Episode 10

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La cigarette se consumait au rythme du whisky... et Mathilda ne croyait toujours pas le changement radical qu’avait subit son ami. Il avait repris des couleurs et n’avait plus la peau sur les os. Elle l’observa, entre deux bouffées de tabac, avant de prendre une autre gorgée de l’alcool puissant. Elle cracha et ses poumons et le liquide, au grand amusement du Sherif.

« Je sais vraiment pas comment tu fais pour aimer ça, mon chou ! C’est épouvantable ! »

David continua de rire, avant de lui aussi boire de son whisky. Il lui trouva un goût particulier. Il se leva et parcourut son salon. Mathilda et lui avait fait un grand ménage. Plus de poussière, plus de bouteilles vides, plus de mégots. La maison avait elle aussi subit une métamorphose. Aux murs pendaient de magnifiques portraits du couple Cosby, mais aussi de nouveaux clichés de Mathilda et David, tous deux souriants à pleine dents. L’air sentait bon le citron et le jardin avait retrouvé sa splendeur d’antan. David se tourna vers son amie, encore prise d’une quinte de toux. Malgré son style vestimentaire quelque peu original, ses manières franches et son amour pour les ragots, Mathilda était la personne la plus importante à ses yeux. Il sentit l’émotion lui serrer le cœur et au prix d’un grand effort, repoussa les mauvais souvenirs menaçant de refaire surface. Il sirota sa boisson avec délice et se dirigea vers la cheminée. Il regarda encore une fois la batte de baseball qui lui avait sauvé la vie, posée sur un piédestal comme une œuvre de grande valeur. L’enquête étant close, il avait pu récupérer l’objet et s’en servait désormais de totem, se rappelant en l’observant de la chance qu’il avait eu. Les blessures étaient toujours présentes mais elles guérissaient et chaque jour passé au côté de Mathilda était un jour de plus vers son rétablissement complet. Lucie lui manquait terriblement mais il pouvait désormais faire son deuil et recommencer à vivre. Il ne serait plus jamais le même homme après les épreuves qu’il avait vécu mais une chose était certaine, il était toujours un excellent policier. Sa vie était en ordre, il était en vie et Mathilda but une autre gorgée sans tousser. Tout allait bien et il revint s’assoir à ses côtés.

Ils trinquèrent encore une fois car aujourd’hui, après un an de mise en examen, entretiens psychologiques avec des experts et études des éléments de l’enquête, Logan Milford, alias Chase Cornick, avait enfin été déclaré responsable de ses actes et coupable du meurtre de douze jeunes femmes, de nombreux incendies criminels, dont celui responsable du décès de son père, ainsi que de la tentative de meurtre du Sherif Cosby. Il avait assisté à son propre procès dans une chaise roulante, tétraplégique et incapable de s’exprimer correctement, pantin dans le spectacle de sa propre chute. Son avocat avait plaidé coupable en sollicitant la sympathie du jury face à l’enfance difficile de son client, mais les jurés, insensibles à ces mensonges manipulateurs, avait voté pour la peine capitale à l’unanimité. Logan avait été conduit par la suite dans sa nouvelle cellule, dans le couloir de la mort, attendant la date de son injection, date que David attendait avec impatience.

Mathilda s’inquiétait de la réaction de son ami quand le jour J arriverait. Capturer le Marionnettiste était devenu la raison de vivre de David depuis la mort de sa femme et elle craignait qu’une fois cette histoire terminée une bonne fois pour toute, le Sherif ait du mal à s’en remettre. Elle ne savait même pas s’il était bon pur lui d’assister à la mise à mort de ce monstre. Le jour fatidique ne tarda pas et à la surprise de Mathilda, David décida de ne pas y assister.


***


Les gardes vinrent chercher le Marionnettiste le jour de son exécution, sans prendre de quelconques précautions de sécurité. Le monstre était devenu inoffensif, immobile dans son fauteuil. Il n’avait même pas eu le droit à un dernier repas, de toute façon incapable de manger autre chose que de la bouillie. Seuls ses yeux attestaient de son inhumanité et de son impuissance, le reste de son corps figé à jamais depuis sa chute. Il avait attendu avec impatience qu’on mette fin à ses jours, ne supportant plus l’état pitoyable dans lequel il se trouvait. Une seule chose l’avait fait tenir : pouvoir voir une dernière fois le Sherif. Les gardes poussaient son fauteuil, le rapprochant inexorablement vers ses derniers instants, son grand final. Les infirmiers préparèrent tout le matériel, les trois injections, les machines et lorsque tout fut prêt, le public entra dans la pièce voisine, séparé du bloc opératoire par une vitre incassable. Le Marionnettiste sentait son ego boosté par le nombre de spectateur venu assister à sa mise à mort, mais seul le Sherif lui importait. Il le chercha du regard sans le trouver. La frustration faisait pulser son sang plus rapidement et la colère montait. Il observa le bal des spectateurs, entrer un à un dans la pièce. Un des agents de sécurité plaçait les gens sur les différentes chaises. Quand tout le monde eut pris place, il ne restait qu’une unique chaise au premier rang, comme si l’agent avait fait exprès de laisser libre cette place de choix. Il tourna le dos au condamné et déposa quelque chose sur le siège avant de rejoindre son poste. Le Marionnettiste écarquilla les yeux, incrédule. Sur la chaise du premier rang était posé une paire de lunette vert pomme.


***


A l’instant où le poison mettait fin à la vie du Marionnettiste, débarrassant le monde d’un de ces plus monstrueux individus, le Sherif profitait des rayons doux du soleil à faire son jardin en compagnie d’une Mathilda à moitié myope, incapable de faire la différence entre les plantes à arroser et celles à désherber.

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