné du bruit distinct du froissement du métal. Non… ’est une blague ! Mes mains desserrent leur prise sur le volant. Mon bras ouvre à la volée ma portière.

— C’en est assez ! grogné-je entre mes dents serrées.

Mes talons claquent sur l’asphalte au moment où je sors de ma Fiat. La portière se ferme sous un bruit sourd. Et trois pas plus tard, je constate les dégâts. Je suis bonne pour la ramener au garagiste. La belle affaire ! Les poings sur les hanches, mon corps pivote vers le coupable qui ne semble pas décider à descendre de son véhicule. Non mais sur qui je suis tombée encore ? Un gars qui a eu son permis dans une poche surprise à tous les coups ! Magnifique

En attendant, c’est un véritable calvaire. Entre un réveil remplacé par un coup de téléphone. Un genou enflé à cause d’un mur. Et les feux constamment rouges qui ont amené à cette collision. Je suis servie ! On devrait me desservir le prix de la meilleure poissarde. Exaspérée par la situation, je braque mon regard sur le conducteur qui a embouti mon coffre.

J’ignore ce à quoi je m’attendais. A tout.

Sauf à… un visage carré, sculpté. Splendide. Mon cœur s’emballe, une flèche le traverse comme pour le réveiller d’un long sommeil. Il vibre au rythme de la tension qui monte en moi.

— Qui est cet homme ?

Ma question s’envole dans les airs. Le rythme de mes pas me rattrape. J’avance vers lui, vers ma chute. Vers cet inconnu qui pour une raison quelconque provoque un tsunami dans mon esprit. Colère et confusion cohabitent. Je confirme.

Journée de merde.

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