L'armoire

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Une fois de plus elle l'avait mis dans l'armoire.

C'était un meuble en bois assez grand pour qu'un enfant de huit ans puisse y tenir debout. Une armoire comme une autre. Charles la connaissait bien. Quand il était méchant, sa mère l'y enfermait. Il y avait passé du temps et des pleurs dans cette armoire, se liquéfiant d'excuses jusqu'aux hurlements, moment où d'habitude une main généreuse faisait enfin tourner la clé et ouvrait grand la porte pour le libérer.

Mais qu'avait-il fait de si grave cette fois-ci ?

Sa mère était arrivée comme une furie dans sa chambre, le regard déjà perdu dans la démence. Elle l'avait giflé, puis frappé plus fort, l'avait traîné jusqu'à l'armoire et jeté dedans. Le choc l'avait presque assommé. Les portes du meuble claquèrent alors et la clé tourna dans un crissement de vieux métal. Charles resta là. L'odeur du bois pourri raviva ses sens petit à petit.

Il attendait maintenant, entre angoisse et tristesse.

Pourquoi, pourquoi ? Pourquoi maman ?

Des fois je suis méchant, je fais des bêtises, mais là, qu'est-ce que j'ai fait ?

Silence. A l'extérieur le monde s'était tu, comme s'il avait disparu. Charles avait peur maintenant, sa respiration se faisait saccadée. Dans le noir complet, l'ouïe déployée, il pouvait entendre son cœur battre de plus en plus vite, de plus en plus fort.

Maman, laisse-moi sortir !

Cria-t-il. Pas de réponse. Il répéta sa demande en y ajoutant un

S'il te plaît...

plaintif. Rien. Rien que le silence, le vide et le rythme entêtant de son cœur. Il se mit à sangloter.

Puis l'armoire bougea. Il n'avait pourtant entendu personne approcher. Les couvertures rangées au-dessus de sa tête se délogèrent, elles l'ensevelissaient maintenant, l'étouffant presque. Dans une suite de cahots, l'armoire avait entrepris une marche aveugle, mue par une force surnaturelle. Soudain elle s'arrêta.

Puis elle bascula et chuta.

Charles fut projeté contre le fond dans un bruit sec suivi d'un cri de douleur, un cri aigu, glaçant. Puis le silence à nouveau. Quelques sanglots, peut-être ?

Maman !

Criait-on de l'armoire.

J'ai mal ! Maman !

Dehors, quelqu'un riait. C'était une femme, mais certainement pas la maman de Charles. La maman de Charles était douce, tendre et aimante, comme toutes les mamans. Ce rire-là était fou et tranchant, c'était un rire qui broie. Charles colla une oreille contre le fond de l'armoire, maintenant sur le dos, lui maintenant allongé de tout son long, le bras gauche brisé replié sur son torse. C'était comme si une armée de vers grouillants tentait de se frayer un chemin entre les planches. Peut-être pourraient-ils entrer ? Il frissonna et pleura de plus belle.

Maman ! Maman !

Un bruit sec.

Il commençait à comprendre.

Comme un animal pris au piège, Charles grattait maintenant avec désespoir le bois vermoulu, cognant, se faisant mal, essayant de briser les murs de sa prison.

Ce bruit, c'était celui de la terre qu'on jetait contre les portes de l'armoire. Il entendait de moins en moins, comme s'il s'éloignait, le son du rire monstrueux.

Sa maman, elle, entendait de moins en moins les hurlements de Charles.

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