Le suprémaciste (19)

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Sir Melvin avait les sourcils roussis. Et la désagréable impression que cette odeur de charogne le poursuivait où qu’il aille. Le bain lui apparaissait désormais comme le plus sublime des délices.

Il frappa doucement à la porte et la voix grave du commandeur le pria d’entrer. Le premier officier des chevaliers du Sanctuaire était penché sur sa plume, comme souvent. Il y avait quelque chose d’insolite dans ces paluches épaisses, faites pour guerroyer, occupées à griffonner sur le vélin. Sans même lui adresser un regard, il tendit une main vers une chaise libre.

— Prenez place, sir, gronda-t-il comme un tonnerre d’été. Dieu ! vous empestez. Vous auriez pu prendre un bain !

— Mes excuses, maître. C’est que vous appréciez la promptitude dans les rapports et que je compte savourer mon bain et y mijoter un moment.

— Je vous comprends. Et je vous sais gré de votre zèle.

Le commandeur cessa d’écrire et jeta sa plume sur le bureau. Il redressa la tête, l’observa de son regard d’acier.

— Bon sang, vous auriez sans doute besoin d’un soigneur également.

— Ce n’est rien de grave, rassurez-vous. Tout va bien.

Le commandeur lissa ses rouflaquettes et moustaches taillées net.

— Alors, que dites-vous du jeune poulain ? Il est rétif. Il a ses humeurs. Mais peut-on en faire un chevalier Malégide, dites-moi ?

— Absolument. C’est une recrue de premier ordre. Il a un bel avenir devant lui.

— Alors ça ! si je m’y attendais… » Le commandeur n’était pas un grand adepte du sourire, cependant un rictus fit frémir ses lèvres et ses yeux pétillèrent. « J’étais certain de ne pas me tromper avec vous, Melvin Bancroff. Mais de là à m’attendre à un éloge. Ses instructeurs, maîtres d’armes, compagnons de chambrée, tous ils me disent : c’est un borné, un incapable, un teigneux, un récalcitrant, un paon, un ingrat et un indécrottable impertinent. Et puis je vous le confie, ce diable, et vous m’en faites une recrue de premier ordre !

Sir Melvin sourit et inclina humblement la tête.

— J’ai cru un moment que j’étais allé trop loin, poursuivit le commandeur. Ce poulain n’était pas un cadeau. J’ai même pensé que… que vous pourriez le voir comme une punition. Mais allons, vous vous en êtes bien tiré. Racontez-moi tout.

— Eh bien… C’est vrai. Je l’avoue. C’est exactement comme ça que je l’ai vu : une punition. Et davantage que pour la punition elle-même, j’étais amer, car j’estimais la mériter. Mais pour être franc, cette mission se serait soldée par un échec s’il n’avait pas été là.

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