Il est facile de prêcher la bonne parole lorsqu’on a la tête froide. Il est facile d’être une personne brillante lorsqu’on est serein. Il est facile de s’indigner gratuitement, de juger sans savoir.

Je pourrais moi aussi disserter pendant des heures sur la nécessaire entente entre les individus, les règles supérieures de la courtoisie si seulement j’avais tiré mon coup. Toute la galanterie du monde ne tient pas dix secondes face à une érection douloureuse. Traitez-moi de primate et vous êtes encore loin du compte. Un primate n’a pas de conscience, pas de remords. Un primate n’en a rien à foutre. Alors, allez-y avec vos lieux communs.

La rue n’est que regards salaces, bouches gourmandes, poitrines généreuses et petits culs. Ma pensée est une brûlure qui parcourt mon bas-ventre. Un fourmillement dans mes entrailles. Une angoisse qui me prend à l’estomac et me fait saliver. Et je suis censé endurer tout cela en restant une personne convenable. Allez-y, parlez-moi de retenue. Parlez-moi de respect et de dignité. Prononcez les mots magiques.

Tout cela n’a rien à voir avec le sexe. Rien à voir avec le sexe faible non plus, sinon la faiblesse. Il ne s’agit surtout pas de plaisir. Tout n’est que pouvoir. Possibilité. Pouvoir se balader dans la rue sans chercher du regard une partenaire consentante. Déambuler sur le trottoir sans grogner intérieurement lorsqu’un rival vous croise. Dans le même ordre d‘idée : la capacité de votre vessie, votre sens inné de l’orientation. Pouvoir mettre simplement un pied devant l’autre sans que votre entrejambe vous rappelle à quel point vous n’êtes qu’un animal pathétique et prévisible. Prisonnier. Savoir qu’avec un tel taux d’hormones dans le sang, vous n’êtes pas libre.

S. D.