Meurtre en coton

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Killie était partie la veille retrouver sa grand-mère. Comme à chaque été, elle y passerait trois semaines à profiter des bains de mer et de jeux ensablés. Trois semaines où elle laissait sa chambre déserte de toute vie. Ou presque : chez Killie, les peluches s’animaient lorsqu’aucun œil humain ne pouvait les voir. Je pourrais vous dire que c’était parce que la maison de Killie était bâtie sur un ancien site magique breton où vivaient autrefois farfadets et lutins, mais c’est une autre histoire. Ce qui nous intéresse à cet instant du petit matin où les rayons du soleil éclataient, était un petit tas de coton démembré, reposant sur le plancher de cette chambre douillette.

Un cri surgit depuis le lit. Une poule de feutre marron, portait ses ailes à son bec, effarée :

— Guerite !

Depuis le lit, le bureau, les coffres à doudous, le dessus de l’armoire et les tiroirs de la commode, des têtes inquiètes se levèrent. Guerite, la vache noire et pie gisait à terre, inanimée. Son corps avait été éventré, de la bourre s’écoulait des blessures comme un sang vaporeux et immaculé. Les yeux ensommeillés s’écarquillèrent d’effroi. Un loup poussa un hurlement à la lune, des chevaux ruèrent, un agneau se mit à pleurer des billes de polystyrène.

— Silence vous tous ! Vous allez attirer la famille !

La voix martiale les avait fait taire. Depuis le rebord de la fenêtre, colonel Coin-Coin, vétéran de la guerre des Tartanelles contre les Chocobiscuits alien, décoré de la croix rouge et de la médaille étoilée en plastique rouge, avait repris le commandement. Les animaux furent rassurés. Un chef était apparu.

Colonel Coin-Coin sauta sur le sol et ordonna :

— Calmez-vous ! Je vais conduire une enquête officielle pour trouver le coupable de cette abomination. Je vous promets que je n’aurais pas de repos avant de l’avoir découvert. Retournez à vos occupations. Docteure souris, s’il vous plait, pourriez-vous venir ?

Une souris en peluche, munie d’un stéthoscope en cure-pipe et d’une blouse blanche, approcha en trottinant.

— Bonjour Docteur, je vais avoir besoin de vos compétences médico-légales pour résoudre cette grave affaire.

— Bien sûr, bien sûr, mon colonel. Allons voir la victime.

Les deux s’avancèrent vers le cadavre de cette pauvre Guerite, sous le regard attentif de la horde qui n’était finalement pas du tout retournée à ses occupations. Docteure Souris se pencha et examina les bords de la blessure mortelle. L’abdomen avait été arraché sur toute sa longueur.

— Les plaies sont caractéristiques : le coupable est un carnivore.

Aussitôt un frisson parcourut les peluches. Les herbivores se serrèrent les uns contre les autres et s’écartèrent des tigres, chiens, loups, requins, serpents, dragons. Une licorne donna même un coup de sabot à un goupil.

Mais à cet instant, un bruit violent provint de la porte. Un monstre bavant en surgit. Avant que les habitants ne puissent reconnaitre Foufou, le chien de la famille, celui-ci s’était jeté sur colonel Coin-Coin. Ce dernier essaya bravement de se défendre, mais il eut beau pincer l’animal de toutes ses forces, son bec de coton ne lui faisait aucun mal. Foufou le secoua en tous les sens jusqu’à ce qu’il soit projeté contre le mur. Le chien allait l’achever lorsque la mère de la famille l’appela. Il repartit aussi vite qu’il était venu.

Docteure Souris se jeta à ses côtés, prête à tout pour le soigner lorsque le vieux guerrier l’arrête :

— Laissez, c’est inutile. J’ai trop vu la mort prendre mes soldats pour la reconnaitre quand elle arrive.

Il toussa et reprit faiblement :

— Au moins, j’aurai tenu ma promesse. L’assassin est confondu. Fermez la porte la nuit, gardez-vous des crocs.

Puis son âme s’envola sous les larmes de la petite souris.

Trois semaines plus tard, Killie pleura aussi beaucoup la perte de Guerite et de Colonel Coin-Coin, son canard préféré. Foufou fut grondé et n’eut plus droit de pénétrer dans les chambres. Mais ce qu’elle ne sut jamais, c’était que la magie du petit peuple de Bretagne était intervenue : les esprits de Coin-Coin et de Guerite ne quittèrent jamais la chambre et au clair de Lune, Docteure Souris, les apercevait l’un à côté de l’autre, veiller sur eux et vérifier que jamais le chien meurtrier ne pourrait accomplir de nouveau carnage.

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