Le Coucou (17)

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Bernie la Flemme vida son boc, le reposa bruyamment sur la table et essuya sur sa manche l’écume de mousse qui s’attardait dans sa barbe grisonnante.

— Remets m’en une, Phil !

— Bon sang, Bernie, t’as vu l’heure ? bougonna Philéas en frottant son comptoir. T’as déjà bien éclusé et t’es d’nouveau l’dernier client.

— Qu’est-ce tu veux, Phil, j’apprécie ta compagnie.

— Et celle de ta femme, dis-moi ?

— Cette vieille peau ? L’avait déjà pas bon caractère quand elle était lisse et fraîche, et maintenant elle est toute sèche. Et elle ronfle, à l’heure qu’il est. Et pis d’ce côté-là, j’ai déjà eu c’qu’y m’fallait pour ce soir. La p’tite m’a fait r’trouver ma jeunesse !

Philéas soupira.

— Je t’en ressers une si tu m’aides à r’mettre un peu d’ordre.

— D’ac’ ! Merci, mon vieux. Mais d’abord, j’dois pisser un coup s’tu permets.

— Bon, mais traîne pas, sinon y aura plus rien à ranger.

— Tracasse, tracasse…

— Et j’fermerai derrière toi.

— Bon, bon, j’me dépêche.

Il enfonça son vieux chapeau informe sur sa tête, ouvrit la porte et se faufila dans le gouffre obscur de la ruelle. Par politesse, il s’éloigna de trois pas avant de dénouer ses braies et de dégainer son attirail.

Il était temps, le jet jaillit aussitôt et arrosa copieusement le mur dans de tièdes éclaboussures. Bernie émit un soupir d’aise. Et un sourire se fraya un chemin dans sa barbe, lorsque ses narines captèrent un reste de fragrance qui ne pouvait appartenir qu’à l’intimité de la jeune catin.

Mais tout à coup il frissonna. Si violemment qu’il tacha ses braies.

— Bon sang d’bois ! jura-t-il.

Le froid l’avait si bien saisi, et si immédiatement, qu’il en demeurait stupéfait. Une buée se forma lorsqu’il expira. Des cristaux se formèrent dans ses poils de moustache. Son jet de pisse fut si bien pris par le gel que sa queue se figea douloureusement et qu’il cria.

Une forme immense lui occulta alors l’avaricieuse lumière qui provenait de la taverne de Philéas. Il fut soudain plaqué contre le mur, le pantalon sur les chevilles. Son nez rencontra la brique mais résista moins bien et se brisa. Un nouveau cri fut aussitôt étouffé lorsque ses incisives lui valsèrent dans la bouche.

Il se débattit, en vain. Il fut retourné sans ménagement. Du regard, il chercha le visage de son agresseur tandis qu’il bavait du sang, des dents et une bile brûlante. Il faisait bien trop sombre. Et puis le froid attaqua de plus belle et ses yeux gelèrent dans leurs orbites. Bernie hurla à s’arracher la gorge, comme une bête à l’abattoir.

— Eh là ! appela une voix du bout de la rue.

Une lumière éclatante apparut et inonda la ruelle. Des silhouettes. Armées.

— Qui va là ? appela de nouveau la voix.

La haute silhouette se détourna et s’enfuit. Bernie glissa par terre.

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