Le tribut

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Reportant son attention sur la jetée, Korben vit que les pirates avaient déjà jeté l'ancre de leur navire solidement maintenue par des chaînes. En concentrant son regard sur la masse d'ombres qu'une pâle lune révélait, il put, avec difficulté, discerner les silhouettes des trois tortionnaires qui n'allaient pas tarder à les rejoindre avec une barque qu'ils avaient descendu de leur navire. A mi chemin les deux rameurs, deux grands gaillards se levèrent pour saisir le plus petit d'entre eux et le jeter à la mer. Celui-ci n'eut plus qu'à rejoindre le rivage à la nage pour rattraper ses comparses qui avaient déjà amarrer la barque au rivage.

Celle-ci taillée dans du chêne massif, comme toutes embarcation ivanamori digne de ce nom,était d'une qualité artistique indéniable, si bien que son oncle Baird avait pour habitude de lancer des boutades grivoises voir vulgaires « ils astiquent et lèchent davantage les détails de leur bateaux que les seins de leurs femmes». Les formes de la proue attira particulièrement l’œil de Korben, maintenant que la barque était accosté près des lumières du camp. Il était comme fasciné par la grande sirène indécente et obscène enlaçant deux amants dans une positon plus que suggestive.

Précipitamment les Valdis achevèrent de se ranger.

L'altercation avec Korben avait contraint Eilinn de rejoindre le premier rang, ce qu'elle détestait car admirer leurs navires passait encore mais les voir trop longtemps observer ses frères et soeurs comme s'il ne s'agissait que de marchandises la répugnait. La prêtresse dans ses beaux atours, escortée par sa garde personnelle et suivie d'Elsie, s'avança au-delà des siens à la rencontre des pirates pour les accueillir comme à l'accoutumée. Le silence pesant avait peu à peu englouti tous les rangs. A part ceux de la suite de la grande prêtresse, tous craignaient d'être choisi pour le prochain tribut. Tous les cent jours, les pirates emportaient avec eux une demi douzaine de personnes comme impôt. Personne ne savait réellement ce qu'il advenait d'eux, mais des rumeurs avaient circuler apportées par ceux qui avaient rejoint le camp récemment. Au sud de la grande rivière des récits troublant circulés sur les moeurs abjectes de ce peuple... Certains disaient que les ivanamoris étaient cannibales, d'autres qu'ils violaient même les moutons, alors les femmes...

Malgré les paroles rassurantes de la grande prêtresse qui affirmait qu'il s'agissait d'un simple esclavage traditionnel, tous appréhendaient le jour où l'un de leur proches ou eux mêmes serait désigné. C'est la grande prêtresse qui par consultation des oracles voyait ceux que le destin allait définitivement choisir. Elle rassurait souvent les élus, en leur indiquant que de toute façon, Korakulos, leur dieu, lui avait révélée que leur temps et épreuve sur terre était bientôt achevé et qu'en récompense de l'acceptation du sacrifice, leur âme serait sauvée. Les Valdis avaient beau être très pieux, une fois choisis, le doute les envahissait. Aussi l'incertitude du sort de ceux et celles qui étaient emmenés était particulièrement néfaste à la santé mentale de ceux qui s'inquiétaient pour leurs proches. Et si mon fils était encore en vie et en bonne santé s'interrogeait la mère? Pourvu qu'il n'est pas touché ma fille, pestait le père ? Si notre père est décédé, pourquoi ne nous rendent-ils pas le corps pour l'enterrer convenablement, s'indignaient les enfants ? L'angoisse resserrait son étreinte particulièrement le soir, rendant le sommeil et le repos de l'âme pénible. Les doutes quant au sort des disparus empêchait de faire le deuil. Et là, la folie guettait les âmes déjà si durement éprouvées. Religion et baumes médicinales ne soulageaient guère les esprits qui se réfugiaient pour certains dans une torpeur et un mutisme total, rejoignant alors plus vite que le destin ne le prévoyait les profondeurs du Morksland.

Korben avait donc peur qu'Eilinn soit désignée même s'il craignait encore plus d'être lui même choisi. Il faut dire que l'aspect des pirates n'avait rien d’encourageant. Celui qui semblait commander était une sorte de géant trappu et surtout avait un œil crevé. Une barbe non taillée envahissait le reste de son visage. On pouvait distinguer de nombreuses cicatrices mal recousues le long de son torse et de ses bras. Il ne portait qu'un pantalon de lin pour vêtement. Un porte sabre en bandoulière, et deux longs poignards courbes à la ceinture complétait l'aspect malfaisant de son large sourire sadique. On avait l'impression que ce sourire s'allongeait encore lorsqu'il inspectait une belle fille, laissant ses grandes mains traîner longuement sur les formes plantureuses. Le second présentait les mêmes caractéristiques physiques tout ayant encore ses deux yeux. Cétait deux grand yeux ronds qui furetaient avec vivacité l'ensemble des rangs tout en griffonnant des notes sur son petit carnet. Les va et vient de son nez de fouine renforçaient encore cette impression. Et que dire de son odeur ? Celle de ses compagnons étaient déjà fort désagréables, mais la sienne était encore plus dérangeante. C'était à croire qu'il avait été croisé avec un porc sauvage, ou qu'il s'urinait dessus sans jamais se changer. Le dernier, plus jeune et plus menu, tremblotait de son bain forcé.

En comparaison à la marche vigoureuse des deux autres, sa démarche était beaucoup moins assurée. Ses longs cheveux fins non coiffés auraient pu faire croire qu'il s'agissait d'une fillette se cachant derrière son père. Son torse était couvert d'une sale tunique grisâtre. Ses bras n’arboraient aucune cicatrice et il était armé d'un simple poignard courbe. A bien y regarder, on aurait dit qu'il n'avait qu'une douzaine d'années. C'est la première fois qu'on le voyait au camp et sans doute la première fois que les ivanamori l'emmenaient en expédition.

Pendant que le furet comptait les Valdis, leur chef qui se prénommait Ivard s'arrêta devant une jeune femme, puis posa ses mains sur son ventre :

- " La dernière fois ton ventre était rond. Où caches-tu l'enfant ? Déclama t-il, avec l'accent typique et gutturale des îles de l'ouest.

- Nulle part Maître. Il dort dans la tente.

- Bernok ! Apostropha t-il le furet dans une langue rudimentaire en aboyant ce qui ressemblait à un ordre."

Bernok empoigna fermement le bras de la jeune femme pour qu'elle le guide.

Ivard continua son inspection, s'arrêtant surtout sur le physique des femmes. Il finit par s'intéresser à Eilinn qui le fixait dangereusement

"Pourquoi me regarde tu comme ça ? Approche que je te vois mieux ». Eilinn s'exécuta en baissant la tête. Le pirate lui releva immédiatement le menton.

- Mignonne mais un peu frêle, examinait-il, lui saisissant les fesses. Hum, On dirait que ton cul pourrait convenir à certain des nôtres tu sais... Eilinn ne put se retenir, et enleva les mains du porc de ses fesses.

- Et je suis certaine que ta mère conviendrait à... La gifle d'Ivard la cloua au sol sans pouvoir finir la provocation de trop. L'empoignant par les cheveux il la redressa, la serrant de force contre son corps massif.

- Fais bien attention j'aime dominer les bêtes sauvages comme toi, quel est ton nom ?

- Eilinn

- Et qui est ta mère ?

- Je suis orpheline.

-Très bien, retourne à ta place sale petite pisseuse. Maintenant j'ai faim et soif cria t-il en direction de la grande prêtresse qui d'un signe l'invita à se diriger vers sa grande tente.

La scène avait semble t-il réjouie Elsie. Eilinn fixait rageusement le sourire qui pendait aux lèvres de la fille chérie de la grande prêtresse. Qu'elle aimerait effacer ce sourire à jamais...

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