Chapitre 18 - Henriette Brunet

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Lille, 19 mai 1944.

Hannah est arrivée il y a quelques jours à Lille, chez Henriette Brunet, la mère de Romain. Friedrich l'a accompagnée en train, il veille toujours à ce que tout se passe pour le mieux pour Hannah. La jeune femme s'est installée chez la mère de son ami ; quant au militaire, il a repris le train le soir même. 

Hannah trouve du réconfort auprès d'Henriette ; même si Romain n'est pas réellement là, le fait d'être dans le lieu où il a grandi, lui permet de se sentir mieux. Hannah n'attendra pas éternellement, elle s'est déjà réinvestie dans la Résistance. Elle a envoyé un message à Arnaud pour lui faire savoir qu'elle a quitté Paris. Henriette a néanmoins mis Hannah en garde dans ses actions et elle lui a demandé d'être prudente. La mère de Romain ne prend pas part aux combats de la Résistance mais elle les soutient. La jeune femme, elle, est déterminée à s'engager le plus possible dans le mouvement. Elle est restée hors du combat bien trop longtemps à son goût et il est plus que temps de reprendre ses activités. Mais ce n'est pas son seul but ; depuis qu'elle sait que le débarquement allié est prévu pour le cinq juin, elle ne pense qu'à une chose, y participer pour soutenir les Anglais et les Américains lorsqu'ils arriveront sur les plages du Nord du pays. Dans sa lettre à Arnaud, de manière codée, elle lui a fait part de son désir d'aider à la préparation du débarquement et à son bon déroulement le jour J. 

Hannah se lève, il est environ neuf-heures du matin. Comme elle n'a pas d'emploi pour l'instant, elle vit uniquement de ce qu'Henriette a. Elle descend les escaliers et retrouve la Lilloise au rez-de-chaussée. La mère de Romain est à table en train de prendre le petit déjeuner ; en voyant la jeune femme arriver, elle affiche un grand sourire sur son visage.

- Bonjour Hannah, comment vas-tu ?

- Bonjour Henriette, je vais bien merci. Et vous, que comptez-vous faire aujourd'hui ?

- D'ici une heure, je vais me rendre à la mercerie en ville. Il me faut différents tissus pour pouvoir confectionner la robe de mariage de ma cliente.

- Vous souhaitez que je vous accompagne ? 

- Si tu le veux, et que tu n'as pas d'autres projets, ça me ferait plaisir.

- Je ne peux rien faire pour le moment, je dois attendre des nouvelles d'Arnaud ou même de Vienne, alors j'ai toute ma journée devant moi. 

- Bien. Mange puis quand tu te serras habillée, nous irons en ville.

Hannah s'exécute et commence à manger. Une fois le repas terminé, elle monte dans sa chambre pour se toiletter. Les trois chambres de la maison comportent toutes un petit cabinet de toilette qui offre à leur utilisateur une parfaite intimité. Hannah est devant le lavabo, torse nu, elle passe sa main sur son avant-bras gauche, cette partie de son corps, marquée de son passage à Auschwitz. Hannah n'oublie pas, comment pourrait-elle oublier ce qu'elle a vu ? Beaucoup d'images lui reviennent en tête, elle tente de les effacer mais impossible ; le souvenir de cette folie persiste à la persécuter encore et encore chaque jour. Quelques larmes coulent le long des joues de la jeune femme. Hannah reprend peu à peu ses esprits et elle termine de se préparer. Elle descend au rez-de-chaussée rejoindre Henriette puis les deux Françaises quittent la maison en direction de la mercerie. En ville, elles croisent de nombreux officiers allemands. Hannah ne leur prête pas attention au début jusqu'à ce que l'un d'entre eux s'avance vers les deux femmes.

- Bonjour, je vous connais il me semble, commence l'Allemand à l'intention d'Hannah.

- Je ne suis pas de cette ville, donc il y a peu de chance pour que je puisse être l'une de vos connaissances, répond la jeune femme avec un léger sourire poli.

- J'étais à Paris avant. Ils m'ont muté dans cette ville ensuite.

- Pardonnez-moi mais je ne me souviens pas qu'on ait été en contact auparavant.

- Vous êtes bien la compagne de Friedrich Strauss ?

- Oui, c'est bien moi.

- J'ai été sous ses ordres jusqu'en décembre dernier. Nous nous sommes vus à de nombreuses reprises lors des repas organisés par Bömelburg mais pas assez longtemps pour que vous gardiez un souvenir de moi.

- Aux repas organisé par Karl dîtes-vous. Oui je crois me souvenir maintenant. À Paris, vous étiez en charge du poste deux fois en dessous dans la hiérarchie par rapport à Friedrich, pour ne pas dire exactement ce que vous faisiez.

- Oui c'est bien cela. 

Hannah sourit à son interlocuteur sous le regard intrigué d'Henriette. Revoir cet homme pose un problème ; s'il communique encore avec le quartier général de la Gestapo de Paris, il est possible qu'il soit au courant de la situation de la jeune femme. Il pourrait donc vouloir la surveiller et s'assurer qu'elle n'a aucun contact avec la Résistance. Elle peut donc difficilement opérer sur Lille tant que cet officier est ici. Et même s'il venait à partir, rien ne dit qu'il ne transmettra pas le message à ses camarades. Hannah doit donc trouver une solution à ce problème. 

Hannah et Henriette saluent le militaire puis elles se dirigent vers la mercerie pour effectuer leurs achats.

En revenant vers la maison familiale, elles croisent un homme assis sur un banc, non loin du domicile de la mère de Romain. Cet homme s'avère être Vienne. N'étant pas de cette ville, Hannah peut difficilement laisser croire que Vienne est un ami de longue date qu'elle souhaite inviter à la maison ; alors après avoir donné l'identité de cet homme à Henriette, c'est la vieille femme qui se charge de jouer la comédie. Henriette prend Vienne dans ses bras et les deux simulent des retrouvailles. Puis la vieille femme présente le résistant à Hannah. Comme deux acteurs, ils jouent leur rôle à la perfection, tant bien que si quelqu'un les observe, il ne voie là que des amis qui se retrouvent. 

Les trois Français entrent dans la maison. Henriette propose une tasse de thé aux deux résistants qui acceptent volontiers. Hannah se donne un petit instant de réflexion. Elle a confiance en la mère de Romain mais la laisser être en possession d'informations est un risque pour elle ; si les Allemands apprennent qu'elle est là lorsqu'il y a des échanges dans la Résistance, ils feront en sorte qu'elle leur donne ces informations, de gré ou de force. 

- Henriette, commence Hannah à voix basse, je ne doute pas de votre loyauté envers nous ou bien envers votre fils ; mais pour votre bien, il serait préférable que vous n'entendiez pas ce que l'on va se dire Vienne et moi.

La vieille femme regarde quelques instants Hannah, surprise par ses paroles. Elle se souvient ensuite que Romain était prêt à tout, jusqu'à partir loin de la ville pour qu'elle soit en sécurité.

- D'accord, je comprends. Je vais retourner en ville, faire quelques courses... Puis je pense que je vais aller rendre visite à ma belle-sœur. Cela devrait vous laisser pas mal de temps pour discuter, à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes.

- Merci Henriette.

La mère de Romain sert le thé aux deux résistants puis quelques instants plus tard, elle se rhabille et se dirige vers la porte d'entrée. Hannah la suit, la vieille femme ouvre la porte et Hannah pose une main dans son dos tout en lui souriant. Henriette lui rend sa délicate attention juste avant de sortir hors du foyer. Hannah ferme la porte derrière elle puis elle se dirige discrètement à la fenêtre pour vérifier que personne ne suit Henriette ou observe la maison. Elle revient ensuite s'assoir en face de Vienne.

- Alors, quelles sont les nouvelles ? demande Hannah.

- Et bien, les offensives alliées se poursuivent mais cela vous l'avez certainement entendu à la radio. Du côté d'Overlord et de Neptune, nous poursuivons nos communications avec Londres pour la préparation du débarquement. 

- Nous ? 

- Oui, Arnaud m'a chargé de rester dans le Nord du pays et de veiller sur vous, il m'a également demandé de participer aux échanges de communications entre l'Angleterre et la Résistance.

- À quelle date les Américains doivent-ils débarquer, si elle a changé ?

- Tout est prévu pour le cinq juin de cette année. Aucun changement de date n'est prévu à l'heure actuelle. Ils vont prendre l'ensemble du Nord de la France par les côtes.

- Le cinq juin ? C'est dans seulement quinze jours.

- Oui ma chère ; et nous ne sommes qu'excités face à l'approche de cette libération. 

- Qu'en est-il de l'Europe de l'Est, où en sont les Soviétiques ?

- Ils avancent toujours vers la Pologne mais ce n'est pas demain qu'ils seront en mesure de libérer Romain et les prisonniers qui l'accompagnent. Ne vous inquiétez pas, cela finira par arriver.

- Je n'ai toujours aucune nouvelle de lui. Comment je peux espérer le revoir alors que j'ignore totalement s'il est encore en vie ?

- Je suis sûr qu'il l'est toujours. Ne pensez pas à la possibilité qu'il soit mort, ne croyez qu'en sa survie.

- J'ignore ce que je ferais, sans lui, sans vous, sans vous tous.

- Nous sommes là, unis, unis contre notre ennemi et nous allons le renverser ; ce n'est qu'une question de temps. 

Hannah sourit à son interlocuteur, puis elle se souvient du problème auquel elle doit faire face.

- Il faut que je vous le dise, commence-t-elle. Il y a ici, à Lille, un Allemand qui me connait. Je ne sais pas s'il est au courant de ma situation et de ce qui s'est passé à Paris mais si tel est le cas, peut-être me surveille-t-il. Peut-être que l'ambassadeur lui a demandé, ordonné, de garder un œil sur moi.

- Vous êtes sûre qu'il s'agit bien de lui et que vous ne le confondez pas avec un autre SS ?

- Oui, nous nous sommes parlé toute à l'heure, c'est bien un des hommes qui était sous le commandement de Friedrich à Paris.

- Dans ce cas, effectivement, cela complique les choses.

- Je devrai quitter la ville.

- Quitter Lille ! Mais où iriez-vous ?

- Je pourrai venir avec vous. Ici je ne peux rien faire et le débarquement ne se fera pas dans cette ville. Laissez-moi vous aider à le préparer mais aussi y participer.

- Je comprends mais cela ne dépend pas de moi vous comprenez ? Je dois en discuter avec les coordinateurs de mon réseau, mais aussi avec Arnaud. 

- Vous me promettez de faire le nécessaire ? J'ai vraiment besoin de faire quelque chose, plutôt que rester ici à attendre que le temps passe.

- Je vous donne ma parole de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que vous participiez au débarquement et à la libération du pays. Mais il faut aussi en parler avec Henriette.

- D'accord, je lui expliquerai tout cela. 

- Je ne vais pas vous donnez trop d'informations tant que vous êtes ici, surtout si elles sont sensibles. Comme vous le dites, les Allemands gardent peut-être un œil sur vous.

- Je comprends tout à fait.

- Très bien. Je ne vais pas rester plus longtemps ; je dois rejoindre certains de mes camarades. Je reviens vers vous avec des nouvelles dès que possible, vous avez ma parole.

Il se lève et remet sa veste. Hannah se lève à son tour et elle lui donne sa casquette. Il lui sourit puis la jeune femme accompagne Vienne jusqu'à la porte d'entrée. Avant de refermer derrière lui, elle le remercie. Hannah est confiante, elle est déterminée à faire quelque chose pour le pays et ne renoncera pas aussi facilement. La Résistance doit impérativement prendre part à la libération de la France, elle la prépare depuis le mois de juin 1940 ; et depuis cette date, Hannah donne toute son énergie à la reconquête du territoire français. Sa décision est prise depuis longtemps déjà ; elle sera là quand les Américains et les Anglais mettront pied à terre en France, et plus que tout, elle sera là ensuite, pour libérer la capitale française.

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