chapitre deux - partie deux

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| Veritae ; partie deux

Assise en boule dans un coin, Marinette se lamentait en silence. Comment avaient-ils pu en arriver là ?

Le groupe de héros était réuni au complet dans la chambre de Chloé Bourgeois. La blonde s’apprêtait justement à rejoindre Ladybug et Chat Noir quand Vipérion, Rena Rouge, Carapace et Ryuko avaient débarqués. Ils avaient tous envoyé un message de leur localisation à leurs chefs. Puis ils avaient attendu. Il était clair qu’ils auraient besoin d’aide à un moment ou à un autre.

Et effectivement, une fois que Ladybug eut répondu à Veritae, Chat Noir l’avait attrapée dans ses bras telle une princesse et l’avait emportée loin du champ de bataille. Les rires et l’expression confuse de Veritae restaient imprimés dans la tête de Ladybug aussi clairement que si elle y était encore.

Queen Bee était adossée à l’un des piliers de son lit à baldaquin ; Rena Rouge et Carapace avaient pris place dans les canapés ; Ryuko s’était perchée sur une commode et jetait de temps à autre des coups d’œils inquiets à Chat Noir qui gardait la porte. Vipérion était assis sur le lit de Chloé et accordait toute son attention à Marinette en boule dans un angle de la chambre.

Le silence entre eux était terriblement pesant. Tous réfléchissaient au déroulement de la première partie du combat que venaient de leur relater Ladybug et Chat Noir. De plus, ils n’avaient jamais été au complet depuis que l’identité de Ladybug était connue. Elle se mordit la lèvre. Elle savait qu’elle devrait agir car, après tout, Veritae rôdait toujours, mais elle en était incapable. L’aveu qu’elle avait fait à la vilaine l’avait atteinte trop profondément pour l’oublier immédiatement.

Son plus grand souhait ? Elle en avait pleins ! Épouser Luka, réussir ses études, vivre sa vie de famille dans une villa avec trois enfants et un hamster qu’ils appelleraient…

« Bon, on fait quoi maintenant ? » lança Queen Bee.

Devenir une princesse, reprendre la boulangerie, être une star de la mode... Tous ces rêves d’enfants qu’elle voulait voir se réaliser n’avaient pas été suffisants. Ils avaient été balayés par un vœu né de sa peur la plus profonde : celle de ne jamais plus retrouver la paix.

« On va la battre une bonne fois pour toutes ! » s‘exclama Carapace en levant un poing motivé.

Son sourire fragile s’évanouit rapidement en constatant que son entrain ne parvenait pas à toucher le groupe.

« Vous savez où se situe l’akuma ? demanda alors Ryuko.

– Sûrement dans ses écouteurs, répondit Chat Noir. Les câbles dans son dos remontaient jusqu’à ses oreilles et je doute qu’ils soient reliés à autre chose que sa combinaison étant donné qu’elle n’a pas de poches.

– Et qu’elle avait des écouteurs lorsque je l’ai croisée dans la rue ! percuta Ladybug en levant faiblement la tête. C’est quand je les ai vus que j’ai pris la fuite. L’akuma ne peut pas se trouver ailleurs.

– Très bien ! Alors il ne reste plus qu’à les détruire, non ? » conclut Queen Bee.

Ladybug soupira. Si seulement tout était si simple.

« Disons que maintenant qu’on sait où il se situe, le Lucky Charm de Ladybug aura son utilité et devrait nous faciliter la tâche, commença Chat Noir. Mais je crois que…

– Les problèmes relationnels ne vont pas aider, le coupa Ryuko. Si vous voulez qu’on batte Veritae, réglez vos soucis d’abord. »

Ses yeux flamboyaient d’une détermination agacée en direction de ses camarades qui esquivaient évidemment le sujet. Le silence s’éternisa, puis Queen Bee reprit la parole.

« Elle n’a pas tort, on n’a pas reparlé de l’identité de Ladybug. Je pense que c’est important qu’on mette ça à plat.

– Et tu veux dire quoi de plus ? rétorqua Vipérion, soucieux que la tournure des évènements n’enfonce encore Marinette.

– Pour le coup, je rejoins Vipérion, intervint Ryuko en se tournant vers la coccinelle. Pour nous, savoir qui est Ladybug n’a pas vraiment d’importance. Tu restes Ladybug avec et sans le masque comme tu restes la personne que tu es en temps que civile dans ta vie de civile.

– Et finalement, ça fait sens que tu aies choisi des héros proche de toi à l’époque, nota Carapace. Pour moi, que tu sois toi de ces deux manières ne pose pas de soucis. Je suis même plutôt heureux d’être au courant ! »

Luka couva Marinette d’un regard bienveillant qui signifiait également « tu vois, je te l’avais bien dit. » Cependant, Alya, Chloé et Chat Noir ne s’étaient pas prononcés.

« Je suis plutôt curieuse de savoir pourquoi elle nous fuyait ces derniers temps, dit Queen Bee. Parce que ce n’est pas passé inaperçu, on a tous constatés que tu n’évitais pas seulement les journalistes. Nous ne sommes pas aveugles. »

Marinette déglutit et, s’appuyant sur son genou, se releva doucement. Puis elle avança jusqu’au milieu de la pièce où trônait une chaise libre. Sachant qu’elle n’aurait pas la force de rester debout, elle se servit du dossier comme appui. Luka vint s’installer dans son dos afin que la chaise reste stable. L’héroïne lui lança un regard complice.

« A vrai dire, commença Ladybug, j’avais peur de votre réaction. J’aurais compris que vous ne vouliez plus de moi comme héroïne étant donné que j’avais eu la bêtise de me détransformer sans faire attention autour de moi. Je me disais que je vous avais sans doute déçus et que… la vraie moi n’était pas à la hauteur de vos espérances. Je ne me sentais plus à la hauteur. J’avais honte, aussi. Et peur de vous attirer encore plus d’ennuis en parlant trop, comme c’est le cas aujourd’hui, alors je restais concentrée. »

Un silence accueillit son maigre discours et son regard glissa du sol jusqu’au visage fermé de Chat Noir. Elle se demandait ce qui pouvait bien se passer dans sa tête et s’inquiétait de sa réaction – ou plutôt de l’absence de celle-ci.

« C’est de ma faute, prononça Rena Rouge d’une voix tremblante. Si je ne t’avais pas suivie, rien de tout ça ne serait arrivé. J’aurais jamais dû filmer, c’était débile ! Et t’éviter après parce que j’avais peur que tu sois furieuse, ça aussi, c’était stupide, Carapace avait raison… Je suis tellement désolée, Marinette ! »

Tout le monde se raidit instantanément. Le prénom de Ladybug n’avait pas encore été prononcé, et l’entendre confirmait tout ce qui était arrivé ces derniers temps. Face aux larmes d’Alya, Marinette ne put rien faire d’autres que d’inspirer pour accuser le coup, puis se décoller de sa chaise et avancer d’un pas presque mécanique vers elle. Elle s’accroupit aux pieds de la brune, ignorant le malaise ambiant, et posa les avants-bras sur ses jambes. Elle se sentait pleine d’une belle sérénité et soulagée.

« Je n’ai jamais été en colère, au contraire. J’avais peur que tu m’en veuilles de ne t’avoir rien dit alors qu’on était si proches. Mais je vois que ce n’était pas le cas. On laisse ça derrière nous et on recommence ? »

Rena Rouge hocha la tête et essuya ses joues d’un geste tremblant qui fit sourire son amie. Puis quand elles furent toutes deux debout, elles se prirent dans les bras. Alya eut un sourire maladroit, dans lequel Marinette lut une volonté nouvelle. Elle pouffa quand Rena renifla et se dépêcha d’aller chercher un mouchoir sur la table de chevet de Chloé.

« Ce n’était qu’un quiproquo, finalement, conclut Carapace en enlaçant sa petite amie. Maintenant, on va casser la tête de Veritae ?Tu peux utiliser ton Lucky Charm, Ladybug ? »

L’expression simpliste « casser la tête » fit sourire Ladybug et Vipérion. Ils échangèrent un regard rapide, et quand Luka tourna vaguement les yeux vers Chat Noir, Ladybug sut qu’ils n’en avaient pas fini des problèmes internes. Cependant, Carapace avait raison, ils devaient continuer le combat.

« Vous voulez retourner à l’attaque tout de suite ? Ce ne serait pas mieux d’élaborer un plan, d’abord ? nota la coccinelle en tendant deux mouchoirs à Rena.

– Tu as une idée avant d’utiliser ton pouvoir ? questionna Vipérion en haussant un sourcil.

– Pas vraiment une idée, répondit vaguement Ladybug, mais plutôt un coup de pouce pour éviter les sons et les réponses à ses questions. » Elle se tourna vers la blonde du groupe. « Queen Bee, tu aurais des foulards courts pour chacun d’entre nous, s’il te plaît ? Si nous portons des baillons, ce sera moins évident de formuler des réponses claires, ou elles seront étouffées. »

Immédiatement, elle fila dans son placard pour chercher de quoi les aider.

« Dis, Ladybug. »

La voix de Chat Noir résonna un instant dans la pièce, le temps pour elle de se retourner, très tendue.

« Tu pensais sérieusement ce que tu as répondu à la dernière question de Veritae ? »

C’était l’unique partie dont ils n’avaient pas parlé. Ladybug fut prise de vertiges. Elle crut qu’elle allait tomber tant cette question la brusquait, la ramenant de force à l’aveu qu’elle avait fait à Veritae. Une réponse qu’elle ne pensait jamais prononcer.

« Non, je ne le pense pas, répondit-elle sous les regards curieux de leurs alliés. Je ne sais pas pourquoi j’ai répondu ça. »

Parce qu’il y avait un souhait dans sa question, et que mine de rien, ça me travaille. Parce que c’est une part de mon plan. Mais formulée ainsi, si brusquement, sa réponse l’ébranlait encore.

Personne n’ajouta rien. Il n’y avait rien à dire. Si les deux héros principaux désiraient garder le silence à ce sujet, les autres respecteraient leur choix. La relation de Ladybug et Chat Noir leur permettait parfois de se comprendre à la perfection alors que d’autres ne verraient rien du tout. C’était le résultat d’une complicité exemplaire et d’années d’une confiance sans faille.

Mais visiblement, la réponse de Ladybug embêtait Chat Noir. Il fit claquer sa langue et saisit le bâillon que lui passait Queen Bee sans rien ajouter. Luka avait raison, elle allait devoir discuter avec Chat Noir d’urgence.

« Je peux donner mon avis sur un point qui me travaille ? demanda Ryuko qui avait déjà noué le bandeau autour de son cou.

– Je t’en prie, l’incita Ladybug.

– Je pense que tu devrais nous laisser nous charger du combat, soumit-elle. Tu connais toutes nos identités et il lui suffit de te demander une liste de nos noms pour que nos identités soient connues. En ce qui nous concerne, Rena Rouge, Carapace, Vipérion ainsi que moi-même, c’est trop risqué. Et je ne compte pas ceux qui ne portent des Miraculous qu’à temps partiels. Si l’un de nous dévoile sa propre identité, ce sera dans notre cas seulement puisque nous ne connaissons pas le nom de tous les autres. Qu’est-ce que vous en pensez ?

– Je suis d’accord avec Ryuko, » approuva Chat Noir.

Il fut rapidement suivi de la totalité du groupe : elle devrait rester en retrait pour le bien de la mission et leur sécurité à tous. Cela ne fit que renforcer le plan de Ladybug qui sourit amèrement, acceptant la décision unanime.

Tout le monde était prêt, et Ladybug savait que les non-dits entre elle et son célèbre duo se dissiperaient une fois Veritae battue. Elle n’avait plus qu’à lancer son Lucky Charm et voir ce qui apparaîtrait. Elle se décala d’un pas de là où elle se tenait et, clamant le nom de son pouvoir, projeta son yo-yo le plus haut possible.

Il retomba dans ses mains, accompagné d’un trousseau de portes clés. Tout le monde resta un instant perplexe devant les petits outils, et pour le moment, Ladybug ne voyait pas comment les rendre utile. En revanche, elle se souvint d’un élément qui pourrait les aider.

« Rena, tu as toujours le détecteur de mensonge bon marché que tu utilisais au collège ?

– Bien sûr, acquiesça la rousse. Tu veux que j’aille le chercher ?

– S’il te plaît, répondit Ladybug. Queen Bee, il va me falloir de la peinture noire et rouge.

– Tout de suite, Ladybug. »

Maintenant qu’elle avait utilisé son Lucky Charm, le temps était compté à Ladybug. Elle n’avait plus peur de se détransformer désormais, mais plutôt de perdre du temps alors que nombres de ses proches étaient retenus en otage. Le groupe se pressa et en quelques minutes, tout était prêt.

« Si l’un de vous répond à une question, montrez-lui le détecteur. Rena s’en servait au collège pour prouver les mensonges de Lila. Il n’est pas très fonctionnel, alors les résultats devraient être aléatoires. Il faudra donc composer avec les réponses truquées. Étant donné que je le fais passer pour un Lucky Charm, il devrait attirer l’attention de Veritae. Profitez-en pour briser ses écouteurs.

– Tu nous suggères de la distraire en répondant à ses questions ? s’interrogea Rena Rouge. Alors qu’elle va sans doute nous demander de révéler nos identités ?

– C’est pour cela que Queen Bee va nous aider. Vipérion, tu l’assisteras en montrant bien l’objet, qu’elle comprenne ce qu’il en est. Tu t’en sens capable ? » s’inquiéta tout de même Ladybug en scrutant le visage de la blonde.

Marinette était toujours surprise de la façon dont Chloé avait grandi. Elle rayonnait de confiance en elle, et accordait cette confiance aux autres. Parfois, Marinette se surprenait à admirer sa force. Queen Bee acquiesça, très fière de la responsabilité qui lui était accordée. Ladybug récapitula :

« Carapace, tente de faire sortir les prisonniers par la porte arrière de la boulangerie. Une fois qu’ils seront à l’abri, Rena Rouge créera une illusion d’eux afin de faire en sorte que Veritae croit être en position de force. »

Et alors qu’elle débitait son discours, elle comprit à quoi serviraient les portes-clés. Elle les déposa dans une main de Chat Noir et reprit :

« Ryuko et Chat Noir, je compte sur vous pour faire sortir l’akuma. Servez vous des portes-clés comme d’un poids sur les écouteurs. Essayez de les coincer ou de les nouer autour, ça devrait rendre les mouvements de Veritae plus lourds et maladroits. Je resterai en retrait, comme vous me l’avez demandé, mais je vous surveille alors faites attention ! »

Ils sourirent et, les uns après les autres, quittèrent leur repaire pour repartir sur le champ de bataille.

Chat Noir referma la main sur les portes-clés mais n’accorda pas un regard à Ladybug.

Abritée derrière une cheminée à distance raisonnable de la boulangerie, Ladybug observait le plan se dérouler. De cette distance, elle ne pouvait pas entendre ce qui se disait, mais ils avaient tous l’air de bien s’en tirer.

Première phase : combattre en feignant le silence complet de tous. Ils tournaient autour de Veritae dans une tentative vaine d’atteindre les fils qui s’éloignaient de temps à autre de son dos. Elle les esquivait de justesse, munie de son sourire mesquin. Parfois, Ladybug voyait l’un des portes-clés accrochés par Ryuko ou Chat Noir scintiller et espérait que Veritae ne les sentirait pas tout de suite. De son coté, Carapace profitait des attaques aériennes pour faire filer le plus vite possible les otages de Veritae. Ladybug se trouvait juste au-dessus de la rue où les prisonniers seraient considérés comme étant en sécurité. Soit trop loin de Veritae pour qu’elle ne les atteigne sans se compliquer la vie en combats.

Ladybug détourna donc son attention des attaques de diversion répétées des héros pour se focaliser sur Carapace. Il s’en sortait bien. Un à un, les quelques captifs sortirent de l’arrière de l’immeuble de Sabine et Tom pour se regrouper dans un recoin abrité. Puis Carapace les entoura de son pouvoir protecteur et entraîna le groupe dans une mauvaise direction pour brouiller les pistes. Ils disparurent de la vision de Ladybug. Elle les réceptionnerait quand ils seraient proches et leur indiquerait le chemin à suivre.

« Alors comme ça, Ladybug a fuit le combat ? »

La coccinelle sursauta. Elle entendait étonnamment bien les échanges au vu de la distance maintenue entre elle et la vilaine.

« En même temps, après ce qu’elle a révélé, moi aussi j’aurais envie de me cacher ! »

Elle éclata d’un rire mauvais qui fit remonter de la bile dans la gorge de l’héroïne. Elle ne se cachait pas parce qu’elle avait peur, mais parce qu’elle n’avait pas le choix !

« Tu sous-estimes notre leader ! répliqua Queen Bee d’un ton tout aussi clair. Regarde les adversaires qui se trouvent devant toi plutôt que de te concentrer sur une ennemie absente. »

Phase deux. Ladybug s’était recroquevillée derrière sa cheminée mais scrutait toujours la rue à la recherche de Carapace. Surprise, elle vit Rena Rouge la rejoindre par la rue. Elle se positionna sur un balcon face à Ladybug et joua une mélodie. Son pouvoir se déclencha et l’héroïne comprit que les faux otages avaient pris leur place. Rena adressa un clin d’œil à Ladybug et retourna auprès de Vipérion et Queen Bee. Elle ne combattrait physiquement que si leur mission tournait au vinaigre.

« Par contre, il est certain que je ne vous sous-estime pas, héros, railla Veritae. Tu as été assez bête pour me parler en sachant parfaitement comment agit mon pouvoir, Chloé. Alors voyons, que pourrais-je te demander ?

– Tout ce que tu voudras, je n’ai rien à cacher ! clama la blonde. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons apporté un petit quelque chose qui appuiera ton pouvoir. »

Vipérion sortit le détecteur de mensonge d’une besace qu’il portait à cet effet. Sa seconde chance était enclenchée au cas où Chloé révélerait l’information de trop. Comme la suite de leur intervention, par exemple. Ou alors l’endroit où se cachait Ladybug.

« Comme tu le vois, c’est un détecteur de mensonge conçu par le Lucky Charm de Ladybug, ce qui signifie qu’il est aussi puissant et fiable que toi aux yeux du Papillon. Un outil utile, en somme, et qui disparaîtra aussitôt que l’on en aura plus besoin.

– Qu’est-ce que tu espères faire ? Me blesser ? »

Veritae éclata d’un rire sans joie.

« Que penses-tu être pour Ladybug, toi ? Tu es comme moi, un pion sur son échiquier. Alors ne joue pas à la plus maline avec moi, » gronda Veritae.

Ses lèvres dorées brillaient dans la nuit, à l’image du sourire étincelant qu’arborait Chloé. Ladybug savait qu’elle devait mourir d’envie de répliquer qu’elle lui était supérieure car elle, au moins, avait un Miraculous et n’était pas une création de celui du Papillon. Au lieu de cela, elle changea de sujet :

« Alors, ça vient ces questions ? Je n’ai pas toute la nuit, une nouvelle interview m’attend demain matin !

– Quelle est ta pire crainte ?

– Que ma mère m’abandonne de nouveau, avoua Queen Bee. Mais qui est-ce que cela surprend ? » se reprit-elle.

Le détecteur avait dû afficher vrai. C’était un peu le souci avec cette partie : il était imprévisible. Chloé devait improviser sur le résultat.

« Que penses-tu de la véritable identité de Ladybug ?

– Et bien, j’aurais aimé avoir été choisie à sa place à l’époque. Avec du recul, je pense que je n’ai pas sa force. Je reconnais que découvrir qui se tenait sous le masque m’a bousculée et très franchement, j’étais dégoûtée de savoir que c’était elle et pas moi. Parce que bien que je l’adore aujourd’hui, il y a eu une période où je la jalousais. Et cette jalousie est revenue plus forte que je ne le pensais. »

Un silence accueillit l’aveu de Chloé, et Marinette se sentit un petit peu mal à l’aise. Les héros savaient qu’elle avait dit la vérité. Elle se mordilla la lèvre, attendant avec espoir un signe que le plan allait avancer. Puis, Queen Bee éclata de rire.

« Tu m’as crue ? C’était faux !

– Pardon ? interrogea l’akumatisée.

– Regarde le Lucky Charm. Il affiche faux ! Et sans vouloir être méchante, quoique si, le pouvoir de la Coccinelle est bien supérieur à celui du Papillon, non ? Tu n’as pas l’air très fonctionnelle. »

Ladybug souffla de soulagement. Queen Bee s’était parfaitement adaptée à la réponse du détecteur. Et à l’expression perdue qui passa sur le visage de Veritae, elle en fut troublée. Immédiatement, le Papillon entra en contact avec elle. La blonde frappa son poing contre celui de Vipérion qui tenait le détecteur de l’autre main. Ils avaient l’air très complice et cela renforçait les propos de Chloé.

« Oh ! Très bonne idée Papillon, approuva soudainement Veritae. Dis-moi Queen Bee, j’ai une question toute bête à te poser.

– Mais je t’en prie, répliqua Bee d’une voix tendue.

– Comment es-tu devenue une héroïne ?

– J’ai trouvé la boite contenant le Miraculous de l’Abeille dans la Tour Eiffel. C’est quand je l’ai ouverte une fois chez moi que mon kwami est apparu. Je me suis transformée plus tard alors que ma mère… bref. J’ai clamé être Queen Bee une fois ma transformation effectuée mais j’ai été reconnue héroïne plus tard.

– Voyons voir ce que va dire ton fameux détecteur de mensonge, maintenant ! » se contenta de commenter Veritae.

C’était vrai, Ladybug le savait parce qu’elle se souvenait de ce moment. Par ailleurs, sa première transformation était parue dans les journaux télévisés. Elle ne pouvait pas démentir.

« Il semblerait que j’ai dit la vérité, » constata simplement Queen Bee face au résultat du Lucky Charm.

Ladybug relâcha la pression. Pour le coup, il lui avait vraiment porté chance.

« Question suivante ?

– Sais-tu ce que Ladybug a répondu à ma dernière question ?

– Qu’elle vivait son pire scénario maintenant ? » répondit Queen Bee, car c’était sa vérité.

Au sourire de la vilaine, tout le monde comprit qu’un élément clochait. Et la plupart d’entre eux devaient avoir fait le lien entre cette réaction et l’échange de Chat Noir et Ladybug chez Chloé.

« Tu dis vrai, mais ce n’était pas ma dernière question. C’est la dernière question que tu connais. Le Lucky Charm ne t’est d’aucune utilité dans cette situation. Il semblerait que Ladybug et Chat Noir aient volontairement oublié de vous faire part de son plus grand souhait, n’est-ce pas ?

– Oui, » approuva Queen Bee que l’emprise de Veritae avait forcé à répondre.

Les lèvres de la vilaine redevinrent blanches. Chloé ne lui servait plus, elle allait guetter la moindre réaction de la part des autres. Une tension s’était formée, ou plutôt répandue. Elle s’écoulait de Chat Noir comme un liquide visqueux et terriblement dangereux. C’était lui le plus à même de craquer et tout cela parce que Ladybug avait repoussé leur discussion. Elle jura tout doucement.

On siffla dans la rue en contrebas. Carapace était là avec tous les otages. Ladybug descendit du toit. Ne pas savoir ce qu’il se passait de l’autre coté alors que l’on parlait d’un sujet qu’elle aurait préféré ne jamais évoquer l’angoissait. Elle expliqua rapidement à ses parents ce qu’ils devaient faire du groupe : les guider le plus loin possible de Veritae et se réfugier dans un appartement en attendant qu’ils battent la vilaine.

Alors que Sabine se mit immédiatement à l’action, Tom attendit un moment qu’ils soient seuls. Il se pencha sur Marinette et la prit dans ses bras. Surprise par ce geste, elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle était si fatiguée de se battre, si fatiguée de cette crainte dans laquelle elle vivait désormais… Cette étreinte était chaude et pleine de promesses.

Ça ira, Marinette, on est là. Tu n’es pas toute seule.

Elle étouffa un sanglot et fit signe à son père de se mettre en route. Elle regarda ses parents s’éloigner avec, entre autres, Rose et Juleka. Puis elle leur tourna le dos, attrapa la taille de Carapace, et les attira de nouveau tous les deux sur le toit pour observer l’avancée des discussions.

Discussions qui, aux sons titants des armes déployées, avaient cessé depuis un petit moment. Tous les héros étaient plus concentrés que jamais, tandis que Veritae, aux lèvres de nouveau dorées, semblait troublée, presque déstabilisée. Quoiqu’elle devait être assez déstabilisée avec le poids de tous les portes-clés qui s’accumulaient dans son dos. Ladybug se demandait comment ses alliés avaient bien pu en accrocher autant sans réussir à détruire les écouteurs au passage.

Chloé resplendissait. Elle s’était jointe au combat en compagnie de Vipérion. Rena Rouge gardait le Lucky Charm. Se battre rendrait sa détransformation plus rapide et elle voulait la repousser le plus longtemps possible. A chaque fin de réponse de Chloé, elle frappait dans ses mains : une fois pour oui, deux fois pour non.

Carapace fit signe à Ladybug qu’il la rejoignait pour la protéger et s’évapora. Elle resta seule, culpabilisant de ne pas combattre à leurs cotés alors que la vilaine restait si agile et rusée. Elle vit Ryuko trancher les longues nattes de leur ennemie pour rendre plus accessible ses écouteurs, et Queen Bee lui faire un croche-pattes.

Veritae se rattrapa de justesse à une bordure du toit, manquant de tomber en arrière sous le poids des portes-clés, mais Vipérion s’empressa d’agripper son bras. Elle sourit et s’en dégagea, repartant de plus belle dans ses questionnements. Queen Bee répondait chaque fois que Ryuko ne masquait pas sa bouche, et Rena Rouge lui faisait écho de ses claquements de mains.

Chat Noir était perché un peu plus en hauteur, son cataclysme en action, attendant le bon moment pour attaquer. Dans le dos de Ladybug, le soleil n’allait pas tarder à percer.

« Allez… chuchota-t-elle. Vous y êtes presque ! »

Et en effet, Veritae, aussi vive et glissante qu’elle soit, ne fut pas plus forte que les deux reptiles du groupe. Ils l’immobilisèrent, appuyant chacun contre un bras de la jeune femme, le menton contre les tuiles plates et réussirent à la maintenir par un quelconque miracle. Queen Bee s’assit sur ses jambes et enfin, Chat Noir avança vers elle.

Juste avant, il lança le signal de son catphone au bugphone qui permettait d’annoncer à Ladybug de sortir sans risques. Elle l’avait bien vu, mais elle attendait sa validation.

Elle s’attira sur le toit à l’aide de son yo-yo et se planta droit devant Veritae. Elle avait perdu, Ladybug put lire dans ses yeux qu’elle abandonnait. Une lueur plus vivace dansait au fond des yeux de la brune. La lumière d’un rire moqueur, de quelqu’un qui en savait plus que les autres.

« Je te propose un dernier marché, Ladybug. Une dernière question ou je dévoile à toute ton équipe ta réponse à ma dernière question. Je pense que tu sais de laquelle je veux parler. Alors ?

– Quelle question ? demanda Queen Bee à la place de Ladybug.

– Je me fiche des noms, c’est le Papillon qui les veut. Et vous voyez bien que je ne suis pas en position de demander plusieurs choses. Je veux une réponse que me donnera le cœur de Marinette. »

Chat Noir s’ajouta au poids des trois autres héros, sa main libre tenait le câble fin des écouteurs, celle capable de cataclysmer l’objet à proximité. D’un genou, il fit pression sur la gorge de Veritae. Ladybug hésita. Veritae était bloquée et avait eu ce qu’elle souhaitait : des aveux terribles de la part de la coccinelle. Elle sourit et corrigea :

« Ladybug, la reprit l’héroïne. Appelle-moi Ladybug. »

Aux expressions horrifiées de ses camarades, Ladybug prit peur. Et si elle commençait à donner des noms sans pouvoir se retenir ? Mais Chat Noir, plus vif, détruisit le câble. Son regard en disait long sur ce qu’il pensait. Il ne bougea pas et attendit, comme tous les autres, l’ultime demande de l’akumatisée.

« Quelle perte serait la plus douloureuse ? Le Chat ou le Serpent ? » sourit la vilaine, les lèvres teintées de rouge tandis que son costume se désagrégeait.

Les particules s’envolaient dans le vent, son pouvoir ne faisait plus effet et tous le savaient. L’un après l’autre, ils la relâchèrent. Alors Ladybug se contenta de capturer l’akuma et, plantant son regard bleu dans le brun de son opposante à terre, répondit paisiblement malgré le regard de Chat Noir posé sur elle :

« Le Serpent. »

Le regard de Veritae trembla une seconde et elle perdit son sourire. Ladybug eut juste le temps de voir une peine sincère chasser l’amusement dans ses yeux avant qu’elle ne redevienne la civile que Marinette avait croisé en début de soirée.

Ladybug lança un regard à Chat Noir, qui expliquait la situation à la victime du papillon. Il ne s’approcha même pas pour cogner son poing et célébrer la fin de cette mission particulièrement compliquée. Vipérion posa une main sur son épaule. Elle lui sourit et se blottit contre lui.

Le combat était fini.

Dans son cœur, une voix amère ronronnait.

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