Chapitre 2 (septième partie)

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Mardi 18 avril 2006

Ce fut Sam qui, en revenant de Fort William après le week-end de Pâques qu'il avait passé là-bas avec Jenn, apporta de la nouveauté. Il avait donné rendez-vous à Mickaël pour ce midi, pour qu'ils déjeunent ensemble avant de partir chez Harris. Au téléphone, Mickaël l'avait senti tout excité, mais Sam n'avait rien voulu lui révéler.

- Je me demande bien ce qui le met dans cet état, dit Mickaël à Maureen en descendant dans l'arrière-boutique, avant de rejoindre son ami. J'aurais presque pu le voir sautiller en me parlant !

- Peut-être qu'il veut t'annoncer son mariage avec Jenn... répondit Maureen en souriant.

- Ou un bébé pour eux aussi, mais ça m'étonnerait : je ne vois pas Jenn prendre ce risque pour l'instant. Je crois qu'elle attendrait encore un peu, pour être plus sûre de Sam.

- Il a l'air de se tenir à carreau... fit remarquer Maureen avec un peu d'amusement dans la voix.

- Oh, oui ! Il tient à elle, dit Mickaël. Il ne veut pas déconner à nouveau, c'est certain. Mais Jenn connaît l'oiseau et je pense aussi qu'avec le décès de sa mère et surtout ses longs mois de maladie, elle veut prendre un peu de temps pour elle avant de songer à une famille.

Maureen hocha la tête. Elle comprenait. Mickaël l'enlaça avec tendresse et dit :

- Ne te fatigue pas trop, ma douce. A ce soir.

- Je m'allonge toujours un peu en début d'après-midi, tu sais. Je me sens bien, ne t'inquiète pas ! répondit-elle.

Et pour couper court à toutes ses inquiétudes, elle l'embrassa.

- Allez, file. Sinon, Sam va t'attendre et il boira plus de bière que de raison avant de prendre son poste. Et si ça dérape en cuisine, le patron ne sera pas content !

Mickaël lui répondit en riant et l'embrassa une dernière fois en laissant sa main glisser sur son ventre qui commençait à peine à s'arrondir.

**

Sam était déjà attablé, comme Mickaël s'y attendait, quand il entra dans le pub où ils avaient rendez-vous. A peine s'assit-il avec son verre de bière que son ami dit d'emblée :

- Micky, j'ai un super truc à t'annoncer.

- Je m'en doute que c'est un super truc, vu comment tu étais impatient de me voir ! lui répondit-il en riant. Allez, crache le morceau vite fait. On était prêt à ouvrir des paris, Maureen et moi.

- Et bien, je suis certain que vous avez perdu tous les deux, car je ne pense pas que vous ayez une seule seconde pu imaginer ce que j'ai trouvé, répondit Sam en bombant légèrement le torse.

- Ah, tu as trouvé quelque chose ?

- Ouaip.

Sam avala une longue gorgée de bière, deux bouchées, puis dit enfin :

- Tu vois le petit resto sur le port à Fort William, pas loin de l'Imperial Hotel ?

- Lequel ? demanda Mickaël en se demandant bien pourquoi Sam lui posait cette question.

- Celui qui paye pas de mine, répondit Sam. Qui n'a pas pris un coup de peinture depuis des lustres. Mais où on mange des bonnes petites côtes rôties et où on propose une excellente bière.

- Ah, celui-là... Et alors ? fit Mickaël.

- Le patron vend.

Sam ne dit rien de plus, comme si cette simple phrase expliquait tout à elle seule. Mickaël demanda :

- Ah bon ? Hum, c'est vrai que je l'ai toujours connu... Il doit avoir l'âge de la retraite, maintenant.

- C'est exactement cela.

- Comment l'as-tu appris ?

- Dimanche soir, on s'est offert une petite balade sur le port, Jenn, John et moi, expliqua le grand jeune homme maigre entre deux bouchées. Il faisait bon. Il n'y a pas toujours grand-chose d'ouvert, mais on a vu qu'il proposait un plat du soir. On s'est arrêté chez lui, il n'y avait pas d'autres clients que nous et on a commencé à discuter. John le connaît un peu et le patron nous a dit qu'il allait faire sa dernière saison.

- Et alors ?

- Alors, j'ai pensé qu'on pourrait lui racheter son fonds de commerce et s'installer tous les deux, asséna Sam.

Mickaël regarda son ami avec des yeux ronds :

- S'installer ? Maintenant ? Mais... tu crois pas que c'est un peu tôt pour y penser ? Avec le bébé... Je me vois mal prendre ce genre de risque maintenant.

- Micky, t'imagine ? On pourrait monter notre propre resto à Fort William, tous les deux ! dit Sam avec enthousiasme. Il ne vend pas très cher, de toute façon, y'a des travaux à faire. La cuisine n'est plus aux normes et il y a besoin d'un sacré coup de peinture dans la salle. Ce n'est pas très grand, et pour démarrer...

- Tu te vois quitter Harris maintenant ? l'interrompit Mickaël qui mesurait bien l'emballement de son ami. On a un bon patron, Sam. On est bien payés. On chôme pas, mais il y a tout un tas de choses dont on n'a pas à s'occuper... Les approvisionnements, je ne parle pas du frais, bien entendu, mais le reste. Et la comptabilité ? Ni toi, ni moi ne savons tenir une compta... Faire la cuisine, c'est une chose, devenir son propre patron, c'en est une autre...

- Hey, Micky ! Depuis quand tu aurais peur de prendre des risques ? C'est ta future paternité qui te fait hésiter ? plaisanta son ami.

- Sans doute un peu, reconnut-il. Je suis réaliste aussi, Sam...

- Moi, je dis qu'il faut qu'on y réfléchisse sérieusement, insista-t-il. Et qu'on en cause avec Harris, bien entendu. Ne serait-ce que pour avoir son avis. Et qu'il se prépare si on s'en va.

- Ce ne serait pas évident pour lui. Nous remplacer tous les deux en même temps...

- Surtout, te remplacer toi... sourit malicieusement Sam. C'est plus dur de trouver un chef, surtout un bon comme toi.

Mickaël ne répondit rien. Il devait bien avouer qu'il avait toujours pensé qu'un jour, il pourrait s'installer, mais il n'avait jamais imaginé que cela pourrait arriver si vite, alors qu'il entamait tout juste sa carrière. Peut-être que le jour où Harris aurait pris sa retraite, il aurait alors envisagé de repartir, voire de reprendre le restaurant. Cela n'était pas encore d'actualité, loin de là. Il voulait aussi prendre plus d'assurance avant de franchir un tel cap. Et, de plus, il ne se voyait pas prendre ce genre d'engagement sans y avoir longuement réfléchi avec Maureen. Elle aussi était dans le commerce, elle avait tout juste une année d'exercice et était parvenue à faire un très léger bénéfice, mais se retrouver à deux avec des commerces à gérer, c'était une autre affaire. Et puis, avec le bébé à venir, il était possible aussi qu'elle arrête de travailler, ou qu'elle travaille moins. Pour l'heure, ils n'avaient pas encore parlé de tout cela.

- Bon, t'es ok au moins pour y réfléchir ? demanda Sam que le silence de Mickaël commençait à inquiéter.

- Oui, ok, pour y réfléchir, dit-il. Et je veux en parler avec Maureen d'abord. Je ne prendrai pas de décision sans qu'elle soit d'accord.

- C'est normal. Jenn pense que ça pourrait être une bonne idée, mais bon, ses arguments ne sont pas les mêmes que ceux de ta Princesse, reconnut Sam.

- Je m'en doute... sourit Mickaël.

Mercredi 19 avril 2006

Dès le lendemain midi, en déjeunant avec elle après avoir fait son tour à la criée et aux halles, Mickaël fit part à Maureen de l'idée de Sam. Elle lui dit d'emblée :

- Mickaël, si tu as envie d'un tel projet, je ne peux que t'y encourager et t'aider comme je le pourrai. Cela peut être une belle opportunité, même s'il faut y réfléchir à deux fois, voir si c'est viable pour vous deux, s'il vous faudra du personnel, en salle, en cuisine... Moi, je pourrai vous aider pour la comptabilité. J'en fais au quotidien pour ma boutique. Ce n'est pas plus compliqué pour un restaurant !

- Bien entendu. Mais ça voudrait dire aller vivre là-bas. Tu serais obligée de fermer ton magasin, fit-il remarquer.

- Je n'en suis pas propriétaire, Mickaël. C'est différent. Je peux abandonner mon bail. Je n'ai pas pris de très gros risques financiers ; de toute façon, je n'en avais pas les moyens. Et, de plus, il faudra peut-être que j'arrête de travailler avec le bébé. Enfin, il y a beaucoup de changements à venir, sourit-elle.

- Justement, dit-il. Si tu arrêtes de travailler, il n'y aura que mon salaire pour nous faire vivre. Je gagne bien ma vie chez Harris, ce ne sera pas un problème. Mais là, repartir à zéro... avec un bébé... la responsabilité, tu vois ?

- Oui, je comprends que tu hésites, répondit-elle. Je crois qu'il faut prendre les choses dans l'ordre. Etudier la faisabilité du projet. Demander son avis à Harris. Voir les banques pour les financements. Après seulement vous pourrez prendre une décision, Sam et toi.

- C'est très sage, ce que tu dis, fit-il. Bon. Je connais Sam, il va me tanner tant qu'on ne sera pas allé tous les deux voir le gars qui vend. Ca peut être de toute façon une première approche. Que je me rende compte par moi-même du lieu, des travaux... A la rigueur, tu viendras avec moi aussi. Ton avis compte.

Maureen sourit :

- D'accord. Alors on s'organise pour retourner bientôt à Fort William et, à cette occasion, on ira voir ce restaurant.

- OK. Mummy sera ravie de nous revoir, sourit-il. Elle pourra se rendre compte aussi que tu t'arrondis un petit peu...

- Je pense que c'est important pour elle !

- C'est même très important ! répondit-il en riant avant de se pencher par-dessus la table et de déposer un léger baiser sur ses lèvres.

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