Chapitre 10

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Quelle horreur. Nous nous tenions tous au sommet du champs, à aviser le désastre qui s’étendait sous nos yeux. J’avais tourné la tête pour regarder Napoléon, tout aussi consterné que moi. Je sentais le désappointement de William et sa mère. Tous le travail que nous avions fournis quelques mois plus tôt avait été réduit à néant par une violente tempête de grêle. Les plantations étaient méconnaissables, la terre retournée et spongieuse. Sans oublier les branchages qui jonchaient le sol. Madeline était flageolante et s’était effondrée sur son fils qui s’était lui-même appuyé sur moi pour ne pas tomber. La femme était effarée.

-Tout… tout va bien maman, avait dit William d’une voix tremblante. On… on va tout replanter. Rex va nous aider, pas vrai ?

J’avais tourné la tête. Mon maitre n’était visiblement que peu convaincu, me faisant douter d’une telle possibilité.

-On a tout perdu…, avait murmuré Madeline. Ce champs était notre salut.

Je m’étais penché sur un légume. Celui-ci, prêt à être cueillit, était mort, noyé par l’eau. J’avais poussé un gémissement plaintif. Le soleil levant n’était pas le signe de nouveaux jours heureux, bien au contraire. C’étaient des temps bien sombres qui se profilaient, à l’instar des gros nuages que l’on apercevaient au loin.

Les jours suivant furent bien difficile. Les cultivations devaient nous permettre de subvenir à nos besoin, d’après William. Je m’étais renseigné auprès de Napoléon, pour savoir si cela était déjà arrivé. Mais dans toute son existence, jamais le vieil âne n’avait vu de situation aussi désespérée. Et bien qu’il puisse profiter de l’herbe haute, verte et grasse du printemps, il était tout de même préoccupé. Je passais mon temps à nettoyer le champs en compagnie de William, récupérant les rares légumes épargnés. Une aussi maigre quantité ne rapporterait que peu d’argent. Seuls les plus beaux seraient vendus, réduisant davantage la quantité. Je creusais délicatement la gadoue pour les sortir du sol et mon maitre les mettaient dans les gros paniers d’osiers sur mon dos.

Les ventes furent peu glorieuses. Si certains villageois compatissaient, d’autres riaient bien de notre sort. Était-ce donc là le fruit de notre dure labeur ? William et moi avions-nous travaillé si durement pour rien ? J’avais secoué la tête, refusant d’y croire. Nous étions sur la place, à tenter de faire partir le maigre stock de légumes. Sur au moins vingt caisses prévues, seule trois étaient présentes sur l’étalage. Les prix malheureusement élevés n’aidant pas, ce ne furent que deux caisses que l’on vit partir. J’avais donné un léger coup de museau à William, sentant son désarroi. Je voulais le réconforter. Nous étions resté encore, espérant voir encore quelques légumes partir. Peut-être était-ce trop demandé.

Nous étions rentré au soir. Quelle n’avait pas été notre stupéfaction en voyant une voiture devant la maison ! A sa vue, William avait blêmi.

-Allez Rex.

Nous étions arrivés à l’instant même où un homme était sorti. Je reconnaissait son odeur. Le propriétaire !

-Diable ! avait-il dit en me voyant. Qu’est-ce donc que cette monstruosité !

- C’est Rex, la bête de mon fils, avait rétorqué Madeline. Il… il est née dans notre potager.

A ces mots, le visage du propriétaire s’était illuminé. Un sourire s’était dessiné sur ses lèvres et il s’était approché. J’avais reculé, malgré la charrette sur laquelle se trouvait mon maitre.

-Tout doux, Rex, avait-il dit.

- Garçon, c’est une bien étrange bête que tu as là.

William avait froncé les sourcils.

-En effet. Rex est à part… il nous a permis de cultiver le champs, même si…

- J’ai vu cela. Apprend, William, qu’au vu du désastre produit, je viens de récupérer le terrain, ainsi que tout ce qui s’y trouve.

- Comment-ça ? Maman…

Madeline avait eu un air décomposé.

-Non… tu n’as pas fait ça…

- Je n’avais pas le choix… Je ne pouvais rien faire…

Lentement, William était descendu.

-Et Rex dans tout ça ?

- Il m’appartient également.

A ces mots, j’avais redressé la tête. Que voulait-il dire ?

-Ne me regarde pas comme ça, gamin. Cette bête est bien née ici, sur MES terres, n’est-ce pas ?

- Eh bien… oui…

- Autrement dit, mise à part le vieux bourriquet, toutes vos possessions sont à moi, ai-je tords ?

- Vous êtes le propriétaire.

- Ah… le propriétaire. Je possède ce terrain et ce qui s’y trouve.

Je commençais à comprendre la mesure de cet échange. Et ça ne me plaisait pas du tout !

-Mais monsieur, si je peux me permettre, Rex n’a pas été déclaré. Il n’a donc aucun papier attestant que vous êtes son propriétaire.

Le visage de l’homme s’était assombri.

-En admettant qu’il soit né sur votre terrain, cela ne signifie pas pour autant qu’il vous appartient.

- Mais il n’est pas non plus à toi !

La tension montait d’un cran. William jouait à un jeu dangereux qu’il semblait mener.

-Officiellement, certes, mais Rex me suivra partout. Aucune stalle ni aucune cage de zoo ne pourrait le retenir.

L’homme m’avait avisé. Ma peau écailleuse laissait paraitre mon impressionnante musculature. Il recula d’un pas.

-Eh bien… soit. Je vous laisse le bourriquet et la bestiole. Mais d’ici trois jours, je vous que vous ayez dégagé de chez moi.

- Ce sera fait Monsieur Hoskins, assura Madeline.

L’homme avait maugré puis gagné son automobile qui avait quitté le domaine. William avait soupiré, presque soulagé. Il m’avait désattelé et j’avais accouru pour retrouver Napoléon, lui contant ce qui venait de se passer. Le vieil âne peinait à y croire. Notre existence alors paisible subissait depuis peu un certain nombre de chamboulement. J’étais resté à ses côtés afin de savoir ce qu’il allait se passer. Au vu de ce que lui avait raconté, il m’avait dit que nous allions très certainement partir pour ne jamais revenir. Ainsi, nous étions chassés de notre propre chez-nous ! Nous devions quitté cet endroit pour lequel nous avions tant donné. J’imaginais bien la peine de nos maitres, notamment de William. Après tout, comme moi, il était né sur ces terres. Je me voyais mal quitter ces merveilleux paysages. Et Napoléon était trop vieux pour entreprendre un voyage dont la destination était inconnue.

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